Profil de l’industrie numérique canadienne : trop vaste et sommaire, dit l’Alliance numérique

Le dernier profil commandé par l’Alliance interactive canadienne laisse l’Alliance numérique sur son appétit : les données fournies seraient bonnes, mais l’absence de précisions en amenuise la pertinence. L’association québécoise prône la restriction à des secteurs précis lors de l’étude d’une industrie des plus variées.

L’édition 2008 du Profil de l’industrie interactive canadienne, qui a été dévoilé il y a quelques jours par l’Alliance interactive canadienne (CIAIC) , suscite plus de que de réponses à l’Alliance numérique qui regroupe les joueurs de l’industrie au Québec.

En fait, l’étude réalisée par la firme Nordicity fournirait peu d’information pertinente qui permettrait aux entreprises du domaine de l’interactif numérique de se comparer selon leur secteur d’activité ou de déceler des tendances au sein de l’industrie.

Ce profil, réalisé à l’aide d’un sondage et la consultation d’études récentes, fournit des données relatives au nombre d’entreprises, aux revenus, aux secteurs d’activité, aux catégories de tâches, etc. Ces données sont présentées selon une perspective pancanadienne, puis pour chaque province ou région.

Trop sommaire

Or, Alain Lachapelle, qui est le directeur du Sommet international du jeu de Montréal de l’Alliance numérique, dit ne pas avoir appris beaucoup de cette étude où « tout le monde est gentil, beau et puissant » et qui cache les faiblesses de l’industrie. Il regrette notamment l’absence de mises en commun et de tableaux pour comparer les provinces et les régions.

« Quand on veut avoir un portail global canadien, on n’arrive pas sur des éléments bien précis. On ne met pas ensemble toutes les provinces pour distinguer laquelle sort du lot », déplore-t-il.

Également, M. Lachapelle estime que l’échantillonnage de l’étude est problématique, ce que la firme Nordicity a aussi constaté dans son document. Il déplore le recours à des projections, à d’autres études et à des informations en provenance de médias généralistes, mais aussi que l’échantillonnage est faible et varie beaucoup d’une province ou région à l’autre. De plus, les grandes entreprises n’ont pas participé au profil.

« Je peux comprendre qu’il est très difficile de demander à [ces entreprises] d’aller un peu plus à fond dans le secret, mais [leur absence fait qu’il] devient difficile de comparer le Québec et la Colombie-Britannique, par exemple. L’échantillonnage est moins bon en Colombie-Britannique, tandis que nous avons plus de grandes entreprises au Québec qui ne font pas partie du sondage. Cela biaise les résultats dans les sous-catégories de tâche et les plates-formes ».

Fusions et imprécisions

M. Lachapelle croit que des secteurs d’activité ont été fusionnés dans certaines catégories, ce qui complique les comparaisons. Par exemple, l’inclusion du secteur des effets spéciaux et visuels pour le cinéma dans la catégorie de créateurs en divertissement et art pour la Colombie-Britannique donnerait l’impression que l’industrie du jeu y est plus forte qu’au Québec, alors que ce serait l’inverse.

« Les catégories ne sont pas assez étanches, alors que d’autres études ont des définitions plus précises et moins étendues. Ça devient difficile de savoir en quoi une province est bonne et forte », indique M. Lachapelle.

D’autre part, le nombre d’employés dans les secteurs de l’industrie n’est pas précisé et les médias interactifs ne sont pas catégorisés dans l’étude. Aussi, une classification au niveau des fonctions de travail est fondée sur le type de tâches et non selon le secteur d’activité, comme si la classification était horizontale au lieu d’être verticale.

« Le modèle de catégorisation de tâche n’est pas mauvais, mais il aurait été bon si on l’avait pris pour chacun des secteurs. Si on avait dit quelle est la part de marketing dans le jeu, l’éducation et le divertissement, on aurait eu alors du nouveau. On ne sait pas quel virage se prend. »

« Il y a [dans l’étude de Nordicity] un fourre-tout dans lequel je suis mal à l’aise, où on ne voit ni les points forts, ni les points faibles ».

Toutefois, M. Lachapelle ne met pas en doute les données qui sont contenues dans l’étude, mais il regrette qu’elles n’aient pas été exploitées avec précision. Les publics ciblés par un tel profil, soit les associations provinciales, les gouvernements et les gens de l’industrie, pourraient y trouver peu de matière utile.

« Des membres qui veulent créer une autre entreprise ou prendre de l’expansion nous appellent pour obtenir ce genre d’étude pour leur plan d’affaires. Comme nous restons au premier degré dans le niveau de lecture, c’est difficile de satisfaire les clientèles visées, je crois. […] Le malaise que j’ai avec cette étude est qu’on ne pousse rien, qu’on reste trop sommaire. »

Malaise

Selon M. Lachapelle, le profil a causé un certain malaise au sein des associations membres de la CIAIC, ce qui expliquerait pourquoi ses conclusions ont été peu publicisées.

Des dirigeants de l’Alliance numérique ont fait part de leurs réserves aux autres associations ainsi qu’à Nordicity, la firme qui a réalisé l’étude. Il aurait été constaté que des gens se sont investis davantage dans l’exercice et qu’on a voulu plaire à tout le monde.

« On s’est retrouvé à des carrefours et la ligne directrice a suivi plusieurs routes. À la lecture de l’étude, on n’en arrive pas avec un objectif commun : on s’est attaqué à toute l’industrie, ce qui est un gros morceau à prendre », indique M. Lachapelle.

« […] Nordicity nous a dit que le mandat avait été élargi en cours de route. Peut-être qu’ils auraient dû recentrer [l’étude] et dire qu’il y avait des choix à faire s’ils voulaient livrer quelque chose d’intéressant », ajoute-t-il.

Leçons

La prochaine étude du CIAIC devrait s’intéresser à l’industrie des médias interactifs numériques en 2010, avec une publication des résultats en 2011. M. Lachapelle s’attend à ce que le cahier de charge soit mieux défini et que l’approche ressemble aux études de positionnement que les associations de l’Ontario et du Québec ont déjà fait produire.

Également, le mandat pourrait être confié à une firme plus expérimentée et à l’aise avec les définitions et les classifications propres à l’industrie.  Si on veut aller à l’international pour expliquer le Canada, il faut avoir quelque chose qui se vende bien », indique M. Lachapelle.

Surtout, une attention particulière devra être apportée à la méthodologie afin d’obtenir la participation d’un grand nombre d’entreprises et obtenir un meilleur échantillon. À cet effet, M. Lachapelle rappelle que les entreprises sont dirigées par des êtres humains.

« Comme individus, nous sommes très sollicités pour des campagnes de financement et des sondages et c’est la même chose pour les entreprises. Je les comprends de ne pas toujours répondre à l’appel. C’est probablement la première fois qu’ils entendaient parler de la firme Nordicity ou du CIAIC. Aussi, des organismes et paliers de gouvernements font leurs propres études. Les entreprises reçoivent 3, 4, 5 fois par mois des questionnaires et doivent faire un choix. Il faut essayer de trouver une façon d’être créatif pour obtenir un meilleur taux de réponse ».

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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