Comment gérer dans la tourmente

Les technologies de l’information (TI), avec leur pile de projets reportés pour cause de budget et de crise économique, semblent toujours secouées par des tensions internes. Comme un timonier au cabestan de son « trois mâts », le défi actuel du responsable des TI est de les gérer dans la tourmente, en évitant les écueils. Stratégie, expertise, ou réflexe de survie?

La problématique

La crise économique est-elle définitivement chose du passé? La conjoncture semble pourtant parfois bien aléatoire. Si elle est guérie, elle est assurément encore en convalescence, à en croire les analystes et autres financiers. Pour les TI, de telles périodes d’incertitudes budgétaires les font chauffer et renâcler comme un diesel par temps glacial. Tour à tour, il y a des éclaircies, du soleil, un blizzard, des précipitations, de la pluie verglaçante… Il faut pourtant gérer les TI avec art, souplesse, vision et leadership, dans une telle tourmente. L’avenir de l’organisation, son développement et sa compétitivité en dépendent directement.

Les faits

Les TI sont plus que jamais responsables de nouveaux services stratégiques au sein des organisations. Leurs champs d’influence ne cessent d’évoluer. C’est essentiellement l’impérative nécessité d’une masse importante d’informations, disponible au bon moment, au bon endroit et dans un temps record, qui initie la tôlée de changements que doivent surmonter les organisations modernes. Les TI se trouvent régulièrement au confluent houleux de deux plaques tectoniques stratégiques. Il s’agit de la gestion conjoncturelle, mue par les impératifs financiers, et de la pratique de la gouvernance des TI, conforme aux bonnes pratiques, pour garantir l’efficacité, l’efficience et la concurentialité de l’organisation dans une vision à long terme.

Nombre d’organisations travaillent d’arrache-pied à l’alignement des TI sur les objectifs stratégiques corporatifs. D’autres piochent, avec vigueur, sur la planification ou l’implantation d’une gouvernance moderne des TI, à grands coups de référentiels. Les TI doivent parfois appréhender leurs chemins de traverse avec un certain empirisme. Un besoin de rationalisation, d’approche méthodologie et de liens avec les référentiels disponibles reste toujours crucial en la matière.

L’évolution

Dans son aveugle et inexorable impatience, l’évolution de la gouvernance des TI, sous la pression des marchés mondiaux, du marketing en ligne, du service évolué à la clientèle, de la gestion du changement et des risques d’entreprises – le tout poussé par l’évolution incessante de la technologie – a déjà placé de nouveaux obstacles sur la route des TI. Ce sont autant de nouveaux objectifs stratégiques à rencontrer.

Le cheminement des TI, dans cette conjoncture fragile et incertaine, est un peu comme naviguer sur une mer houleuse par temps de « colère de Neptune ». C’est annonciateur pour les TI d’un déferlement de risques organisationnels multiples. Parmi tous les objectifs stratégiques, il y en a un qui semble plus global que tous les autres. Il s’agit, pour les TI, de migrer d’une « obligation de moyens » à une « obligation de résultat ». Traditionnellement, les TI tentaient généralement d’appliquer à leur domaine d’activité des méthodes et des approches rodées depuis longtemps. Un peu comme on applique une recette de cuisine, toutes proportions gardées. Ainsi, les TI qui appliquaient des méthodes reconnues ou des bonnes pratiques étaient considérées comme une excellente direction, même si les résultats obtenus restaient mitigés. Les TI avaient une obligation de moyens et les bonnes pratiques en étaient une pour s’en tirer honorablement.

Mais tout cela est en train de changer. L’utilisation de bonnes pratiques n’est plus suffisante. Les TI doivent absolument connaître une période de mutation profonde, même si elle se fait sans heurt ni douleur apparente. Les TI doivent maintenant être mues par une incontournable obligation de résultat. Ce sont alors chacun des résultats unitaires dans les pratiques et les décisions journalières des TI qui constituent l’indice ultime de mesure. Pour satisfaire à ce nouveau paradigme, les TI ne peuvent plus se contenter d’appliquer à la lettre des méthodologies ayant acquis une notoriété. Elles doivent mettre en place une gestion comportementale, c’est-à-dire développer ou modifier des comportements fondamentaux auprès de leurs collaborateurs. La notion de service à la clientèle en est un. C’est la mise en œuvre de tels comportements qui initiera et produira l’efficacité individuelle et organisationnelle attendue, quelle que soit la méthodologie sous-jacente utilisée.

