Les multiples faces du gestionnaire de projets

POINT DE GESTION Le concept de projet et celui de sa gestion, du moins en ce qui concerne les technologies de l’information (TI), fait maintenant partie de la réalité quotidienne des organisations. Aux commandes de ces projets de toutes tailles et souvent stratégiques, des hommes et des femmes de première ligne. Gestionnaire, négociateur, organisateur, coordonnateur, conciliateur, juge, orienteur composent les différentes faces du gestionnaire de projets

Chef d’orchestre dans l’âme le gestionnaire de projets est souvent invisible et d’autant plus anonyme que son travail est un succès. Quelles caractéristiques et quelles expertises le définissent et comment s’en sert-il?

La problématique

Compte tenu de l’importance prise par les TI dans tous les secteurs d’activité des organisations, le nombre de projets croît de façon explosive. Et ce, à chaque palier du développement technologique ou économique. Aussi, le nombre des gestionnaires de ces projets se doit d’évoluer nécessairement à la même vitesse, sous peine de créer un déficit de main d’œuvre et un vide (vacuum) d’expertise. Cependant, la compétence est loin d’évoluer avec les mêmes caractéristiques et en suivant le même ratio.

Aussi les organisations doivent-elles faire pour le mieux avec les candidats accessibles, avec les connaissances disponibles et avec leur propre compétence à juger. Le problème est que la gestion de projets induit obligatoirement des coûts, qui sont souvent fixés forfaitairement et par anticipation, à quelque 10 % du montant du projet. Ces coûts, incompressibles et incontournables engendrés par la gestion des projets, sont souvent vus comme un mal nécessaire et un poste inévitable de dépenses. Aussi, tout bon gestionnaire corporatif, s’il dispose de cette vision, tentera malgré tout de minimiser les coûts. Et bien souvent de façon malheureuse et inadéquate, au grand dam du projet et de son gestionnaire.

Les faits

Dans les faits, c’est surtout un manque de compétences spécifiques en termes de savoir-faire qui se révèle un handicap, bien plus qu’un défaut de compétences techniques théoriques en méthodologies de gestion de projets. En effet, les méthodologies sont nombreuses et disponibles. Aussi, les gestionnaires de projets auront généralement été confrontés à plusieurs méthodologies, même s’ils n’en possèdent pas toujours la certification. Ce qui semble le plus incompréhensible, à fortiori, en gestion de projets, c’est que nombre de gestionnaires de projets, malgré qu’ils soient méthodologiquement bien formés, échouent régulièrement, entraînant irrémédiablement leurs projets dans cet échec. Si la formation aux méthodologies et aux outils est une condition nécessaire à la bonne marche de la gestion des projets, elle ne semble néanmoins pas suffisante. Il semble donc que gérer un projet demande plus qu’une méthodologie et des outils pour la supporter. Il est à constater que très souvent les gestionnaires de projets sont d’anciens spécialistes de la technologie qui domine dans le projet. Ainsi, les projets impliquant l’utilisation importante de bases de données auront souvent comme gestionnaires de projets d’anciens DBA, montés en grade. Il faut prendre garde, dans ce cas, que le gestionnaire du projet ne soit pas trop « enfermé » dans son propre savoir technologique et que cela transforme le projet en un trip d’expertise, le déroutant ainsi de ses objectifs et de toute autre alternative.

L’évolution

Hommes ou femmes de cause, les gestionnaires de projets, dont la cause est leur propre projet, doivent posséder ou développer un certain nombre de caractéristiques spécifiques pour la fonction et militant pour le succès du projet. Parmi les caractéristiques qui leur sont généralement reconnues comme nécessaires, citons : la rigueur, la discipline, le calme, la maîtrise de soi, le jugement, la diplomatie, la médiation, un sens profond du service à la clientèle, une facilité à communiquer, un leadership au niveau des compétences, une formation de généraliste, un esprit d’analyse et de synthèse, un comportement de stratège et de visionnaire. C’est pour cela que l’élite parmi les gestionnaires de projets se fait rare et fait partie de la richesse d’une organisation.

Généralement, les gestionnaires de projets, en généralistes qu’ils sont, ont suivi un cursus présentant de multiples formations. La valeur de ce cursus multiple se distingue par l’éventail des formations qui le compose. Il apparait souvent comme disparate à première vue. Ce type de cursus peut intégrer par exemple une formation en technologie ou en science, une formation en économie ou en administration des affaires, le tout souvent complété par une formation en sciences humaines ou en psychologie.

