Pénurie de spécialistes des TI : le temps est venu d’y voir

Au pays, nombreux sont les intervenants à promouvoir des mesures visant à juguler la rareté de la main-d’oeuvre en TI, problème qui pourrait prendre des proportions inquiétantes si rien n’est fait. Plutôt apathiques jusqu’ici, les entreprises doivent participer à cet effort.

Le Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC) et l’Association canadienne de l’informatique (ACI) prévoient qu’en 2011, l’industrie canadienne des TI souffrira d’une pénurie de 89 000 travailleurs. En fait, 2,9 millions de spécialistes du secteur atteindront l’âge moyen de la retraite d’ici dix ans, prévenait Statistiques Canada en 2003.

Loin d’être circonscrit au Canada, le phénomène est mondial. Même l’Inde serait touchée, elle dont, hier encore, les ressources paraissaient infinies.

Il s’agit là d’un problème complexe, provoqué par de multiples facteurs, et non par le seul départ à la retraite des baby-boomers. En effet, on doit aussi tenir compte de la localisation, des salaires, de la qualité et de l’intensité de la formation… D’aucuns estiment que la source de la pénurie remonte au dégonflement de la bulle Internet, qui a laissé les entreprises survivantes sans budget pour l’embauche de diplômés ou, à tout le moins, sans inclinaison à cet égard.

La brusque fin de l’ère point.com a aussi créé l’impression qu’une carrière dans les TI n’est plus viable. Calvin Gotlieb, professeur émérite à l’Université de Toronto et pionnier de l’informatique à l’échelle mondiale, ajoute que la fuite des emplois en Asie n’a rien fait pour atténuer cette idée (voir cet article).

Résultat : les inscriptions à une formation en TI dans les collèges et les universités du pays ont chuté de 50 % à 70 % depuis 2000. Et le taux de chômage au sein de l’industrie demeure beaucoup plus bas que dans l’ensemble des secteurs d’activités – ce qui tend à accréditer la thèse de la fausse impression sur les perspectives de carrière. À la fin de 2005, l’industrie affichait un taux de chômage de 1,9 %, comparativement au taux global canadien de 6,1 % enregistré l’année dernière. Autre facteur à considérer, l’omniprésence de la technologie dans nos activités quotidiennes, qui stimule la demande de spécialistes.

Rétention, immigration et formation

Le problème est aigu, et sans l’adoption de mesures énergiques, le nombre de postes vacants en TI risque de s’accentuer sensiblement au cours des prochaines années. Si le premier réflexe est de se tourner vers les gouvernements pour corriger la situation, on ne peut oublier qu’une part des responsabilités en ce sens incombe aux entreprises – au-delà des méthodes usuelles mises de l’avant par les services des RH, comme l’horaire variable et le télétravail.

Des initiatives ont déjà été lancées en ce sens. Par exemple, Cisco a instauré un programme prévoyant le partage avec ses partenaires d’affaires des demandes d’emploi qui lui sont adressées. Néanmoins, la vaste majorité des entreprises tarde à mettre ses programmes en route, comme le révèle une communication toute récente de Manpower Canada.

Dans un discours prononcé en 2001, le directeur exécutif alors en poste à la Canadian Advanced Technology Alliance (CATAAlliance), David Peterson, identifie trois éléments parmi les sources de talents disponibles : la main-d’oeuvre active, l’immigration et les écoles.

Plusieurs voix, dont celle de Bill Gates, se sont élevées en faveur d’un assouplissement des lois et des règlements sur l’immigration. Au Québec, les pressions s’accentuent sur le gouvernement pour que les diplômes des nouveaux arrivants soient davantage reconnus, de façon à mieux les intégrer au marché du travail.

Cependant, la contribution des entreprises pèsera sans doute plus lourd en matière de formation de la main-d’oeuvre. Cette contribution peut prendre diverses formes, dont celle d’intégrer davantage de stagiaires, ce qui aidera les étudiants à payer leurs études et favorisera l’embauche d’employés à long terme. On peut aussi, de concert avec les écoles et les intervenants de l’industrie, adapter les programmes de formation afin de mieux évaluer les talents et d’accréditer les étudiants. Finalement, on peut faire en sorte de développer des produits moins propriétaires, plus compatibles et plus ouverts, de façon à faciliter la formation des futurs employés et à accroître leur mobilité interentreprises.

Certaines organisations choisissent d’offrir elles-mêmes une formation spécialisée, en fonction de leurs besoins particuliers. C’est ainsi qu’une entreprise de marketing numérique a mis sur pied un programme d’une durée de douze mois à l’intention de ses employés (comme le rapporte cet article). D’autres organisations estiment qu’il faut innover en matière de recrutement, les méthodes traditionnelles ne permettant plus d’atteindre les meilleurs candidats (voir ici).

En matière de rétention de la main-d’oeuvre, par ailleurs, les entreprises doivent mettre en place des politiques permettant de conserver chez elles les employés plus âgés tout particulièrement. En Australie, il est beaucoup question également d’attirer les femmes au sein de l’industrie et de favoriser le retour de celles qui se sont absentées pour cause de maternité (voir cet article).

Les professionnels des TI jouent un rôle actif dans toutes les industries. Leurs compétences doivent demeurer efficaces et concurrentielles, sous peine de voir les entreprises déménager sous d’autres cieux, où elles auront accès aux talents dont elles besoin. Le risque pesant sur la productivité et le bassin de connaissances des entreprises est à ce point important, que les employeurs ne peuvent l’éviter à moins d’adopter des mesures proactives, prévient Manpower Canada.

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