J’accepte… peut-être

DROIT ET TI – Vous venez d’ouvrir une page Web. Venez-vous de signer un contrat ?

Il arrive que l’on accepte implicitement des conditions de contrat. Vous avez sans doute déjà accepté le prix d’un stationnement en le voyant annoncé et en allant stationner votre voiture. Vous avez peut-être pensé que si le prix était annoncé de façon suffisamment claire avant d’entrer sur le terrain de stationnement, une certaine logique voudrait qu’en entrant sur le terrain vous ayez accepté le prix. La même logique voudrait que si le prix n’était pas annoncé de façon suffisamment claire, vous n’auriez pas accepté valablement ce prix ou encore, dans le doute, vous ne seriez pas entré sur le terrain.

De la même façon, vous avez peut-être déjà placé votre manteau dans le placard d’un restaurant ou d’un hôtel alors qu’une affiche indiquait que le restaurant ou l’hôtel en question déclinait toute responsabilité en cas de dommage ou encore en cas de vol. La même logique décrite précédemment voudrait que, si l’affiche est apparente, vous ayez la chance d’en accepter ou d’en refuser les conditions et qu’alors, le dépôt de votre manteau implique votre acceptation.

Si l’affiche ne mesure que quelques centimètres et est placée au fond d’un placard peu éclairé, il serait difficile pour vous de l’accepter valablement car il y a peu de chances que la voyiez.

La décision Dell

La décision Dell c. Union des consommateurs date déjà de plusieurs années (2007). Du moins, en années Internet, elle date déjà de pas mal longtemps.

Elle a édicté que lorsque le visiteur d’une page Web accepte explicitement, par un clic ou autrement, certaines des conditions qui s’y trouvent et sont portées à son attention, le même visiteur peut aussi valablement accepter d’autres conditions se trouvant sur le site et qui ne sont pas portées à son attention.

Les internautes québécois et canadiens doivent donc maintenant, dans plusieurs cas, porter attention à tous les textes légaux d’un site avant de les accepter explicitement même en partie, par un clic ou autrement.

Mais qu’arrive-t-il si aucune acceptation explicite n’est donnée par le visiteur de la page Web ? Qu’arrive-t-il s’il ne fait que… visiter ?

Le Code civil

Le Code civil du Québec nous informe à ce sujet au moyen de deux articles :

1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation (…)

Et

1386. L’échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne.

Si l’on combine les règles contenues à ces articles et les explications données au début de la présente chronique, il apparaît que puisque le simple visiteur d’une page Web n’exprime aucune volonté d’accepter quoi que ce soit, les conditions d’utilisation du site Web ne s’appliqueraient pas à lui.

Mais si les conditions d’utilisation prévues au site ne s’appliquent pas au simple visiteur qui n’exprime pas une volonté d’accepter, quelles règles de droit s’appliquent alors à cette visite ? Il devient tentant pour les tribunaux, qui ont horreur du vide, de présumer une acceptation tacite.

Une décision de la Colombie-Britannique

C’est ce qu’un tribunal de la Colombie-Britannique a fait dans le cadre d’une décision récente.

Les circonstances de cette décision sont tout de même différentes de la simple visite d’un site Web : la défenderesse a soutiré des informations du site Web de la demanderesse, pour les afficher sur son propre site Web, le tout contrairement aux restrictions contenues aux conditions d’utilisation du site de la demanderesse.

Le juge a décidé que les conditions d’utilisation de la demanderesse s’appliquaient à la défenderesse même si elle n’avait rien accepté, une fois qu’elle avait été « avisée » des conditions. Il n’est pas clair dans la décision quelles exigences doivent être respectées pour qu’un « avis » valable soit donné.

Notre Code civil ne s’applique pas en Colombie-Britannique, et le droit britanno-colombien ne s’applique pas au Québec. Toutefois, les jugements d’autres juridictions peuvent être d’un grand intérêt bien qu’ils ne s’appliquent pas au Québec. Ils constituent une façon de répondre à une nouvelle question de droit, façon qu’un juge local pourrait adopter si les lois locales sont comparables à celles touchant le jugement.

Compte tenu des articles mentionnés précédemment, le jugement semble compatible avec notre Code civil. Reste à voir ce qui constituera un « avis » valable dans les décisions à venir.

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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