Wi-Fi municipal : poursuite de la croissance malgré les dérapages

D’importants fournisseurs ont annulé leur participation aux projets de réseaux Wi-Fi municipaux qui se sont multipliés à la grandeur des États-Unis depuis quelques années. Au Québec et au Canada, les villes pourront certainement tirer des leçons de l’expérience américaine.

Lorsqu’elles ont commencé, vers 2004, à s’intéresser aux réseaux Wi-Fi, les villes américaines y voyaient une occasion de démocratiser l’accès à Internet. Grâce à une collaboration avec l’entreprise privée, les élus municipaux souhaitaient fournir une connexion gratuite à l’ensemble de leurs administrés, sans avoir à investir significativement. Des sociétés comme Google et le fournisseur d’accès Earthlink s’engageaient à financer certains de ces projets. Afin de rentabiliser leur participation, l’une comptait sur la publicité, l’autre sur la facturation de certains services à une tranche de la population (de 10 % à 25 %).

Depuis l’été dernier, toutefois, les annulations ou les remises en question de projets succèdent aux annonces de déploiement. À San Francisco et à Chicago notamment, les autorités ont abandonné la mise en œuvre de réseaux Wi-Fi d’envergure. Le modèle sur lequel étaient construits bon nombre des réseaux municipaux en devenir ne paraît plus viable. Les coûts de déploiement ainsi que la faiblesse de la couverture et de la demande sont pointés du doigt.

Un modèle à repenser

En effet, le nombre de bornes émettrices nécessaires a été sous-estimé, certains projets ayant dû en déployer de 10 % à 100 % de plus que prévu. D’autre part, les réseaux Wi-Fi extérieurs ne possèdent pas toujours la puissance nécessaire pour transmettre un signal à l’intérieur des immeubles. Autre difficulté, le nombre d’utilisateurs est loin d’avoir atteint le total espéré. À cet égard, les villes américaines souffrent du syndrome de Taipei; la capitale de Taiwan exploite le réseau Wi-Fi municipal le plus étendu de la planète, mais alors qu’on attendait 250 000 utilisateurs dès la fin 2006, le réseau n’en comptait que 30 000 en avril dernier.

Résultat : Earthlink et un autre fournisseur, MetroFi, se sont désengagés des projets auxquels ils participaient ou devaient participer. Dorénavant, ces sociétés ne prendront part à la mise en œuvre de tels réseaux que si les municipalités s’engagent à débourser un montant minimal dans l’aventure.

Selon certains observateurs, les projets envisagés jusqu’ici se fondaient sur un concept de gratuité idéaliste et dépassé. Aussi pense-t-on qu’un modèle plus traditionnel, amalgamant fonds publics et services tarifés, donnerait de meilleurs résultats. Le conseiller Craig Settles, auteur d’une étude sur les réseaux municipaux, suggère aussi la combinaison de la technologie Wi-Fi et de la fibre optique, parallèlement à l’abandon de la gratuité.

Mort du sans fil municipal? Loin de là…

Règle générale, les réseaux municipaux sans fil sont encore perçus comme des outils de valeur. On a beaucoup parlé des ratés de certains projets, mais plusieurs municipalités utilisent le Wi-Fi avec succès, rappelle-t-on sur le site MuniWireless, sorte de poste d’observation des réseaux publics à large bande.

Ainsi, la ville de Tucson se sert de son réseau sans fil pour permettre aux ambulanciers paramédicaux de communiquer avec un établissement hospitalier. À Houston, on a déployé une solution de parcomètre intégrant une fonction d’autorisation de carte de crédit. À Burbank, en Californie, on utilise aussi une solution de parcomètre. Dans 75 % des cas, les réseaux municipaux sans fil sont mis en œuvre pour des raisons de sécurité et de vidéosurveillance, indique un analyste de la firme Microcast, spécialisée dans les médias. Viennent ensuite l’inspection de bâtiments (52 %), les travaux d’intérêt public (45 %), les services publics d’eau et d’électricité (43 %) et l’éducation (39 %).

