Rapport Les femmes et les TIC de l’ACTI :
Inspirer, inciter, adapter, apprécier

Les barrières qui entravent l’adhésion et la rétention des femmes en TIC sont nombreuses. Or, une implication de modèles, une nouvelle image, une flexibilité accrue et une meilleure reconnaissance pourraient changer la donne.

Si la pénurie de main-d’oeuvre dans l’industrie des technologies de l’information et des communications (TIC) constitue un enjeu important, celui du recrutement et de rétention des femmes dans l’industrie est aussi crucial.

L’Association canadienne de la technologie de l’information (ACTI), qui regroupe plus de 320 fournisseurs de l’industrie des TIC, a publié récemment le rapport ICT and Women qui a été rédigé par les chercheuses Denise Shortt et Kelly O’Neill. L’étude, fondée sur des études et des sondages qui ont été réalisés ces dernières années en Amérique du Nord, établit sans détour un portrait de la situation et fournit plusieurs pistes de solutions.

Régressions

L’étude évalue à 25 % le taux de participation des femmes dans le secteur. Bien que les entreprises aient intensifié leurs efforts de diversification depuis les années 1990 et que la satisfaction au travail du personnel féminin en TIC ait augmenté depuis, le pourcentage de femmes dans certains champs techniques est demeuré inchangé et a même diminué depuis l’éclatement de la « bulle techno » au début des années 2000.

Ainsi, les hommes dominent la plupart des secteurs d’emploi en TIC, sauf ceux des rédacteurs, des illustrateurs et des concepteurs graphiques. Le nombre de femmes augmente dans l’industrie, mais cette croissance est moindre que celle des hommes, ce qui contribue au déclin. Seules les catégories d’emploi d’analystes et « autres » s’approchent de la parité, avec environ 42 % de femmes.

À l’école, les sciences de l’informatique constituent la seule discipline technique où le pourcentage de femmes est moindre que ce qu’il était en 1992-1993. Enfin, la présence des femmes dans les niveaux de gestion supérieurs et les conseils d’administration est inférieure à la moyenne.

Carence de modèles

Les barrières à l’adhésion des femmes à l’industrie des TIC ont trait à des perceptions négatives, mais surtout à un manque de modèles de rôle positifs.

À l’école, les adolescentes considèrent également la culture informatique monotone et les jeux vidéo inintéressants. Des études font état d’opportunités manquées en matière d’attrait des filles dès leur jeune âge envers l’univers des hautes technologies, autant dans le système d’éducation que dans la société en général. On souligne des carences en enseignement et en utilisation des TIC à des fins d’apprentissage, malgré une croissance de l’omniprésence des technologies dans la vie des jeunes femmes.

Des initiatives prometteuses

D’ailleurs, le rapport de l’ACTI évoque une initiative de séminaire du Centre for Education in Mathematics and Computing de l’Université de Waterloo pour les étudiantes des niveaux 3 et 4 du secondaire. Durant une semaine, des étudiantes graduées, des employées de l’université et des mentores ont réalisé des activités pour offrir une perspective élargie des TIC aux adolescentes.

La proportion de participantes qui envisageait d’étudier en science de l’informatique était passée de 35,4 % avant le camp à 61,5 % après l’activité.

Flexibilité académique…

Il y a beaucoup à faire afin que les femmes qui entament des études en TIC aient l’envie d’atteindre les niveaux supérieurs d’enseignement. Notamment, la flexibilité du contenu des programmes d’études en sciences de l’informatique constituerait un facteur plus important pour les femmes que pour les étudiants en général.

Selon la chercheuse de l’Université Ryerson Wendy Cukier, qui a publié de nombreux ouvrages sur la place des femmes en TIC, les exigences d’adhésion inflexibles, les modèles d’enseignement théoriques et traditionnels, le manque de pédagogie expérientielle et coopérative et la faible quantité de modèles de rôles sont des barrières systématiques à l’inscription des femmes aux programmes postsecondaires en technologies de l’information.

Pour abattre les barrières dans les institutions d’enseignement, Mme Cukier suggère notamment une adaptation accrue des établissements et des gouvernements aux tendances en emploi, ainsi qu’une révision des pratiques d’embauche, des salaires, de la promotion et du soutien à la recherche. Elle propose aussi l’implantation de programmes hybrides (majeures et mineures), et l’inclusion de la diversité parmi les unités de mesure de la performance pour le financement des programmes et des projets de recherche.

…et image modernisée

D’autres études recommandent des changements à l’image de marque des carrières en TIC, afin de rendre le secteur plus attrayant. On suggère la réalisation d’efforts intégrés de marketing qui impliqueraient toute la gamme d’influence (parents, établissements d’enseignement,industrie), mais aussi le recours à l’enseignement de façon appliquée afin de démontrer la variété des applications et occasions en TIC.

Surtout, Wendy Cukier et ses collègues Denise Shortt et Irene Devine estiment, dans l’étude Gender and Information Technology: Implications of Definitions for Industry and Education, parue en 2002, que les définitions utilisées pour décrire le secteur et ses emplois sont limitantes et étroites. Un mauvais appariement entre ces définitions et les exigences de compétences dans l’industrie contribuerait à creuser un « fossé de talents ».

De plus, les départements de ressources humaines des employeurs et les établissements d’enseignement devraient considérer que les voies menant aux car-rières en TIC n’émanent pas que des sciences de l’informatique et de l’ingénierie, alors que les arts, le design et les mathématiques constituent d’importants points d’amorce. Cette méconnaissance d’une réalité à multiples facettes et le maintien de pratiques strictes de filtrage des postulantes résulteraient en l’évitement du domaine d’étude des TIC par les étudiantes, ainsi qu’à la mise de côté de candidates de valeur par les entreprises.

Flexibilité et attention

La rétention des travailleuses dans l’industrie constitue un autre enjeu majeur.

Une étude de l’organisme Catalyst, qui est voué à l’inclusion des femmes en entreprise, énumère quatre facteurs qui incitent les femmes à quitter le secteur : la présence d’une culture de l’exclusion, des environnements de travail inflexibles, un échec de l’identification et du développement des talents par les organisations et un sentiment d’isolement. Une autre étude de Catalyst identifie trois barrières à la poursuite des carrières en TIC : une carence de modèles de rôles, une absence de mentors, de commanditaires ou de « championnes » pour publiciser les accomplissements féminins et une exclusion des réseaux de décideurs. Aussi, les femmes plus âgées se sentiraient davantage exclues.

Les pistes de solutions du rapport de l’ACTI incluent la formation des superviseurs et des gestionnaires pour améliorer leurs habiletés de communication, d’encadrement et de guidance avec les femmes. L’établissement d’évaluations ouvertes et à intervalles réguliers, l’octroi d’assignations reposant sur de meilleurs défis et la planification d’objectifs de carrière sont aussi recommandés.

D’autre part, le recours à des processus de promotion et de développement qui sont justes et transparents, l’offre de la parité salariale et l’implantation de politiques telles que le travail à horaires flexibles, le partage d’emploi et l’offre d’une garderie en milieu de travail contribueraient à améliorer le taux de rétention des femmes en TIC.

Rapport (en anglais seulement)

Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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