Fono.ca: cibler entre les deux oreilles

SÉRIE Retour d’ascenseur – Sylvain Grand’Maison, consultant en baladodiffusion et en nouveaux médias, affirme que les organisations doivent penser à l’auditeur plutôt qu’à leurs intérêts corporatifs lorsqu’ils amorcent un projet sonore. Les méthodes traditionnelles de communication doivent être débranchées, sinon l’expérience risque de tourner au monologue…

Une organisation qui s’intéresse à la balado comme moyen de communiquer avec ses clients ou ses employés a de fortes chances de trouver en tête des moteurs de recherche le site Le Québec en baladodiffusion.

Sylvain Grand’Maison, mi-trentaine, est consultant en création de contenu orienté vers les nouveaux médias. Le nom de son agence, Fono.ca, illustre son intérêt envers l’audio, plus précisément la baladodiffusion. C’est à la fin de 2004, alors qu’il mettait sur pied une agence de communication équitable en partenariat avec un ami – un projet éphémère en raison de divergences d’opinions – que l’ancien collaborateur à l’agence Cossette fait la découverte de la production et de la diffusion de contenu sonore par le biais d’Internet. Il a rapidement amorcé une expérimentation avec les médias sociaux et les outils du Web 2.0, tout en continuant à remplir des mandats en communication corporative.

Il a attendu une année avant de commencer, en 2006, le projet Le Québec en Baladiffusion. Il s’agit d’un portail qui regroupe les balados indépendantes du Québec (et quelques balado commerciales) qu’il a trouvé au fil de ses explorations sur la Toile, mais surtout d’une webradio consacrée aux balados et à la musique libre de droit qui a récemment franchi le cap des cinquante épisodes.

En parallèle, il est un des instigateurs de l’événement Podcamp Montréal, la version montréalaise d’une anticonférence qui est produite par les personnes intéressées aux médias sociaux pour les personnes intéressées au Web 2.0 (voir notre reportage de l’édition 2008. Il a également fondé en 2007 les rencontres podtml qui réunissent les producteurs et les auditeurs des balados à Montréal.

« C’est venu par passion, explique M. Grand’Maison. J’aimais l’audio et je trouvais que c’était un bon moyen de communiquer et je tripais sur le médium. Aujourd’hui, ça paraît banal, mais il y a cinq ans, quand c’est apparu, ceux qui faisaient de la radio étaient des gens de radio, par les ondes hertziennes. Maintenant, c’est Monsieur Tout-le-Monde qui prend ça et qui fait de la radio à sa manière, sans formation. »

« J’ai toujours voulu faire de la radio, mais je n’en ai jamais vraiment fait. J’avais expérimenté lors de projets à l’université, puis j’ai acheté de l’équipement au début des années 2000, sans raison apparente… Je ne peux dire pourquoi j’ai commencé à faire de la baladodiffusion. J’avais simplement le goût d’embarquer là-dedans, pour le plaisir. J’en sentais le besoin. »

Ses premiers clients l’ont simplement trouvé en faisant une recherche dans le moteur Google. Son premier contrat était un projet de balado de relaxation pour le portail Passeport Santé. Il a ensuite formé du personnel chez Loto-Québec pour un projet de communication interne, conseillé le ministère de l’Éducation pour l’intégration de la balado à des cours, agi comme consultant auprès d’agences de communication, etc. Lorsqu’un contrat avec le Cirque du Soleil a pris fin l’an dernier, il s’est lancé dans l’aventure sonore à temps plein.

Casser le moule (pas les oreilles)

À ces clients, il recommande de ne pas aborder la baladodiffusion de façon journalistique, mais plutôt d’adapter le ton et les propos en fonction des auditeurs visés, comme une communication de personne à personne.

Toutefois, il reconnaît que la mise en pratique de la baladodiffusion peut être ardue lorsque le personnel d’une organisation n’éprouve pas de passion envers le moyen de communication, ce qui peut se transformer en « tâche à faire » qui s’ajoute aux fonctions de travail. Aussi, le personnel des communications d’une organisation peut aborder ce médium social comme il le fait avec les canaux traditionnels, ce qui constitue une grave erreur.

