Systèmes d’entreprise : Trois questions, trois visions

Des responsables des technologies au sein d’organisations, des dirigeants d’entreprises de l’industrie des TIC et des observateurs répondent à trois questions liées à la thématique de notre dossier.

Nos invités: Suzanne Gagnon Vice-présidente, Services-conseils Groupe CGI, Montréal

Jacques Couture Vice-président, systèmes d’information Métro, Montréal

Luc Cassivi Professeur, département de Management et Technologie ESG-UQAM, Montréal


Quel est le secret de la réussite de l’implantation d’un système d’entreprise?

S. Gagnon : C’est l’endossement de la haute direction: il faut s’assurer que les projets entrepris soient en lien avec les stratégies annoncées par les dirigeants d’une organisation. Les objectifs doivent être communiqués dès le départ et démontrer les bénéfices pour l’organisation et pour les utilisateurs finaux. Il est préférable de faire en sorte que ce soit vu comme un projet d’entreprise. La direction doit avoir l’air convaincue et être convaincante vis-à-vis ses employés. En matière de gestion du changement, il faut communiquer les objectifs visés par le projet, en expliquer très bien les impacts au niveau des processus et des méthodes de travail, et être à l’écoute des réactions. Cela permet d’impliquer les gens dès le départ. Aussi, il faut s’assurer d’impliquer les bons joueurs, soit les gens qui ont une connaissance du domaine d’affaires ou des systèmes à remplacer, un niveau d’expérience, un peu de vision, beaucoup d’ouverture face au changement et un certain pouvoir décisionnel.

Cela aide de dégager ces gens de leurs fonctions actuelles afin qu’ils soient concentrés à faire du projet un succès. Lorsqu’il s’agit de projets complexes, gérer des sous-projets aide à ne pas perdre le momentum. Cela sera plus facile à concilier avec les objectifs de départ. Cela fait en sorte qu’on diminue les risques lorsqu’un projet dure plusieurs années, puisqu’il peut y avoir des changements du côté des joueurs impliqués chez le client au fil du temps.

J. Couture : Dans le cas d’un progiciel d’entreprise, cela prend l’engagement de la haute direction, et dans le cas d’une application départementale l’engagement des responsables de la division. Il faut établir des objectifs précis et être capable de mesurer par la suite s’ils ont été atteints. Cela prend une bonne équipe pour faire l’implantation. Avant d’amorcer un projet, il faut bien en évaluer la portée et le travail à accomplir. Aussi, il faut préciser l’identification des besoins d’affaires : autant il y a dix ans, on parlait des progiciels de gestion intégrés pour remplacer des systèmes patrimoniaux, maintenant la vague est à la révision des processus d’affaires. Enfin, il faut bien sélectionner les membres de l’équipe de travail et impliquer des utilisateurs dans le projet.

L. Cassivi : Le secret se trouve dans l’implication de la direction dans le projet. Trop souvent, lorsqu’il y a des problèmes, on voit que la direction est plus ou moins au courant du projet et est même peu familière avec le produit. Cela fait en sorte qu’il peut être assez corsé de défendre certains points auprès de la direction si cette dernière ne donnait pas son support de façon complète au projet dès le départ. Peu importe la situation, au niveau de la gestion du changement, au niveau des processus ou au niveau des choix technologiques, c’est la direction qui aura à prendre les bonnes décisions. La direction doit aussi avoir les connaissances requises pour pouvoir prendre une décision face aux problématiques qui peuvent survenir lors de son implication dans un projet.


Est-ce que l’utilisation d’un système d’entreprise sous la forme de logiciel service comporte des défis?

S. Gagnon : Il en comporte pour le fournisseur du service, notamment au niveau du maintien du système. Il faut s’assurer que le système suit les réglementations qui changent au fil des ans – comme SOX, C-198, IFRS, les taxes, etc. Étant donné que ce système sera une solution globale qui s’adressera à différents clients utilisateurs, il faut s’assurer qu’il satisfait tout le monde. En même temps, les demandes individuelles de chacun seront prises en compte et soumises à l’ensemble des clients. Cela peut décevoir ou devenir une amélioration applicable à tous. L’entreprise utilisatrice, pour les enjeux spécifiques à l’organisation, doit s’assurer de faire valoir auprès du fournisseur la pertinence et le bénéfice qu’une amélioration pourrait procurer.

