Windows Phone 7: Séduire le consommateur pour mieux attaquer l’entreprise

Hier en fin de journée, Microsoft Canada présentait aux médias montréalais un prototype opérationnel du Windows Phone 7. Permettez-moi de m’attarder davantage à l’aspect stratégie de marché.

Mettons qu’il faut un peu être culotté pour vanter les mérites d’un téléphone Microsoft en retard de deux ans devant une petite agora mal aérée de journalistes, la plupart armés de iPhone ou d’appareils Android. Reste que c’est sans stress que le porte-parole de Microsoft Canada, M. Christian Beauclair, a présenté son téléphone personnel, un bidule dont il serait rapidement devenu accro. Et il l’a fait en compagnie du conseiller informatique Guy Barrette et de quelques développeurs apparemment enthousiastes, aucun ne pratiquant la langue de bois. Qui plus est, l’homme a fait son allocution sans les fastidieuses entourloupettes marketing habituelles.   Ce qui en ressort, c’est que le système d’exploitation du Windows Phone 7 serait dans sa version finale ou, à tout le moins, en version RTM (Release to Manufacturers). Quelques exemples d’applicatifs, la plupart stables à ce que j’ai pu constater, nous ont démontré que tout le fourbi baignait généralement dans l’huile. Et, pour la énième fois, on nous a juré qu’il ne s’agissait ni d’une adaptation de Windows Mobile, ni du système particulier au Zune, un produit grand public qui n’est plus disponible au Canada. Il s’agissait plutôt d’une mise en pratique de la philosophie aristotélicienne du tabula rasa, c’est-à-dire reboot and start from scratch.   Le téléphone personnel de M. Beauclair était dans un boîtier temporaire identifié à Samsung, un boîtier conçu au départ pour turluter sous Android de Google. Mais on nous a affirmé que le parc manufacturier asiatique était fébrile et que, d’ici la fin novembre, les Samsung, LG et autres HTC commenceraient à inonder les boutiques canadiennes de téléphones Microsoft, des appareils intelligents à la fine pointe du dernier progrès. En fait, c’est vers cette date, peut-être un peu avant, que Microsoft entend lancer son appareil. L’objectif : le marché des fêtes!   Et, attention, les fabricants ne sont pas autorisés à prendre des libertés. Un Phone 7 c’est un Phone 7, quelle que soit sa marque. Il faut que l’expérience soit consistante d’une application à l’autre, d’une machine à l’autre. Pas le droit à de surcouches logicielles, obligation d’avoir trois boutons métalliques au bas de l’écran, d’avoir tant de RAM, de de puissance au niveau CPU, telle taille d’écran, contrôle des mises à jour et des mises à niveau, etc. Microsoft veut ici éviter de ressembler au capharnaüm Android où les fabricants ont énormément de latitude, incluant dans le choix de la version qu’ils entendent offrir : 1.5, 1.6, 2.0, ou 2.1.   Au moment du lancement, le Phone 7 Market Place, entendre la « boutique d’apps », aura fait le plein et saura combler les attentes des consommateurs, a soutenu le porte-parole de Microsoft. Le Phone 7 arrivera avec certains logiciels préinstallés, entendre ici une petite panoplie de produits Office, dont Word et OneNote. Mais surtout, il sera possible de lui ajouter des utilitaires pratico-pratiques, des outils de productivité et des jeux, l’offre s’annonçant très impressionnante à cette enseigne en raison de l’environnement XNA inclus dans le système d’exploitation. Certains jeux existent déjà en format Xbox (et XBOX Live) ou Windows et ont déjà (ou sont sur le point de l’être) été adaptés au nouveau bidule de Microsoft.   À ce sujet, deux programmeurs Phone 7 m’ont affirmé que c’était là une tâche beaucoup moins complexe que de le faire en giron Android et passablement plus rapide que dans le cas du iOS d’Apple. On est dans l’univers du DotNet Framework et les outils de développement sont connus. Microsoft miserait sur cet avantage pour intéresser les développeurs à sa nouvelle plate-forme. Ce qui n’est pas bête : Time is Money, disent les Chinois!   