Il est important que ce genre de cursus soit ensuite complété par un nombre suffisant d’années d’expérience. Elles également aussi multiples que possible, afin que toutes ces connaissances convergent et s’intègrent. C’est le mélange, devenu harmonieux, de toute cette hétérogénéité qui devient une richesse. Plus ce brassage est homogène, meilleur est le gestionnaire de projets. Et, plus il pourra mener au succès des projets complexes, volumineux et longs. La polyvalence de l’expertise est le secret de la gestion de projets.

Capacité d’adaptation

En outre, le gestionnaire de projets doit avoir la capacité à adapter, à son besoin et à celui de son organisation, les outils, les méthodes et les meilleures pratiques en gestion de projets. Cela lui permettra d’utiliser une approche de gestion éprouvée et de disposer d’outils efficaces et bien adaptés à son contexte. Les méthodologies sont des guides et des supports, et non pas des « dogmes ». Il faut savoir en sortir et ne pas tout prendre sans réflexion. Les gestionnaires de projets vont en général développer, avec le temps, une connaissance quasi encyclopédique des TI et de leur utilisation, avec une expérience pratique de leur historique et de leur évolution. Mais, parallèlement à cela, ils vont disposer d’une connaissance assez fine du secteur d’activité concerné. C’est ce que l’on nomme l’aspect « métier » de l’organisation. Là encore, c’est la conjonction des deux domaines de savoir qui enrichit la valeur du gestionnaire de projets.

Enfin, le gestionnaire de projets, de par ces multiples approches développe un arc réflexe qui lui fait spontanément regarder l’emploi des technologies sous l’angle de l’utilisateur et de l’organisation. L’alignement du projet sur les besoins d’affaires de l’organisation, mais aussi sur les attentes des utilisateurs, qui devraient également être alignés sur les précédents, sera pour lui un objectif constant.

Le gestionnaire de projets devrait avec ses multiples compétences et son expertise de généraliste être le plus apte à développer une vision globale du projet, de son ampleur et de ses impacts. C’est cette vision qui permettra aux gestionnaires de projets d’en maintenir la cohérence dans le temps.

En outre, le gestionnaire de projets assumera la fonction, stratégique entre toutes, d’interface entre les équipes de spécialistes technologiques et les utilisateurs, de même qu’entre le projet et la direction générale.

Les gestionnaires de projets sont souvent responsables d’une très grosse somme d’argent, qui correspond au budget du projet. Cependant, cette fonction est si bien encadrée sur les plans méthodologique, organisationnel et de la vérification, que ce n’est que rarement à ce niveau que se trouve le plus grand défi. Ni même là que se trouve le risque principal d’échec. Si de nombreux projets dépassent largement leur budget, c’est souvent parce qu’un risque sous-jacent, plus profond, s’est matérialisé en sinistre. Cela engendre des coûts de rattrapage influençant le budget et c’est alors la pointe de l’iceberg qui devient visible et sensible. La consolidation du budget n’est que rarement une solution efficace dépassant un effet cosmétique.

La conclusion

En conclusion, il semble bien que le gestionnaire de projets, outre les connaissances intrinsèques de la gestion de projets, les connaissances spécifiques du secteur d’activité, doive posséder également tout un éventail de connaissances périphériques. Il s’agit, par exemple, de la gestion des affaires, de la gestion du changement, de la gestion des risques, de la satisfaction du client, de la gestion des ressources humaines, de la coordination et, finalement, de la médiation. En plus, les gestionnaires de projets devront subir l’usure et le polissage du temps pour accéder à l’excellence. Il est vrai que les connaissances s’apprennent, mais que l’expérience s’acquiert. C’est comme pour la pratique du vélo, c’est la distance pratiquée qui compte!

S’il est de notoriété publique que les spécialistes des TI doivent avoir des connaissances très approfondies dans leur secteur spécifique, les gestionnaires de projets doivent, pour leur part, bénéficier d’un spectre de connaissances très large. C’est la définition même d’un généraliste. Tout comme les vins millésimés, c’est le temps de travail qui raffine les gestionnaires de projet.

Gérard Blanc M.Sc, CMC, Adm.A, est directeur-conseil stratégique chez DMR-Fujitsu.

Gérard Blanc
Gérard Blanc
Gérard Blanc est directeur conseil.

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