Omnitech : croissance et déchéance sous le poids des acquisitions

L’entreprise de Québec, en situation financière difficile depuis 2006, fait discrètement banqueroute. Trois filiales spécialisées survivent. Récapitulation d’une croissance trop rapide.

Le Groupe Conseil Omnitech, spécialisé en ingénierie qui offrait des services d’informatique, d’entretien de systèmes et de logiciels, a déclaré faillite.

« Groupe Conseil Omnitech inc. […] a le regret d’annoncer qu’elle a procédé à une cession de ses biens au profit de ses créanciers en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité », a indiqué l’entreprise le vendredi 28 septembre, dans un communiqué de deux phrases publié discrètement sur un fil de presse.

L’annonce a eu lieu près d’une demi-heure après la fermeture de la Bourse de croissance TSX, où l’action de l’entreprise valait la moitié d’un sou.

L’entreprise exploitait notamment une division d’informatique pour l’offre « de services de fournitures, d’évaluations, de développements, d’essais, d’implantations, d’intégrations, d’optimisations de systèmes ou d’applications informatiques et d’impartition de système ». Elle exploitait également une division de logiciels et de progiciels de gestion intégrés spécialisés en ingénierie et en entretien.

Trois filiales subsistent

Au début de la semaine du 1er octobre, le site ne faisait pas état de la faillite ni ne contenait le document d’annonce de la cession de biens. Or, le mercredi 3 octobre, la page frontispice du site de l’entreprise indiquait que trois filiales étaient encore en exploitation, soit Groupe Cadec, un intégrateur de systèmes automatisés de Sherbrooke, Groupe ISAC, un intégrateur de systèmes informatisés d’automatisation et de contrôle de Jonquière, et Toptech Groupe Conseil, une firme de Québec qui œuvre en optimisation des procédés de fabrication. Le reste du site Web d’Omnitech a été désactivé.

Sur le site Web de Groupe Cadec, le président de la filiale Pierre Belisle confirmait aux clients et aux fournisseurs la poursuite des activités et avisait qu’une annonce « importante » aurait lieu au cours de la semaine. Quant à Toptech, la consultation de l’adresse du site Web résultait en un message d’erreur.

Il appert que la poursuite des activités de CADEC et de Toptech sera assurée par Roche Groupe-conseil, une importante entreprise d’ingénierie qui est localisée à Québec.

Sur le site de Groupe ISAC, un message du président Carl Foster indique « qu’après une excursion en tant que filiale de la compagnie publique Groupe Conseil Omnitech inc., les employés et l’ancienne direction [fondatrice] du Groupe ISAC inc. [étaient] de retour dans le domaine privé. » M. Foster ajoute que les actifs de l’ancienne entité ont été achetés et seront exploités dans une firme qui portera la dénomination sociale de Groupe ISAC (2007).

MM. Belisle et Foster n’ont pas retourné les appels logés par Direction informatique.

Rien pour les créanciers et actionnaires ordinaires

À la firme PricewaterhouseCoopers, qui a été mandatée à titre de syndic par Omnitech pour la liquidation de ses actifs, un message téléphonique indique que les actionnaires et les créanciers seront laissés en plan, faute d’argent.

« […] Nous estimons que la liquidation des actifs de cette compagnie et de ses filiales ne sera pas suffisante pour acquitter la totalité des créances des créanciers garantis. Par conséquent, et selon nos estimations préliminaires, nous n’anticipons aucune distribution aux créanciers ordinaires », indique le message.

Le même message indique aux créanciers ordinaires que les sommes qui n’avaient pas été réclamées au terme de la proposition d’arrangement préalable sont considérées comme étant « éteintes », et conseille aux actionnaires ordinaires de consulter un fiscaliste pour obtenir de possibles déductions.

Groupe Conseil Omnitech avait déposé, en octobre 2006, une proposition à ses créanciers en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Cette proposition, qui excluait la filiale Groupe ISAC, avait été acceptée en mars 2007 et offrait le paiement des créances en actions ordinaires, à une valeur de cinq cents l’action.

Une croissance rapide alimentée par les acquisitions

Groupe Conseil Omitech se définissait, sur son site Web, comme étant la « pionnière de la consolidation du secteur du génie-conseil. » Or, la réalisation d’un grand nombre d’acquisitions en peu de temps semble avoir entraîné la firme à sa perte.

