Spécial 20 ans: Évolution et de révolution dans la gestion des TI

POINT DE GESTION – Au cours des vingt dernières années, la gestion de l’informatique a connu de nombreux bouleversements et remises en question. Certes, tous les chamboulements en gestion n’ont pas été le propre de l’informatique et ils ont touché l’ensemble de l’organisation

Il n’en demeure pas moins qu’en vingt ans, la gestion des TI a vécu un véritable raz-de-marée, tant dans ses pratiques, ses méthodes et ses ressources humaines.

Cette ère peut se scinder en deux grandes périodes, celle de la gestion organisationnelle des TI et celle de la gestion thématique des TI, qui se sont étendues sur une dizaine d’années chacune.

LA GESTION ORGANISATIONNELLE DES TI

Cette première période est celle de la prépondérance de l’organigramme. C’est en fait le poste, celui qui est défini par un statut dans l’organigramme qui infléchit la gestion de l’informatique. Laquelle, d’ailleurs, à ce moment-là, n’est pas encore complètement devenue les TI.

À cette époque, la gestion de l’informatique est hautement et strictement centralisée. C’est un cas typique de la gestion dite en mode silo, qu’il faudra longtemps pour parvenir à abattre. L’informatique est encore une tour d’ivoire ou règne une faune souvent incompréhensible du reste de l’organisation. C’est souvent une « baronnie » dans l’état. Au cours de sa décennie, cette période de gestion a connu trois étapes distinctes d’évolution, soit la gestion par individualité, par équipe et par sections spéciales. 

1- La gestion par individualité

À ce moment-là, les TI étaient encore l’informatique. Et le responsable des services informatiques, voire le directeur de l’informatique, régnait en maître sur le groupe informatique. Ce groupe était constitué d’individus qui se distinguaient d’abord par leur ancienneté dans le service, puis parfois, en second lieu, par des habiletés particulières. Les principaux travaux de l’informatique à cette époque étaient le développement et l’entretien des systèmes. Les tâches reliées au développement des systèmes étant considérées comme plus nobles, ce sont les anciens qui y étaient affectés. Une sorte de droit d’aînesse corporatif. Les jeunots étant pour leur part affectés aux tâches laborieuses d’entretien des systèmes en place. La gestion des TI se résumait principalement à la gestion des ressources humaines, matérielles et financières par le responsable.

2- La gestion par équipe

Si la gestion des TI continua à être principalement celle de ses ressources, c’est la gestion des ressources humaines qui fit des progrès. Ainsi, le groupe informatique se vit explosé en trois grandes équipes fonctionnelles : le développement de systèmes, l’entretien des applications et l’assistance technique (souvent connu sous le nom : support technique, un calque de l’anglais).

3- La gestion par sections spéciales 

Le temps faisant son œuvre, la technologie franchit des paliers importants. Ce sont le déploiement massif des réseaux locaux et la généralisation de la microtisation. Les trois équipes informatiques se subdivisent à leur tour en sections spéciales vouées chacune à une spécificité fonctionnelle. Il y maintenant une section Cobol responsable du développement, une section applications chargée de l’entretien, une section micro, une section réseaux, une section soutien aux utilisateurs et, il apparaît une section sécurité.

LA GESTION PAR THÉMATIQUE DES TI

Il s’agit de la seconde décennie abordée dans ce propos. C’est la plus récente, celle qui conduit jusqu’à aujourd’hui. Cette grande période dans la gestion des TI n’est plus centrée sur les individus, qui sont devenus des ressources. Ce sont des ressources humaines, tout comme il y a des ressources financières et matérielles. Ce sont les thématiques fonctionnelles qui sont les maîtres mots dans cette seconde grande période de la gestion des TI.

De la gestion par projet à la qualité totale, de l’impartition à la gestion qualitative des services, de l’alignement à la fusion organisationnelle des TI, et bien d’autres encore. Voilà quelques exemples des multiples étapes thématiques de cette gestion des TI des 10 dernières années.