J. Couture: Généralement, un fournisseur de logiciel service offre des solutions dotées d’un certain nombre de fonctionnalités qui sont propres à son logiciel. Si on veut obtenir un avantage compétitif pour un processus d’affaires, le logiciel service ne pourra le procurer parce qu’il est offert à toute la communauté. Mais s’il s’agit d’un processus de soutien à des fonctions standards, comme la comptabilité ou les ressources humaines, la tendance porte vers le logiciel service parce qu’on obtient un avantage au niveau du déploiement. D’autre part, le recours au logiciel service entraîne de sérieux défis s’il y a un besoin d’intégration avec d’autres solutions utilisées en entreprise. Il faut aussi considérer les enjeux de sécurité et l’évolution des besoins de l’entreprise.

L. Cassivi : Lorsqu’on parle d’architecture orientée service ou d’autres approches, je perçois un défi au niveau du contrôle. On peut aller chercher des logiciels service à différents endroits – bien qu’on puisse en développer en interne – et à un certain égard on perd le contrôle de certaines applications. Par moment, l’entreprise peut ne pas avoir de contrôle et avoir de la difficulté à réagir face à certaines problématiques qui peuvent survenir. Un autre défi qui est à moindre échelle, mais dont plusieurs parlent, est celui de la sécurité. Lorsque les systèmes sont plus ouverts et qu’on va chercher des applications qui ne sont pas les nôtres, la notion de sécurité peut s’avérer très importante dans le cadre des systèmes d’entreprise qui contiennent de l’information critique et stratégique pour l’organisation.


Quel enjeu doit-on considérer lors de l’automatisation de fonctions organisationnelles à l’aide d’un système d’entreprise?

S. Gagnon : Il s’agit d’une réorganisation fondamentale qui peut être radicale pour certains. Il faut planifier à l’avance, faire l’inventaire de ceux qui recevront le nouveau système et en ressentiront des impacts au niveau des fonctions de l’organisation. Il faut gérer un changement, mais il faut surtout former de façon significative les gens qui travailleront avec le nouveau système.

J. Couture : Les défis d’implantation et de configuration sont derrière nous, mais le défi qui persiste est celui de la gestion du changement. Puisque l’automatisation d’un processus suppose que des utilisateurs auront à travailler avec un système d’entreprise, il faut impliquer dans le projet un responsable de division ou d’unité d’affaires qui provient du milieu des opérations, car la gestion du changement proviendra de ce niveau de l’organisation. Il faut travailler en proximité avec une personne qui est convaincue des bénéfices à obtenir et qui a l’autorité nécessaire pour implanter un processus et amener un changement. La résistance au changement étant un phénomène naturel, les gens doivent participer à la définition du nouveau processus. Il faut s’assurer qu’il y ait une adhésion au niveau de l’unité d’affaires. Souvent, on automatise un processus sans penser à l’optimiser. Ainsi, il faut être prêt à procéder à des modifications à l’usage, car l’automatisation d’un processus soulève des problématiques auxquelles on n’avait pas pensé lors de la phase de design.

L. Cassivi: Alors qu’on essaie souvent d’automatiser de la routine, l’enjeu principal reste l’être humain, puisque les gens derrière le processus changeront de rôle. En gestion du changement, il faut s’assurer de fournir une formation adéquate aux gens afin qu’ils puissent réagir en conséquence et voir comment leur rôle sera modifié. Est-ce qu’un processus peut être entièrement automatisé? Si on souhaite automatiser un processus et mettre de côté l’apport important de l’être humain, cela devient extrêmement difficile à implanter.

Il faut assurer un équilibre entre les rôles, les responsabilités et l’automatisation qui peut se faire à partir d’un système d’information. Il faut faire en sorte que les gens qui ont une certaine intelligence et de l’expérience puissent mettre à profit l’automatisation d’un processus.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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