Autre info intéressante, les fournisseurs de services seraient, d’entrée de jeu, Bell, Telus et Rogers. Or, en ne tenant pas compte des forfaits, les Phone 7 pourraient se comparer, côté prix, à l’offre actuelle d’appareils Android, pas aux iPhone. Autrement dit, les sbires de Steve Ballmer vont d’abord faire la fête à Google. « Pour le même prix, braves gens, voici un appareil robuste dont l’élégante l’interface est identique d’une marque à l’autre et dont le Marketplace est bien garni. » Ensuite, ils pourront s’occuper du iPhone. « Voyons, M’sieur Dame, pourquoi payer plus cher pour pas plus vite, pas plus fonctionnel et pas plus beau? »   Et pour s’aider auprès des gens, notamment auprès des Canadiens qui ont acheté un Zune avant que ce produit ne soit banni ad mare usque ad mare, le Phone 7 pourra faire sien les bibliothèques musicales existantes, celles dont les pièces ont été achetées sur le Zune Marketplace. Toutefois, il faudra attendre quelque temps (durée non précisée) avant de pouvoir en acheter sur le Phone 7 Marketplace. Dans un premier temps, seuls des films (en plus des apps) y seront offerts.   Microsoft semble, cette fois, avoir compris que rien ne servait de fabriquer un téléphone intelligent kioute, versatile et abordable; tout le monde en a ou presque. Encore faut-il pouvoir le vendre! Et par vendre j’entends autre chose que le misérable exercice auquel la géante de Redmond s’est livrée avec le Zune. Si j’ai bien compris, on va mettre le paquet pour plaire au consommateur, pour le faire saliver. Autrement dit,  a précisé M. Beauclair, le marché auquel Redmond va s’attaquer dès le départ sera celui du consommateur, un individu qui s’adonne à être…  à l’emploi d’une entreprise. C’est l’approche cheval de Troie. L’influence d’un appareil personnel novateur ou populaire auprès de certains décideurs a maintes fois été démontrée par le passé; l’histoire d’Apple en témoigne de façon particulièrement éloquente.   Ce qui signifie, si on lit entre les lignes, que dans une deuxième phase, l’Empire va s’attaquer au marché corpo. Comme le chante Leonard Cohen, First we take Manhattan, then we take Berlin! Alors cette fois, ce sera RIM, la fabricante canadienne de la mûre de Waterloo  qui en prendra pour son matricule. Car, estime-t-on, son marché est surtout corpo. En tout cas, c’est ce que semblent démontrer certains chiffres dont ceux de la firme de recherche Millenium Media. On y apprend par exemple que le salaire moyen des utilisateurs de BB est de 13 % supérieur à celui des autres utilisateurs de téléphones intelligents, que 43 % d’entre eux ont un revenu annuel de plus de 100 000 $US, que 65 % jouissent d’un emploi à temps plein, que 53 % ont au moins un diplôme collégial et que 45 % des utilisateurs sont en fait des… utilisatrices.   Par ailleurs, le marché des entreprises est, paradoxalement, celui où on retrouve des PC de poche, PDA et autres iPAQ sous Windows Mobile 6.5. Est-ce dire que le long cycle de vie de ce système d’exploitation bafoué par l’omniprésente concurrence sera bientôt révolu? Celui du Phone 7 ne peut-il pas complètement remplacer (pour le mieux) Windows Mobile 6.5X?  Bien sûr qu’il le peut et, assurément, Microsoft cessera de vendre l’agonisant ancêtre dès que l’autre se sera suffisamment infiltrée en entreprise. Le pari est intéressant puisque les deux systèmes sont incompatibles.   Tout un défi pour Microsoft! Selon Millenium, le 31 août dernier le marché américain du téléphone intelligent était contrôlé à 48 % par Apple et son iOS, à 26 % par Android, toutes saveurs confondues, et par RIM (BB) à 19 %. Quant à Windows Mobile, il comptait pour 3 % du marché.   De son côté, la firme Comscore publiait récemment des données américaines basées sur la période avril-juillet 2010, des données plus révélatrices de la situation en entreprise. Selon ces statistiques, RIM régnait avec 39,3 % du marché, Apple suivait avec 23,8 %, puis Android avec 17,0 %, Windows Mobile avec 11,8 % et Palm OS (récemment acquis par HP) avec 4,9 %.   Mettons que Microsoft a beaucoup de pain sur la planche et qu’il y a des côtes plus faciles à monter! Bonne chance!

Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.

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