Depuis quelques années, la présence du logiciel libre s’impose dans le paysage médiatique québécois. En effet, plusieurs événements consécutifs lui ont progressivement conféré une place de choix dans nos quotidiens.Illustration du concept du logiciel libre

Nous avons notamment eu le droit à un procès historique qui a vu une société de services en logiciel libre montréalaise remporter sa cause contre la Régie des Rentes du Québec en Cour supérieure (ref1). Deux ans plus tard, l’assemblée nationale se prononçait en faveur du logiciel libre par l’entremise de la Loi 133 relative à l’attribution de marchés publiques (ref2). Plus récemment, une motion en faveur du logiciel libre était déposée et approuvée par l’assemblée nationale (ref3).

Toutefois, le logiciel libre est encore méconnu ou incompris des gestionnaires en TI québécois. Je me suis donc prêté à l’exercice d’identifier leurs principaux questionnements de ceux-ci afin d’y apporter des éléments de réponses.

1 – Le logiciel libre est-il gratuit?

Le logiciel libre en tant que tel n’est pas toujours gratuit. En effet, un logiciel est gratuit à partir du moment ou un utilisateur possède les compétences pour l’installer, le configurer et le maintenir gratuitement tout au long de son cycle d’utilisation.

Dans un contexte d’entreprise, implanter et maintenir le logiciel de manière adéquate implique soit de faire appel au savoir-faire d’un sous-traitant, soit de disposer d’une ressource interne. Dans le premier scénario, le savoir-faire est transmis sous forme de services facturables, alors que dans le deuxième, le temps de travail de la ressource représente une charge salariale. Dans un contexte d’entreprise, l’implantation d’un logiciel libre est donc très rarement gratuite.

L’ambiguïté de la gratuité provient de l’appellation anglophone d’origine du logiciel libre qui est free software. Toutefois, dans ce contexte là free ne signifie pas « gratuit » mais bien « libre ».

Libre de quoi me demanderez-vous?

  • 1 – libre d’utiliser le logiciel;
  • 2 – libre d’étudier le code du logiciel;
  • 3 – libre de copier le logiciel;
  • 4 – libre de modifier le logiciel et de le redistribuer.

Voilà les quatre libertés fondamentales qui caractérisent le logiciel libre, selon la Free Software Foundation.

2 – Quelle est la différence entre un logiciel libre et un logiciel open source?

« Libre » et « open source » sont des termes équivalents. Toutefois, le terme open source a été introduit par l’Open Source Initiative en réponse aux professionnels de la mise en marché qui voyaient d’avantage dans la terminologie « libre » une philosophie qu’un aspect technique du logiciel.

Open source signifie en français « à code ouvert», c’est-à-dire que les utilisateurs ont  accès au code source du logiciel.

3 – Si le code source est ouvert, le logiciel doit être moins sécurisé?

Chaque logiciel libre est le fruit du travail d’une communauté de développeurs. Toutefois, le travail de celle-ci ne s’arrête pas à la conception du logiciel : elle travaille également à régler les bogues et produire de nouvelles versions.

Certaines communautés matures comptent plusieurs milliers de membres. Les contributions de chacun des membres de la communauté sont nominatives et constituent en quelque sorte leur curriculum vitae. Dans une communauté dont le pouvoir décisionnel est basée sur la méritocratie, chacun a intérêt a fournir du code sécuritaire et bien documenté.

Des organisations publiques comme la ville de Munich ou plus récemment la région italienne de l’Ombrie ont opté pour le logiciel libre et les exemples se multiplient. Il va sans dire que ce type d’organisation a des critères de sécurité dans ses appels d’offres qui sont souvent plus exigeants que la majorité des entreprises sur le marché. Alors je vous pose la question suivante : auraient-ils pu opter pour une solution non sécuritaire?

Il existe aujourd’hui des milliers de logiciels libres, mais tous ne sont pas prêts à être utilisés en entreprise. Il s’agit donc de bien identifier la maturité de la solution avant de la choisir, car il est évident que les projets qui sont abandonnés ou qui ont une faible communauté sont plus enclins à avoir des failles de sécurité. Toutefois, il en va de même pour les logiciels propriétaires qui présentent les mêmes caractéristiques.

4 – Ou puis-je trouver de l’assistance si je décide d’opter pour un logiciel libre?

Plusieurs entreprises basent aujourd’hui leur offre commerciale autour d’un ou plusieurs logiciels libres.

L’exemple le plus connu est Red Hat, qui compte aujourd’hui 6 000 employés et un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard de dollars. Il existe également une multitude d’entreprises québécoises de tailles plus modestes qui fournissent le même type de services. C’est ce qu’on appelle des sociétés de services en logiciels libres (SS2L).

Les plus petites sociétés ont tendance à se concentrer sur un ou deux logiciels libres, alors que les plus grosses, qui comptent une ou des centaines d’employés, sont plus généralistes. L’Association Professionnelle des Entreprises en Logiciels Libres – APELL propose à ce sujet un répertoire des ressources où sont identifiées les entreprises qui fournissent des services pour certaines briques ou composantes logicielles.

5 – Si j’utilise un logiciel libre, qui peut me garantir une imputabilité?

Certaines entreprises ont ajouté à leur offre de services le support de plusieurs logiciels libres.

Par exemple, en 2012 en France, un consortium d’entreprises dont fait partie la multinationale Capgemini a été sélectionné par la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication pour assurer le support des logiciels libres d’une quinzaine de ministères.

Ici, au Québec, des SS2L offrent du support et certaines garanties pour plusieurs logiciels libres. Vous pouvez à nouveau vous référer au répertoire mentionné plus haut.

6 – Pourquoi utiliser du logiciel libre?

Le logiciel libre vous permet avant tout de reprendre la maîtrise de votre environnement informatique.

Aujourd’hui, les gestionnaires en TI font face a des parcs informatiques hétérogènes qui sont composés de toutes sortes de logiciels qui doivent être intégrés. Le logiciel libre promeut l’utilisation de standards ouverts qui sont les garants de l’interopérabilité des applications.

Par opposition, les logiciels propriétaires utilisent des standards fermés, ce qui a un impact direct sur votre portefeuille applicatif. Par exemple, pour utiliser un logiciel de gestion de la relation client qui est  propriétaire, il va falloir que vous l’installiez sur le système d’exploitation de l’éditeur. Si par la suite vous souhaitez y intégrer un gestionnaire de documents, il va falloir que vous optiez pour celui de ce même éditeur. Il résulte donc un renfermement et une perte de contrôle de votre environnement informatique, ce qui peut entraîner une hausse importante des coûts et empêche de bénéficier de solutions innovantes. C’est en partie pourquoi les logiciels propriétaires sont aussi appelés « logiciels privateurs ».

En conclusion, il existe aujourd’hui une offre commerciale mature de logiciels libres au Québec et dans le reste du monde. Elle constitue une solution évidente aux défis auxquels font face les gestionnaires en TI dans les organisations. Toutefois, comme le dit la célèbre expression No one ever got fired for buying IBM, ceux-ci ne font pas systématiquement l’exercice d’évaluer les alternatives libres dans le cadre de leurs projets informatiques. La Loi 133 est une réponse partielle à cette pratique au gouvernement du Québec et devrait déteindre sur les entreprises privées à moyen terme.

Comme je le mentionnais plus haut, ce billet apporte des éléments de réponses à propos du logiciel libre. Ces éléments pourront être bonifiés au fur et à mesure de vos commentaires. Également, il existe une multitude d’autres questions auxquelles il me fera plaisir de répondre dans d’autres billets.

Quelle est la vôtre?