« Souvent, ils essaient de reproduire ce qu’ils sont habitués de faire. Ce sont des diffuseurs d’information qui dictent l’information, et ça ne marche pas. Est-ce que quelqu’un a envie d’écouter une balado où une entreprise vante ses produits et que ça ressemble à une infopub? Personne n’a envie d’écouter cela, plus personne n’est capable de le tolérer. Nous sommes dorénavant en mode conversationnel », considère-t-il.

« Des compagnies se lancent dans les médias sociaux et ça ne marche pas : elles doivent regarder comment ça se fait. Ce n’est pas qu’une question d’utilisation outils, qui constituent des moyens, mais aussi une question de façon de faire. Des gens réussissent à faire des merveilles avec les médias sociaux et générer beaucoup de revenus pour leurs entreprises, car la façon dont ils s’y prennent est drôlement plus efficace et orientée vers l’utilisateur. »

Évolutions variables

Interrogé à propos de l’atteinte d’un niveau de maturité pour le média social, Sylvain Grand’Maison évoque une recherche récente qui estime que la baladodiffusion est maintenant un médium de masse et non plus de niche. Mais il fait était de la poursuite d’une évolution au niveau du contenu et du format, parce que les perceptions changent en même temps que le médium.

« Si on était arrivé en 2004 avec un podcast corporatif comme il s’en fait aujourd’hui les gens auraient détesté cela, parce qu’il s’agissait alors d’un médium d’indépendants. Aussi, mettre de la publicité dans les balados était “sale”. On a fait du chemin : c’est beau d’être indépendant, mais si on peut en tirer un revenu, ce n’est plus grave », constate-t-il.

M. Grand’Maison considère que l’utilisation de la baladodiffusion par les musées pour les audioguides constitue un exemple intéressant d’application de diffusion de contenu. Toutefois, il déplore que des radios se servent de la balado comme outil de redistribution de contenu non original, sans valeur ajoutée. « Si [le contenu] joue à longueur de journée à la radio, cela n’intéresse personne. Mais si on met une entrevue intégrale dont on a passé un extrait en ondes, c’est déjà plus intéressant », note-t-il.

« Aujourd’hui, quand on parle de baladodiffusion, les gens pensent aux radios traditionnelles, mais pas aux indépendants, alors que ce sont les indépendants qui ont contribué à l’essor du podcasting. C’est un peu dommage, parce que ces personnes ne vont pas plus loin que les balados d’émissions de radio connues », ajoute-t-il.

Travailler à être entendu

Comme il en est pour la plupart des médias sociaux, la baladodiffusion doit être portée à l’attention des internautes pour qu’elle soit écoutée. M. Grand’Maison indique que la découverte de nouvelles balados se fait encore au fruit du hasard, simplement parce que les producteurs n’utilisent pas « Québec » parmi leurs mots clés. Il affirme que les organisations doivent bien faire leur travail.

« C’est normal pour des indépendants de ne pas tout savoir comment fonctionne la mécanique qui entoure la production d’une baladodiffusion, comme l’optimisation pour les moteurs de recherche. Mais lorsque des entreprises mettent une balado sur le Web et “attendent”, pour constater que personne ne la télécharge… Il faut prendre en compte un aspect technique au niveau de l’enregistrement et de la production, il y a un aspect de structure du contenu, de technologies d’imbrication d’un fichier MP3 dans un fil RSS, de surveillance du téléchargement pour savoir combien de personnes l’écoutent, de référencement, des bons outils pour socialiser et faire connaître son contenu, etc. »

« Ce n’est pas une entrevue dans un journal quotidien qui m’a le plus attiré d’auditeurs, mais un texte publié dans un portail Web technologique. On atteint une bonne cible là où le marché cible se trouve. C’est en prenant conscience de cela que j’ai pu mieux conseiller mes clients », confie-t-il.

À bon entendeur…

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Fono.ca a participé à l’initiative Le retour d’ascenseur, lancée au début de l’année 2009 sur le blogue L’Observateur de Direction informatique, qui vise à mettre en valeur des jeunes entreprises québécoises qui n’ont qu’un objectif en tête : la croissance grâce aux TI.

Également dans cette série :

Orion Software: une progression mondiale à distance

L’art et la technologie, deux forces créatrices

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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