Qui paie la formation de l’employé qui s’en va volontairement?

DROIT ET TI – Un employé donne sa démission à un employeur. Dans les mois qui ont précédé, l’employeur a dépensé des sommes considérables pour la formation de son employé. L’employé doit-il rembourser ou est-ce une perte nette pour l’employeur?Image de personnes suivant une formation

Vous êtes l’employeur qui a payé les frais de scolarité et les livres, et qui a accepté toutes sortes de changement à l’horaire de travail, de l’employé qui a maintenant complété un MBA. Une semaine après sa graduation, il vous annonce qu’il va travailler ailleurs. Que se passe-t-il alors au niveau du paiement de cette formation?

Vous êtes le nouvel employé d’une société et les trois premières semaines que vous passez à votre nouvel emploi sont occupées par une formation de base. Au milieu de la troisième semaine vous recevez un coup de fil d’une autre entreprise vous mentionnant que votre emploi de rêve est maintenant à votre portée. En vous excusant, vous annoncez à votre employeur que vous quitterez votre emploi.  Que se passe-t-il alors au niveau du paiement de cette formation?

Le contrat de travail

Le premier réflexe devrait être de vérifier ce que dit le contrat de travail de l’employé à ce sujet. Si des sommes sont à rembourser par l’employé, c’est souvent parce que l’employeur l’a prévu dans le contrat de travail.

Bon nombre de contrats de travail contiennent effectivement des clauses à l’effet que, par exemple, l’employé qui quitte volontairement moins de deux ans après une formation « significative » devrait rembourser, par exemple, un montant établi au pro rata des mois non écoulés de ces deux ans, soit 1/24 du montant de la formation par mois non écoulé.

Par ailleurs, les tribunaux sont intervenus dans certaines circonstances pour annuler ou confirmer la validité du contenu de certaines clauses.

La clause du contrat de travail est-elle valide? 

Dans l’affaire Pascan Aviation c. Di Marzio, la Cour a conclu que la clause de paiement de la formation n’était pas abusive. Ce qui suit est un extrait de la décision :

Selon la preuve, la formation d’un commandant KingAir implique des cours théoriques d’une durée de 2 ou 3 jours dispensés par d’autres employés de l’entreprise, dont le chef-pilote. Elle requiert 5 heures d’entraînement en vol et 1.5 heure pour l’examen. Enfin, en cours d’emploi, chaque année ou aux deux ans, d’autres cours sont offerts aux pilotes, histoire de parfaire ou de tenir à jour leurs connaissances.

Charron, le président de Pascan, évalue à 12 000 $ le coût de cette formation pour l’entreprise. Il reconnaît qu’il ne s’agit pas d’un calcul précis mais plutôt d’une approximation. En regard de la preuve, elle n’apparaît pas exagérée.

Il insiste cependant pour que la clause pénale soit incluse dans les contrats de travail non seulement afin de permettre à l’entreprise de se rembourser des coûts de formation qui ne coûtent rien aux jeunes pilotes chez Pascan mais également pour inciter ces derniers à demeurer à son emploi pendant une période raisonnable.

En effet, soutient-il, dans ce type d’industrie, il y a une forte rotation de personnel, surtout en contexte de pénurie de pilotes comme à l’époque pertinente. Il arrive fréquemment que des entreprises compétitrices « maraudent » Pascan et recrutent ses pilotes. La clause pénale vise également à indemniser la compagnie pour le préjudice que lui cause un départ hâtif.

Pascan n’est pas la seule petite compagnie aérienne à agir de la sorte. (…) Max Aviation fait aussi signer un contrat assorti d’une clause pénale de 1/24 par mois du coût de la formation.

Dans d’autres décisions, cependant, les clauses de remboursement ont été déclarées abusives et nulles, surtout lorsqu’il s’agissait d’une formation qui, alors qu’elle était exigée par l’employeur, n’augmentait pas nécéssairement les compétences de l’employé sur le marché en général.

Dans Services d’inspection BG c Duclos, la Cour a jugé mal fondée la demande de remboursement des frais de formation du salarié. D’une part, l’employeur avait exigé du salarié qu’il suive la formation d’autre part, le salarié avait échoué l’examen final et n’avait donc pas obtenu la certification recherchée. Le juge a retenu que l’employé ne retirerait pas un bénéfice personnel de la formation en dehors de la relation exclusive employeur-employé.

Mentionnons aussi que le remboursement de la formation peut être annulé lorsque ce remboursement entraînerait une rémunération inférieure au salaire minimum pour l’employé.

Alors qu’est-ce qui est remboursable?

Comme c’est souvent le cas en droit, on ne trouve pas, en matière de remboursement de formation, de « toujours » ni de « jamais ».

Cependant il est probable qu’une formation longue et coûteuse, utile en général dans le secteur d’activité de l’employé, demandée par l’employé et suivie de sa démission, puisse donner lieu à un remboursement.

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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