Réseaux sociaux et entreprises

Les réseaux sociaux semblent être partout. Ils semblent investir tout ce qui se présente à leur portée, comme une épaisse nappe d’huile sur un lac, qui s’étire à l’infini, jusqu’à en recouvrir toute la surface et même ses berges. Cependant, malgré les apparences, il y encore loin entre cette nappe à la surface et les profondeurs du lac.

La problématique

Au milieu d’une cacophonie d’arguments, tantôt pour, tantôt contre, et sous la pression marketing du marché, des canaux d’information, des technophiles et de la sacro-sainte volonté de ne pas nuire aux actionnaires, les gestionnaires des organisations doivent prendre la décision d’investir ou non dans les réseaux sociaux. Une équation bien complexe à résoudre actuellement, d’autant que les offres en place semblent bien mal adaptées à ce dilemme.

De plus, bon nombre d’experts disponibles sur le marché n’ont pas réellement l’expérience d’avoir travaillé dans de telles entreprises, même s’ils en ont déjà conseillé quelques-unes.

Les faits

Nul doute que la machine à décisions des entreprises est actuellement sous pression en ce qui concerne les réseaux sociaux. Et les faits, visibles de l’extérieur, permettent de constater que les entreprises peuvent être regroupées en trois grands types : celles qui ont plongé tête baissée dans la vague, celles, plus prudentes, qui attendent un peu de voir avant de se précipiter du haut de la falaise, et celles qui sont récalcitrantes pour différentes raisons. Les discours élogieux et accueillants en faveur des réseaux sociaux sont nombreux, mais ne semblent pas avoir l’effet rassurant capable de générer un taux important d’adoption en entreprise. Pourtant, certains secteurs économiques comme celui du recrutement de talents semblent avoir trouvé leur niche dans les réseaux sociaux. De même, les adeptes du marketing semblent y avoir trouvé un outil de remplacement aux groupes de discussion coûteux ou difficiles à réaliser.

L’évolution

Pas de doute qu’actuellement, la seule expression « réseaux sociaux » fasse se dresser bien des oreilles et briller bien des yeux. Mais, si on lui attache le complément « et entreprise », alors cela provoque des questionnements, des angoisses et des doutes. Cela est bien compréhensible étant donné que lesdites entreprises se trouvent actuellement en plein laboratoire d’expérimentation et qu’il est impossible de recourir à un historique quelconque des pratiques, bonnes ou mauvaises. Comme pour toutes les innovations en TI, la rivière commence par les rapides, avant de devenir un long fleuve tranquille. C’est durant cette première période que se réalisent les exploits les plus brillants et avant-gardistes, mais aussi les catastrophes les plus mémorables de l’industrie.

Bien sûr, il y faut aussi prendre garde à l’attraction du marketing, qui fleurit tant dans les médias traditionnels que les blogues, les médias sociaux et autres, et qui clame tout haut ce que leur soufflent les intéressés: Twitter dépasse le seuil des 20 milliards de « gazouillis », alors que LinkedIn et Facebook comptent respectivement plus de 70 et 500 millions d’utilisateurs. De quoi allécher plus d’un patron.

Toutefois, combien d’admirateurs sont autre chose que des dilettantes ? Combien s’intéressent aux produits ou services que vous offrez ? Combien sont dans une zone géographique permettant de faire affaires avec vous ? Combien parlent une langue que vous pouvez utiliser en affaires ? Combien sont dans une situation financièrement instable ? Quels risques devrez-vous assumer pour faire affaires avec ces éventuels clients virtuels ? En cas de conflits, et cela arrivera, quelle zone géographique aura compétence juridique ? Il n’y a pas de réponse toute faite pour cela : il faudra les évaluer au cas par cas.

Cependant, sans pouvoir nécessairement dire pourquoi, les gestionnaires d’expérience ressentent ces craintes et redoublent de prudence face aux réseaux sociaux. Il est vrai, dit le proverbe, que «les conseillers ne sont pas les payeurs».

Les récalcitrantes

Deux sous-catégories composent ce groupe: les entreprises pas suffisamment informées pour se forger une conviction et qui considèrent avoir d’autres priorités plus urgentes, de même que celles qui sont résolument contre. Plusieurs études montrent que de 40 à 50 % des entreprises bloquent l’accès aux réseaux sociaux à leurs employés, soit par peur inexpliquée du phénomène, pour éviter une dérive qu’elles ne pensent pas pouvoir contrôler ou par mesure de sécurité et de confidentialité. Cependant, les réseaux sociaux sont bien présents, même dans les sociétés les plus strictes, grâce aux téléphones intelligents et autres assistants personnels numériques, qui ne sont pas toujours propriété de l’entreprise.

Entreprises prudentes

Ces entreprises poursuivent leurs activités comme à l’habitude, sans faire cas des réseaux sociaux. Cependant, la plupart d’entre elles les tolèrent, pas toujours avec joie et sans les encourager, mais aussi sans les réglementer ni les contrôler. Les études en la matière montrent que très rares sont les entreprises qui ont pris position au point de disposer d’une politique spécifique de l’utilisation des réseaux sociaux durant les heures normales de travail.

Les entreprises qui ont fait le saut

Elles utilisent les réseaux sociaux dans leurs activités régulières et s’affichent comme tel. C’est ce qu’avance une étude réalisée par l’agence de communication Burson-Marsteller (www.burson-marsteller.com) qui soutient que plus des trois quarts des grandes entreprises internationales ont recours à l’un ou à l’autre des réseaux sociaux – tels que Twitter, Facebook, LinkedIn – et aux blogues de toutes espèces. L’étude précise aussi que moins de vingt pour cent de ces sociétés sont présentes dans les quatre plateformes (http://tiny.cc/oybn8).

Cependant, c’est surtout pour faire du marketing, du lancement de produits ou services, de la publicité, du recrutement, et pour avoir une idée de leur réputation en ligne (e-reputation), que les entreprises utilisent les réseaux sociaux. La « e-reputation », ou du moins sa vérification et sa mesure, est l’un des éléments très importants qui sauront intéresser les entreprises aux médias sociaux. Il suffit pour s’en convaincre de suivre les péripéties et les dépenses de la pétrolière BP sur Facebook ces derniers mois pour tenter de contrôler son image.

La conclusion

Il est à remarquer que dans tous les discours impliquant les réseaux sociaux et les organisations, s’il est fait mention de nombreux avantages et de quelques dangers, il n’est presque jamais fait allusion à la gestion des risques. Si les avantages, outre le recrutement de talents, ne semblent pas toujours aussi clairs et précis, les dangers eux sont clairement identifiés, du moins en ce qui concerne la réputation en ligne, la perte de productivité et les coûts associés. Prudence, perspicacité et gestion des risques semblent devoir être de faction pour permettre à l’entreprise d’aborder la pratique des réseaux sociaux.

Les avantages

– Communications privilégiées avec des tiers; – Identification de talents; – Organisation d’événements; – Partage d’informations et recueil d’avis; – Tests des innovations par l’échange.

Les risques

– Perte de productivité; – Fuite d’informations confidentielles; – Affaiblissement de la réputation en ligne; – Communications inappropriées; – Ressources allouées insuffisantes; – Mauvais comportement en ligne.

Gérard Blanc
Gérard Blanc
Gérard Blanc est directeur conseil.

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