L’inexorable élan du logiciel libre

Les astres semblent alignés pour que l’on assiste au cours des prochaines années à un important essor du logiciel libre en entreprise.

Dans le cadre d’une étude récente menée par Gartner auprès de 547 dirigeants TI dans 11 pays, plus de la moitié des répondants disent avoir adopté le logiciel libre, alors que 21 % d’entre eux sont à l’évaluer. D’ici 18 mois, 30 % des logiciels utilisés dans les entreprises seront libres, prévoit Gartner. Cette forte popularité est d’autant plus impressionnante que les organisations se montraient très prudentes par rapport à ce modèle il y a quelques années encore.

Le niveau de maturité des logiciels libres a beaucoup évolué ces deux dernières années. Les difficultés économiques et les stratégies technologiques des entreprises ont contribué à une prise de conscience des enjeux et des possibilités du modèle. Dans le secteur de la mobilité, le nombre de projets entrepris en 2010 qui font appel à des codes sources libres a doublé par rapport à l’année précédente – d’après les statistiques tirées de la base de données de logiciels libres Black Duck Knowledgebase. L’informatique en nuage constitue un autre domaine où le logiciel libre est en forte hausse.

Au Québec et ailleurs

Selon le CIGREF, regroupement européen de grandes entreprises voué à la promotion de la culture numérique, s’il fallait autrefois convaincre que le logiciel libre n’est pas une sous-solution, on doit aujourd’hui justifier sa non-prise en compte. Présent dans les infrastructures, il commence à se frayer un chemin dans les couches applicatives et fonctionnelles également. Pour Daniel Pascot, professeur titulaire au département des systèmes d’information organisationnels de l’Université Laval et président du conseil d’administration de l’organisme FACIL (pour l’appropriation collective de l’informatique libre), cette évolution évoquée par le CIGREF se constate aussi au Québec. Elle se manifeste non seulement au sein de la fonction publique, mais aussi dans le secteur privé.

À titre d’exemple, le Mouvement Desjardins voit dans le logiciel libre des avantages marqués. « Adepte du concept depuis 2003 déjà, l’institution financière mise sur la rapidité de commercialisation, l’affranchissement de possibles monopoles des fournisseurs, la plus grande ouverture des processus de développement, l’innovation et l’assurance qualité que lui confère le logiciel libre », indique Christopher Grove, vice-président Sécurité, Architecture d’entreprise et Contrôles technologiques chez Desjardins. L’organisation a déterminé six grands domaines d’utilisation : gestion des bases de données, systèmes d’exploitation, portails, bureautique, développement applicatif et infrastructures.

Le fait que le modèle soit prisé dans le secteur de la finance où, pour des raisons de sécurité, on est généralement plus frileux à l’égard des technologies émergentes, en dit long sur le potentiel du libre à long terme. « Au-delà de l’évidente rentabilité, les entreprises optent pour ce concept en raison de facteurs comme une meilleure harmonisation avec les stratégies TI et commerciales ainsi que la richesse des fonctions, lesquelle s peuvent souvent rivaliser avec celles des logiciels commerciaux », révèle l’étude de Gartner mentionnée précédemment. Du reste, il est fréquent d’utiliser le logiciel libre sans le savoir, qu’il s’agisse notamment de serveurs ou de postes de travail Linux ou de la plateforme mobile Android. Même Microsoft intègre des logiciels libres à son offre malgré la concurrence livrée par le concept à ses produits. « L’essentiel d’Internet est bâti sur le logiciel libre », rappelle Cyrille Béraud, président de l’Association professionnelle des entreprises en logiciels libres (APELL) et président de la firme de services-conseils Savoir-faire Linux. Ainsi en va-t-il de Google, eBay, Facebook, Wikipedia…

Freins

En dépit de l’irrésistible montée du code source libre, les entreprises tardent à mettre en place une stratégie formelle pour en tirer pleinement avantage. Selon Gartner, seulement le tiers des organisations l’ont fait à ce jour. Des enjeux de taille demeurent selon le CIGREF : gestion des compétences, coûts, continuité des activités, projets et évolution des solutions.

Au Mouvement Desjardins, le niveau de sécurité et de service constitue des facteurs prépondérants quant à la décision de recourir ou non à ce modèle, souligne Christopher Grove. De ce point de vue, la venue « de grands joueurs comme IBM et Microsoft dans le marché du logiciel libre est une bonne nouvelle », estime-t-il. Par ailleurs, le modèle de licence du logiciel libre soulève plusieurs enjeux juridiques. Selon lui, cela amène un besoin d’encadrement plus serré et la nécessité de mettre en place une gouvernance adéquate.

« Les modèles économiques du logiciel libre demeurent complexes, et les entreprises utilisatrices ne les comprennent ni ne les maîtrisent encore suffisamment », croit-on au CIGREF. Cet organisme déplore la vision purement technologique du logiciel libre et le fait qu’elle ne tienne pas suffisamment compte des besoins d’affaires. Il faut dire que nous en sommes au début seulement de l’utilisation de ce modèle en entreprise. Les technologues en général connaissent les vertus du logiciel libre depuis plusieurs années, et les dirigeants les ont découvertes à leur tour. Dans un avenir rapproché, le libre pourrait très bien représenter un facteur de succès déterminant si ce n’est déjà le cas.

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