Logiciel-service interrompu ?

DROIT ET TI Le logiciel-service (SaaS en anglais) est un nouveau modèle d’affaires qui fait fureur dans le monde des TI : attention cependant aux différences fonctionnelles entre le modèle de licence classique et le logiciel-service.

L’acquisition d’une licence d’utilisation de logiciel, au sens « classique » du terme, implique la plupart du temps le paiement d’un montant d’argent initial et un droit d’utilisation à perpétuité du logiciel, sujet au respect de certaines conditions. Dans plusieurs cas, le client doit investir un montant considérable dans l’acquisition de la licence ainsi que des équipements informatiques permettant de faire fonctionner le logiciel. En période économique difficile, cela peut peut-être retarder des ventes chez certains fournisseurs.

Un contrat de logiciel-service, pour sa part, connu en anglais sous le nom de SaaS, ou Software as a Service, implique que le logiciel sera installé sur l’équipement du fournisseur et sera accessible à distance, moyennant un paiement régulier, mensuel la plupart du temps, par le client.

Il y a des fournisseurs qui trouvent dommage que le flux de revenus qu’entraîne la vente de licences « classiques » ne dure pas. Les montants initiaux sont certes souvent intéressants; cependant, les seuls revenus récurrents seront alors les frais de support, ce qui parfois ne fait pas l’affaire du banquier du fournisseur, parfois frileux ces jours-ci. Des frais récurrents de licence seraient évidemment plus intéressants.

Par ailleurs, il y a des clients-utilisateurs qui trouvent dommage de dépenser une somme importante d’un coup et qui préfèreraient que les paiements soient répartis sur une plus longue période.

Il semble donc y avoir un marché presque naturel pour le logiciel-service.

Cependant, qu’arrive-t-il à la fin du contrat? On parle bien peu souvent de la fin d’une entente de licence « classique » sauf en cas de litige. Habituellement, lorsqu’un client-utilisateur désire mettre fin à son utilisation d’un logiciel dans le cadre d’une licence « classique », il est relativement rare qu’il mette fin au contrat de licence. Il cessera d’utiliser le logiciel régulièrement, mettra fin au contrat de support et conservera souvent une copie du logiciel, dont la licence n’a pas de limite de temps, aux fins d’archivage ou de récupération de données archivées.

Mais dans le cas du logiciel-service, il est important de songer à ce qui se passera si le contrat de logiciel-service se termine, disons, « tôt », c’est-à-dire plus tôt que les parties ne l’avaient espéré ou prévu lors de la signature du contrat.

Le contrat de service

Le nom le dit, en français comme en anglais : le « logiciel-service » ou « Software as a Service » est un service.

Une licence perpétuelle d’utilisation d’un logiciel, en droit civil québecois, correspond à un certain type de règles. À moins qu’un renversement important ne survienne dans la jurisprudence, les règles régissant le logiciel-service sont passablement différentes; sous l’égide du Code civil du Québec, le contrat de logiciel-service n’est pas un contrat dans la catégorie des contrats de licences, il s’agit d’un contrat de service.

Or, une particularité des contrats de service en droit civil québécois est qu’à moins que les parties y aient expressément renoncé, le client peut mettre fin au contrat à peu près en tout temps. Peu importe si les parties avaient écrit qu’il s’agissait d’un contrat de deux, trois ou cinq ans ou de toute autre longue durée.

De plus, lorsque l’on dit « expressément renoncé », il faut que la renonciation soit très claire au contrat, du genre « nonobstant l’article 2125 du Code civil du Québec… ».

Les revenus récurrents des fournisseurs ne sont, donc, peut-être pas si certains que ça.

Et les données?

Tel que mentionné plus tôt, lorsqu’un client-utilisateur désire mettre fin à son utilisation d’un logiciel dans le cadre d’une licence « classique », il est relativement rare qu’il mette fin au contrat de licence. Dans un tel cas, les données se situent chez le client-utilisateur et celui-ci conserve une copie du logiciel capable de les lire dans l’état où elles se trouvent à la fin de l’utilisation courante du logiciel.

Par ailleurs, lorsque le contrat de logiciel-service se termine, les données sont chez le fournisseur et sont lisibles avec un logiciel dont la licence est terminée. Attention!

Il faut donc s’assurer que le contrat de logiciel-service contienne des clauses régissant la manière dont les données seront acheminées au client-utilisateur à la fin du contrat.

Il sera important de préciser dans quel format les données seront remises au client-utilisateur, le format utilisé par le logiciel dont la licence se termine étant bien peu pratique dans les circonstances. S’il est complexe ou coûteux de remettre les données dans un format plus accessible, certains frais pourraient être prévus. Le client-utilisateur sourcillera peut-être à l’idée de payer pour récupérer ses données, mais c’est une bonne façon d’encourager le fournisseur à faire la conversion à l’intérieur d’un délai raisonnable.

Il sera aussi prudent de préciser si les données seront envoyées ou mises en disponibilité par le fournisseur et comment sera fait cet envoi ou cette mise en disponibilité. Sur un serveur Web? Par messager sur un support physique? Par courriel? Malgré l’aspect peu moderne du processus, l’envoi par messager d’un support physique permettra au fournisseur de bénéficier de la déclaration d’une tierce partie, la compagnie de messagerie, à l’effet qu’il y a eu livraison.

Les éléments mentionnés ne sont que deux des éléments à considérer sérieusement dans le cadre d’une entente de logiciel-service. Ce contrat est bien différent d’un contrat de licence perpétuelle (« classique ») auquel on aurait simplement changé la durée pour le rendre « mensuel ».

Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 20 ans.

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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