Certes, les méthodologies connues et utilisées ne sont pas pour autant désuètes et à mettre au rencart. Elles demeurent des éléments structurants nécessaires et incontournables. Cependant, elles ne sont plus suffisantes aujourd’hui et la gestion comportementale doit en être un élément complémentaire. En fait, en plus de leurs objectifs, les méthodologies acquièrent la tâche de devenir l’outil de base sur lequel vont s’appuyer les efforts comportementaux des TI. Développer ou modifier des capacités comportementales au sein des TI ne doit pas se résumer à produire une succession de clones, comme autant de petits robots, sans personnalité. La vraie valeur ajoutée viendra de la capacité des TI d’enrichir de façon souple, progressive et continue leur palette comportementale, avec la multitude des composantes individuelles qu’offrent à son cheminement les diverses personnalités qui y œuvrent.

Intelligence d’affaires

L’intelligence d’affaires n’est pas seulement l’apanage des TI, pas plus que celle du marketing. Elle est, d’abord et avant tout, l’apanage de l’organisation au total. L’intelligence d’affaires doit devenir, pour toute organisation, un élément stratégique majeur. Cela s’inscrit dans les grandes transformations comportementales organisationnelles, pour permettre le passage à l’économie globale de l’information.

Ce passage d’une économie à l’autre provoque des bouleversements internes dans les organisations, ainsi que dans leurs environnements externes. Pour demeurer compétitives, les organisations doivent absolument faire évoluer leur périmètre d’influence. L’intelligence d’af-faires, doit d’abord être une affaire de culture et de comportement, un mode de gestion, une façon particulière de penser, de décider et d’agir. Aujourd’hui, l’intelligence d’affaires concerne tous et chacun, de même que toutes les directions de l’organisation, et a fortiori les TI. Les systèmes d’informations sont devenus des éléments incontournables et, par conséquent, se trouvent au cœur même de la démarche de l’intelligence d’affaires.

Cependant, il ne faudrait pas tomber dans le piège de croire que ce sont les TI qui créent de la valeur par leur seule présence. Les TI sont un outil privilégié, un élément stratégique et une composante indispensable, mais c’est bel et bien l’usage que l’organisation en fait qui est générateur de valeur. Compte tenu de la dimension transversale des systèmes d’informations, les TI se retrouvent au centre même de l’intelligence d’affaires organisationnelle. En une vingtaine d’années, les TI se sont positionnées comme un acteur incontournable de l’aspect stratégique. Les connaissances et l’expertise des TI leur confèrent aussi une légitimité indéniable en matière de protection des informations. En tant que garant de la sécurité des systèmesd’informations, les TI contribuent à la pérennité du savoir et des connaissances. Parce qu’elles maîtrisent l’en–semble des flux informationnels de l’organisation, elles sont en mesure de les optimiser et de proposer des solutions pour accélérer la démarche globale de l’intelligence d’affaires organisationnelle.

La conclusion

Les organisations actuelles sont des mécanismes complexes et ressemblent à des êtres vivants. Elles sont ballottées de toutes parts et réagissent avec plus ou moins de performance et de rendement face à l’économie aussi concurrentielle que controversée. Les TI en sont le point névralgique permanent. Tout est que sourire lorsque la mécanique fonctionne bien et suit les désirs et les besoins de l’organisation. Comme un planeur, par une chaude journée ensoleillée et avec de forts courants ascendants. Mais le défi intervient régulièrement lorsque les TI doivent ramener sur terre et vivant leur équipage maison, de leur propre capsule Apollo-13 organisationnelle, enbidouillant à distance un filtre pour l’oxygène, avec les quelques moyens du bord et beaucoup de génie.

Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.

Gérard Blanc
Gérard Blanc
Gérard Blanc est directeur conseil.

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