Si, les décennies passées ont largement été influencées par la vitesse sidérale de l’évolution des matériels, des logiciels et des applications, il est incontestable que cette dernière décennie est celle de la gestion des TI. Les approches, les méthodes, les façons de faire, les pratiques, s’y succèdent à un rythme infernal, au travers d’autant de thématiques, se posant chacune comme une étape critique de la gestion des TI.

Il est impossible pour les organisations de se convertir à toutes les étapes successives. Même, si chaque organisation tente avec essoufflement de pratiquer un peu de chaque. La vitesse de succession des étapes est de loin supérieure à la vitesse d’adaptation des organisations et à la vitesse d’acceptation des ressources humaines qui les composent.Parmi les principales thématiques de la gestion des TI et, pouvant êtrevues comme autantd’étapes significatives, nous avons retenu les suivantes.

1- La gestion par projets

Les TI sont devenues un groupe hétérogène rassemblant une multitude de compétences dans un domaine devenu complexe. Les activités des TI sont maintenant divisées en « projets » et c’est chacun de ces projets qui est géré individuellement. Le tout étant coordonné et dirigé par le directeur des TI. La complexité, la rentabilité et les coûts peuvent être alors analysés pour chacun de projet et les décisions prises sur un projet n’ont pas d’impact direct sur les autres. La direction des TI devient un prestataire interne de services et les directions fonctionnelles deviennent des clients internes elles aussi.

2- La réingénierie des processus

Cette étape sonne l’arrivée du grand ménage dans les processus de l’organisation. C’est l’introspection des façons de faire à tous les niveaux et l’introduction systématique des TI comme outils pour supporter les processus revus et corrigés. Cette approche qui a permis aux organisations de repenser et de rendre plus efficaces leurs processus a été également le tournant entre la gestion organisationnelle en « silo » et celle dite en « réseau ».

3- La qualité totale

Issue originellement des écoles de pensées japonaises, développées après la Seconde Guerre, le concept de qualité totale fit son apparition dans nos organisations au début de la dernière décennie. Il visait à obtenir une large mobilisation et implication de toute l’organisation sous le slogan de « zéro défaut », afin de limiter le gaspillage et accroître ainsi la productivité et la rentabilité. Cette approche a été normalisée par la série ISO 9000 et ce fut la grande vague des certifications ISO 9001.

4- L’impartition

Bien qu’ayant démarré timidement, l’impartition allait se révéler, au cours de la décennie, comme une alternative à la fois viable et rentable pour certaines organisations et dans certaines conjonctures. L’impartition, qui a connu une vague ascendante rapide, a eu un impact positif important sur la gestion des TI, principalement sur l’inflation des coûts et la gestion de la qualité.

5- L’amélioration continue des processus

Si la réingénierie des processus fut un gain appréciable pour la gestion des TI, elle n’est cependant pas suffisante. Rapidement les organisations se sont aperçues que l’amélioration des processus n’était pas une tâche ponctuelle, mais qu’elle devait se faire par étapes progressives. Également, seul un polissage permanent et coordonné des processus menait à un accroissement proportionnel de la qualité. C’est ce que tente d’introduire le référentiel ITIL version 2 dans les organisations qui l’utilisent. Cette approche passe également par un alignement stratégique des compétences sur la stratégie des organisations.

6- La gestion des services à la clientèle

Toujours dans la continuité de l’amélioration de la qualité, les organisations en sont venues à une gestion des TI basée sur la qualité des services rendus, tant aux clientèles les internes qu’aux clientèles externes. Derrière les services se sont toujours les processus et leurs activités qui sont gérés. Aussi, les organisations gèrent les TI en se préoccupant du « quoi » et non plus en restant centrées sur le « comment ». C’est ce que prône la norme ISO 20000 et le référentiel ITIL version 3, qui en est à l’origine.