MuniWireless souligne que les réseaux municipaux intègrent quatre fonctions principales en moyenne, comparativement à trois l’année dernière. Les projets les plus réussis portent sur une application stratégique à l’échelle d’un service, comme la police ou les travaux publics. Il devient alors plus facile de mesurer le rendement de l’investissement. Selon un spécialiste d’Intel, les réseaux municipaux doivent être vus comme des réseaux locaux, dont se servent résidants et entrepreneurs pour échanger des idées et de l’information et du coup, stimuler l’économie.

Tous ne partagent pas cet enthousiasme, toutefois. Craig Settles estime que l’infrastructure en place dans les municipalités offre peu de possibilités. Selon lui, les villes « se construisent de meilleures pistes de course sans même avoir les chaussures qu’il faut pour courir ».

Quoi qu’il en soit, les succès obtenus dans certaines municipalités entraînent le maintien de projections optimistes. MuniWireless prévoit que le marché du sans fil municipal atteindra la valeur de 329 millions de dollars cette année aux États-Unis. Certes, il s’agit d’une prévision à la baisse comparativement aux 460 millions que l’on projetait l’année dernière pour 2007. Néanmoins, les chiffres actuels supposent une croissance de 35 % par rapport à 2006. Le marché devrait poursuivre dans la même voie au cours des prochaines années, MuniWireless prévoyant une croissance annuelle oscillant entre 33 % et 48 % jusqu’en 2010.

On croit que l’avènement de la norme 802.11n, prochaine phase de l’évolution de la technologie Wi-Fi, pourrait donner un élan supplémentaire à cette croissance. Tout comme la prolifération du téléphone intelligent et le penchant de la génération Y pour le partage d’informations.

Plus près de chez nous

Au Québec et dans le reste du Canada, les initiatives du genre ne se comptent pas en aussi grand nombre. Ici, il s’agirait plutôt de réseaux sans ville, selon le titre accrocheur d’un article paru sur le site de Jobboom. Malgré tout, Toronto s’enorgueillit du succès de son réseau Wi-Fi municipal. Contrairement à ce qui a été fait dans bien des cas aux États-Unis, le réseau a été limité au centre-ville, où l’on retrouve de loin le plus grand nombre d’utilisateurs. Des réseaux semblables ont été déployés à Calgary, Hamilton et Fredericton.

À Montréal, le groupe communautaire Île sans fil a installé, à ce jour, 149 points d’accès publics et gratuits. Contrairement au modèle adopté – et abandonné – dans plusieurs villes américaines, cependant, le projet ne vise pas à doter l’ensemble des citoyens d’un accès gratuit à Internet.

Autre initiative lancée dans la métropole, Montréal complètement sans fil débute cet automne par le branchement du Plateau Mont-Royal. L’objectif poursuivi est d’offrir à 87 % des Montréalais des services facturés d’Internet et de la téléphonie IP sans fil d’ici deux ans. Après coup, le réseau s’étendra à la Rive-Sud et à la Rive-Nord. Les partenaires dans le cadre de ce projet, Radioactif.com et Nomade Télécom, prévoient faire de même dans plusieurs autres villes canadiennes, dont Québec.

Parlant de la Vieille Capitale, un organisme sans but lucratif, Zone d’Accès Public Québec, ou ZAP Québec, se propose d’aménager plusieurs bornes d’accès sans fil dans la ville en prévision des célébrations de son 400e anniversaire. Mentionnons aussi que la municipalité gaspésienne de Nouvelle planifie le déploiement d’un réseau Internet haute vitesse sans fil sur l’ensemble de son territoire, un service qu’elle juge essentiel.

Pour les villes d’ici, les erreurs et les difficultés caractérisant les réseaux municipaux sans fil aux États-Unis constituent certainement un enseignement précieux.


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