Selon des documents archivés sur l’Internet, l’entreprise a été fondée à Québec en 2001 par l’ingénieur Claude Belley. En 2004, Omnitech annonçait la signature d’une entente avec la société de capital de démarrage Corporation Bio Angel 1 afin de réaliser une prise de contrôle inversée et accéder aux marchés boursiers.

Un bulletin publié sur le site de l’organisme gouvernemental Service Canada, au sujet des événements majeurs survenus sur le marché du travail en 2005, indiquait dans le cadre de l’entrée en bourse d’Omnitech que « depuis sa fondation, la compagnie de service-conseil a réussi au moins 13 acquisitions d’entreprises ou d’actifs dans la région de Québec et ailleurs dans le monde. » Ce bulletin soulignait aussi que « la croissance d’Omnitech est directement basée sur les acquisitions. »

Omnitech a poursuivi intensivement sa stratégie dès février 2005 en prenant une participation dans l’entreprise Maxi-Concept JLP, de Bécancour, spécialisée dans le dessin industriel et la conception mécanique et en achetant Logexia, un éditeur de progiciel de gestion intégrée. Au cours de ce mois, elle acquérait les actions de Toptech Groupe Conseil et faisait l’acquisition de Groupe ISAC de Jonquière.

Acquisitions succinctes

En mai 2005, Omnitech annonçait son intention d’acquérir Inverse, une firme de services-conseils en technologie de l’information qui œuvre au Québec et aux États-Unis. La transaction allait toutefois avorter en septembre suivant.

En juin 2005, l’entreprise annonçait coup sur coup les acquisitions de Winpunch et Micro-Solution, spécialisées en solutions de gestion des temps de production, de Concerpro, qui réalisait des interventions d’analyse et d’orientation stratégique et des activités de gestion du changement, et PGE, qui produisait des solutions logicielles de gestion de temps et de planification de ressources.

En mars 2006, Omnitech achetait Groupe Cadec, puis en avril elle achetait Logiciels Systrax, un éditeur de système intégré d’information manufacturière. Finalement, en juin 2006, l’entreprise acquérait les actions de SET Technologie, un spécialiste en solutions d’optimisation pour les industries de la fabrication et de la logistique.

Omnitech aura donc réalisé une vingtaine d’acquisitions d’entreprises ou d’actifs en cinq ans.

Nombreuses pertes nettes

Au gré des acquisitions, Omnitech aura produit plus de pertes nettes que de bénéfices.

À la soumission en retard des résultats de l’année financière 2005, les revenus de l’entreprise étaient de 12,1 millions $, mais la perte nette était de 537 000 $. En 2006, les trois premiers trimestres faisaient état de revenus de quatre à cinq millions de dollars, mais aussi de pertes trimestrielles de plusieurs centaines de milliers de dollars. Au troisième trimestre, l’entreprise rapportait un bénéfice net de plus de 300 000 $.

Le quatrième trimestre aura été de mauvais augure, avec une perte nette de 4,3 millions $. Quelques jours après la publication des résultats, Omnitech annonçait la vente de l’achalandage de sa division d’évolution technologique et de réseautique à la firme Soges-Tech de Québec.

Mais ce sont les résultats du « cinquième » trimestre de l’année 2006 – en raison d’un changement de date de fin d’exercice – qui auront probablement sonné le glas de l’entreprise. Le bilan de l’année financière, qui a été publié avec plusieurs mois de retard et qui est imprécis quant aux données du dernier trimestre, fait état de revenus de 24,5 millions $ et d’une perte nette de plus de 24,6 millions $ pour l’année financière, dont 17 millions $ en radiation d’actifs et en écarts d’acquisition.

Au cours de l’année financière, l’entreprise avait bénéficié de plusieurs investissements de la part de fonds privés et du fondateur Claude Belley, alors que des contrats d’une valeur variant d’environ un demi-million à 1,5 million $ étaient fréquemment divulgués.

Mais malgré plusieurs redressements, des confirmations de crédit et de nombreux changements à la direction et au conseil d’administration, il appert que les revenus de 15,4 millions $ et la perte nette de 2,6 millions $ des trois premiers trimestres de l’année financière 2007 n’auront pas convaincu la direction du bien-fondé de la poursuite des activités.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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