7- L’utilisation des référentiels et des « bonnes pratiques »

La gestion des TI s’est progressivement orientée vers une normalisation de ses façons de faire et tente de mettre en place des pratiques qui ont déjà fait leurs preuves. De telles pratiques sont maintenant de plus en plus systématiquement documentées et disponibles. Ces « bonnes pratiques », qui sont parfois également qualifiées de « meilleures pratiques » sont généralement décrites sous forme de référentiels qui sont des guides ou des corpus de connaissances, qui avec le temps sont souvent érigés en normes par l’ISO. Il suffit de penser à COSO, COBIT, ITIL, CMMI, PMBoK, BABoK, SWEBoK, etc.

8- L’alignement stratégique des TI

Les plus récentes orientations de la gestion des TI l’ont conduit sur le terrain des alignements stratégiques. C’est l’alignement de TI sur les stratégies corporatives de l’organisation. Pour ce faire, la vie des TI ne doit plus être organisée autour d’applications, mais autour d’une architecture globale, qui se décompose en services, correspondant aux fonctionnalités internes de l’organisation et à celles déployées envers la clientèle externe. C’est en autre l’avènement des SOA (Services Oriented Architecture), supportées par les référentiels comme BABok et SWEBoK.

9- La fusion organisationnelle des TI

Dernière née des avancées de la gestion des TI, la fusion organisationnelle en est à ses prémisses. C’est la fusion intime des TI et des diverses autres composantes organisationnelles. Tout comme un alliage modifie pour le mieux les caractéristiques originelles de chacune de ses composantes. C’est généralement par le concept d’architecture d’entreprise (AE) que débute la fusion organisationnelle.

En effet, l’architecture d’entreprise fournit la base de la planification stratégique qui aligne et fusionne les TI avec les fonctions d’affaires qu’elles supportent. L’architecture d’entreprise prend racine non pas dans les technologies, mais bel et bien dans la planification stratégique des besoins d’affaires de l’organisation, dans sa vision corporative, dans sa culture et dans ses objectifs, même s’il s’agit de gestion des TI.

10 – L’arrivée des Saas

SaaS signifie Software as a service et est différent de la fourniture d’applications en mode « ASP – application services provider ». Si l’idée et le concept de SaaS ne sont pas tout à fait nouveaux, la réalisation et l’offre sont beaucoup plus récentes et, encore partielles et fragmentaires.

Le SaaS se veut un modèle économique qui consiste en la commercialisation de logiciels sous la forme de plates-formes applicatives intégrables et multifournisseurs, accessibles par le biais d’internet en général et, du Web en particulier. C’est une sorte d’impartition multiple et fragmentée, consommée et tarifée sous forme de services et non pas d’abonnement.

Si les SaaS prennent l’ampleur qu’on leur prédit, ces plates-formes applicatives distantes devront être coordonnées en architecture d’entreprise. Si elles sont coordonnées par un tiers, et ce sera l’impartition de la gestion des TI, ou bien si elles sont coordonnées par l’organisation ce sera la gestion organisationnelle des TI. Lorsque la totalité des applications des TI seront en mode SaaS, sera-t-il alors question de ITaaS (Information Technology as a service )? La gestion des TI deviendra-t-elle la gestion des ITaaS? Serait-ce l’inflexion de la gestion des TI pour la prochaine décennie?

Avec ses vingt années de carrière Direction informatique a le privilège et la chance de fêter son anniversaire au cœur des deux décennies les plus riches et les plus intéressantes qu’a pu connaître la gestion des TI.

Certes, le grand chambardement n’est pas fini. La gestion des TI est assurément un des champs d’intérêt et d’expertise majeure du 21e siècle. Il suffit de constater l’inflation que connaît la gestion de projets, qui en plus d’être une thématique cruciale pour les TI, est probablement en train de devenir également une profession.

Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.

Gérard Blanc
Gérard Blanc
Gérard Blanc est directeur conseil.

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