Ne vous fiez à personne, dit le cynique

HUMEUR Les tenanciers de portails Web sont-ils responsables de la malveillance des sites vers lesquels ils nous dirigent?

Dans notre univers techno, il est parfois difficile de ne pas être ce cynique encrassé, affligeant, défiguré par le fiel, hargneux dès le saut du lit et haineux de l’omniprésence marketing.

À l’inverse, il semble tout aussi laborieux d’émettre des « Ah! » et des « Oh! » admiratifs devant les récoltes récentes de nouveaux produits ou des nouvelles « percées technologiques ». On a beau vouloir aimer, s’enflammer, cesser de détester, on jurerait que tout est mis en oeuvre pour nous encroûter dans notre jus toxique. Pour illustrer ce constat peu reluisant, épluchons le cas de Yahoo, une alternative à Google avec laquelle Steve Ballmer, le PDG de Microsoft, joue aux cartes depuis quelques temps.

Cas de figure   Pour mettre la table, imaginons que notre côté sombre fasse que l’on voit en Google la réincarnation du Docteur Mabuse, voire de Drax, ce mégalomane fou de Moonraker (avec Roger Moore dans le rôle de l’agent 007) et imaginons que notre côté clair, naïf ou angélique, veuille absolument faire de Yahoo LA solution de rechange. Voici comment on peut procéder.   On commence par aller se documenter sur Browser Plus, un projet sur lequel Yahoo planche depuis quelque temps et qui entend amener les internautes à la prochaine génération des fureteurs Internet. Comme, ces temps-ci, l’entreprise de Jerry Yang offre des « sneak peaks » du produit, on pourra s’en faire une assez bonne idée. Malheureusement, puisque trop de gens tentent d’aller voir en même temps, à peu près rien ne fonctionne. On doit donc se fier à ce qu’on peut y lire : possibilité d’ajouter des modules à son fureteur sans devoir le redémarrer, modifications de nos photos avec Flickr sans devoir les téléverser, etc. Auquel cas – soyons positif – on s’exclame « Oh wow!, Yahoo s’en vient génial! »   Ainsi titillé, émoustillé, mis en appétit, on se pointe ensuite sur l’offre de produits, une offre de tout ce que fait Yahoo! et qui est bien étalée en ordre alphabétique. En survolant la liste, on retrouve des noms connus comme Babel Fish Translation, del.icio.us, Flickr, GeoCities, OMG, Zimbra, des noms que l’on ne croyait pas figurer dans la mouvance Yahoo. Étonné, on clique sur l’un et sur l’autre, question de voir, d’apprécier, de se mettre en situation d’empathie.   Saisie d'écran page d'accueil OMG - cliquez sur l'image pour l'agrandirC’est ainsi que de fil en aiguille, on atterrit sur OMG, un site de vedettes américaines soutenu par de la publicité. Cette dernière se présente sous la forme d’un espace intégré à la UNE où on se fait surtout proposer des blocs-notes Dell, des téléphones Telus et des pubs maison, mais aussi des eBooks pour devenir millionnaires, des Wii ou des MacBook que l’on peut gagner, des smileys gratuits que l’on peut télécharger et des écrans de veille que l’on peut se procurer gratuitement. Dans ce dernier cas, on remarque ainsi un superbe typhon et, amusé, on clique. Or, c’est une pub qui provient de screensavers.com ( voir illustration ci-contre).   Saisie d'écran Avertissement Firefox 3- cliquez sur l'image pour l'agrandir

Heureusement, comme on utilise Firefox 3, l’aventure s’arrête là. On ne verra jamais le beau typhon s’afficher sur notre écran, cela parce que le site screensavers.com a été jugé trop dangereux (voir illustration ci-contre).  En se fiant à des analyses faites par… Google, Firefox nous informe que des 1204 pages dudit site testées dans les 90 derniers jours, il y en a 318 qui se sont avérées gavées de code malicieux destiné à s’installer dans un PC sans le consentement de son utilisateur.

Saisie d'écran diagnostic Google - cliquez sur l'image pour l'agrandir

Plus précisément, il s’agirait de 450 chevaux de Troie différents tous susceptibles d’installer de nouvelles procédures dans Windows (le mot « botnet » plane sans cependant être mentionné…) (voir illustration ci-contre).

TIC et éthique…    On vient de réaliser que Yahoo, via une de ses filiales, OMG, propose non seulement des pubs parfois discutables, mais invite les gens à aller sur screensavers.com, un site accusé d’insalubrité que Firefox bloque, lourde justification à l’appui. Et là, on se met à réfléchir sur ceux des gens que l’on sait grands utilisateurs de Firefox. Et sur ceux qui n’ont jamais songé à utiliser un autre fureteur qu’Internet Explorer 6 ou 7.   Et puis, on pense au nombre de fois où, avec irritation, on a dû se débarrasser de la barre d’outils que Yahoo avait installée dans son fureteur, on pense à toutes ces bébelles de binettes, de smileys et tutti quanti que Yahoo se fait fort d’offrir à sa clientèle, une clientèle qui, pour cause, est moins professionnelle, plus grand public, moins avertie, plus insouciante, moins Firefox, plus IE.   D’ailleurs, Yahoo en est bien consciente. Elle sait que sa clientèle est plus vulnérable, que des malfrats se servent de son nom (p. ex. la Yahoo International Lottery Organization) pour arnaquer les internautes encore crédules. Tant et si bien que récemment, elle a contre-attaqué. Paradoxalement, ajoutera-t-on, car elle ne semble rien faire pour protéger son public dans le cas de screensavers.com. C’est probablement à ce moment du remue-méninges que l’on décroche et qu’on revient, gros jean comme devant, à Google.   Mais il y a quelque chose qui nous turlupine. Sachant que screensavers.com fait l’objet d’analyses par Google et Firefox depuis au moins 90 jours, est-il possible que personne ne le sache, n’en connaisse les conclusions, chez OMG/Yahoo, instance qui en a accepté la publicité? Se retrouve-t-on devant un cas d’absence d’éthique commerciale, de je-m’en-foutisme, d’incompétence ou de mauvaise organisation? Il serait intéressant de la savoir, non? OMG a-t-elle le droit d’endosser (puisqu’elle les publie) de telles pubs? En plus vaste, pour pointer sur la vraie question, la « questionnante et interrogative », le média est-il responsable de l’arnaque dans lequel peut tomber son visiteur qui consulte une de ses publicités?   Par delà le débat éthique que cela suppose, on peut possiblement conclure en un manque de sérieux de la part de tels sites. Donc de la part de Yahoo une entreprise qui, hélas!, n’est pas la seule à agir ainsi; les cas malheureux sont légion.

Exit à saveur cynique…   La solution, à part plonger tête première dans le cynisme? On voudra peut-être se barder de protection contre son étourderie, par exemple, en préférant un fureteur préventif comme Firefox ou, à tout le moins, en activant le système de filtre antiarnaque dans Internet Explorer 7. Mais surtout, on voudra jouer de prudence, ne jamais rien tenir pour acquis, ne jamais assouvir ses impulsions de premier découvreur, offrir le sacrifice de sa curiosité.   Mais, idéalement, on laissera tomber les bébelles d’écran gratuites et on essaiera de s’intéresser à de grands pans de la vie qui n’ont rien à voir avec l’informatique. Avez-vous joué à la balle avec vos enfants, dernièrement?  

Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.


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