Si Wikipédia le dit…

Bien de l’encre a déjà coulé au sujet de l’admissibilité en preuve de documents tirés des médias sociaux. On s’est notamment
demandé si une photo ou un échange tirés du compte Facebook d’une personne lui était opposable devant un tribunal.

Mais que se passe-t-il quand il n’y a pas de compte-utilisateur? Que se passe-t-il quand le Web 2.0 se traduit par une contribution de plusieurs personnes (du moins on présume qu’il s’agit de « plusieurs » personnes) vers un texte qui est public? Ce texte est-il alors admissible en preuve? Quelle est la valeur probante de ce dont il traite ou des opinions que ce texte exprime?

Les limites

John Gregory est un avocat du Ministère du Procureur général de l’Ontario. C’est un récent article écrit de sa plume qui a attiré mon attention sur le phénomène de l’utilisation par les tribunaux de Wikipédia.

L’on sait qu’un article de Wikipédia peut être écrit, puis modifié, en tout temps par quiconque. Il y a quelques années, l’humoriste étatsunien Stephen Colbert avait demandé à son auditoire, pendant son émission, d’aller inscrire sur Wikipédia que la population d’éléphants en Afrique avait triplé au cours des six mois précédents (!). L’utilisation en Cour, ou encore à l’école ou à l’université, d’un article sur les éléphants d’Afrique au cours des jours qui ont suivi la demande
de M. Colbert aurait mené à la diffusion de faussetés.

C’est pour cela que John Gregory rappelle que des avis comme ce qui suit se trouvent sur le site même de Wikipédia : Wikipédia ne garantit pas le contenu mis en ligne.

Wikipédia est un site qui propose en ligne une encyclopédie collaborative de contenu sous « licence libre », alimentée par une association volontaire d’individus et de groupes de travail qui veulent élaborer en commun une ressource complète de la connaissance humaine. La structure même de ce projet permet à toute personne disposant d’une connexion Internet d’en modifier le contenu. Soyez donc bien conscient que tout ce qui peut se trouver ici n’a pas forcément été examiné par des personnes ayant l’expertise nécessaire pour vous fournir des informations complètes, précises et fiables.

(…) Wikipédia ne garantit pas la validité, l’exactitude, l’exhaustivité ou la pertinence des informations contenues
sur son site. Le contenu de chaque article peut avoir été récemment modifié, vandalisé ou altéré par une personne dont l’opinion ne correspond pas avec l’état des connaissances dans les domaines concernés, ou avec la neutralité nécessaire.

Il souligne que le risque d’inexactitude inhérent à des pages Wikipédia a été reconnu par certains tribunaux. Notamment, des tribunaux d’immigration ont soulevé des doutes quand vint le temps de démontrer au moyen de pages Wikipédia le risque réel que courait le demandeur du statut de réfugié s’il retournait dans son pays.

Les avantages

Par contre, John Gregory rappelle que de nombreux tribunaux ont accepté la présentation devant eux d’extraits de
Wikipédia : ces extraits ont été utilisés entre autres pour définir des termes médicaux, légaux ou économiques, ou
encore pour expliquer des concepts scientifiques, mécaniques ou mathématiques, définir des règles de grammaire, ou fournir un contexte géographique, historique, économique ou sociologique.

Il est fort possible que, dans le contexte bien connu des importants coûts liés à la présentation d’un litige devant les tribunaux, ces derniers voient Wikipédia comme une manière d’éviter de faire appel à un témoin-expert pour des aspects mineurs d’un dossier.

Gregory conclut en disant qu’avant d’accorder une force probante à un article de Wikipédia dans le cadre d’un procès, un juge devrait consulter les données qui entourent l’article. Il évoque notamment les données qui se trouvent sous l’onglet « Discussion » d’une page Wikipédia : on peut parfois y voir que l’article est controversé ou peu recherché. Gregory suggère aussi de consulter l’onglet « Historique » d’une page Wikipédia, qui informera le lecteur des changements effectués à l’article.

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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