Les clauses changeantes des contrats en ligne

DROIT ET TI : Vous acceptez un contrat de service en ligne qui inclut une clause permettant au fournisseur de modifier le contrat unilatéralement sans nécessairement vous en avertir. Qu’en penser?

Récemment, une entreprise ayant l’intention de signer une entente en ligne pour obtenir des services m’a demandé de lire le contrat avant d’en accepter les clauses.
En passant, il s’agit d’un excellent réflexe, et il demeure à développer en entreprise.

Lors d’un récent colloque en droit de l’Internet qui regroupait des conseillers juridiques internes d’entreprise, plusieurs d’entre eux ont souligné une tendance surprenante. En général, lorsqu’un « client interne » d’un conseiller juridique d’entreprise, dans le cadre d’une recherche de fournisseurs, obtient le texte d’un contrat sur papier ou sous forme de fichier texte ou .pdf par courriel, il tend à montrer ce contrat à l’avocat de l’entreprise. Par contre, même en 2012, ce client interne n’aura pas tendance à montrer le même contrat s’il fait partie de conditions à accepter dans le cadre d’un contrat en ligne. Or, le contrat en ligne est tout aussi valable juridiquement.

Les fournisseurs offrant leurs services en ligne savent que peu de gens lisent leurs conditions : ces fournisseurs tendent donc à s’avantager dans le cadre de celles-ci… d’où l’importance de lire ces conditions!

Les clauses changeantes

En lisant les clauses du contrat en ligne de mon client, je vis un article qui édictait que :

le fournisseur se réserve le droit de modifier le contrat en ligne de façon « raisonnable »;

le fournisseur n’est pas tenu d’aviser le client qu’il a effectué des changements sauf s’il s’agit de changements « importants ».

Le droit d’un fournisseur de modifier le contrat a déjà été confirmé par les tribunaux; c’est une méthode efficace pour un fournisseur de mettre à jour un contrat. Vous avez déjà sans doute reçu un avis de votre institution bancaire dans lequel elle vous a annoncé des changements aux conditions de votre compte. Si vous n’êtes pas d’accord avec les changements, il vous appartient alors de mettre fin à votre entente. Il se peut que vous ayez consenti aux conditions précédentes, mais que les nouvelles ne fassent pas votre affaire.

Mis à part les questions que soulèvent les mots « raisonnable » et « important », dans les articles décrits plus haut, qu’arrive-t-il lorsque des changements sont apportés sans que le client en soit avisé?

À quoi le client a-t-il consenti?

L’idée derrière un avis de changement aux clauses est de gérer le consentement du client.
Le client a accepté un contrat A; si ce contrat devient un contrat B, le client n’a pas accepté ce contrat B. Une façon pour le fournisseur d’obtenir une acceptation implicite au contrat B est
d’annoncer que ce dernier entre en vigueur en date X, et de laisser le client décider s’il veut l’accepter et continuer d’utiliser le service. Cependant, en l’absence d’avis, il est difficile pour le client d’accepter et pour le fournisseur de conclure que le client a accepté.

Le contrat a été changé (!)

Dans les faits, pendant que j’ai effectué mon travail, j’ai survolé à nouveau le contrat en ligne avant de remettre mes commentaires au client. Le contrat a été modifié par le fournisseur, de façon complètement invisible, sauf pour qui l’aurait relu comme je l’ai fait.

Non seulement il n’y avait sur le site ou la page pertinente aucun avertissement ou avis indiquant que le contrat avait été modifié, mais en plus, la date de la version du contrat, que l’on trouve à la fin du contrat, n’avait pas été modifiée.
On lisait toujours quelque chose comme : « Version du 17 avril 2011 ».

Comme avocat, il est difficile de conseiller efficacement le client quant à un contrat qui peut changer de telle façon. Il est certes utile d’analyser le contrat avant de l’accepter, mais comment savoir quelle version sera en vigueur si un problème ou un litige survient?

En droit du Québec, il y a certes un risque pour le fournisseur d’agir de telle façon, car il n’aura probablement pas reçu le consentement, même implicite par omission de réagir, de son client quant à la version modifiée.

Par contre, le contrat que j’ai analysé était régi par le droit de la Californie, tout litige devant être présenté en Californie. Qui sait ce que le droit californien dit à ce sujet? Qui sait ce que ça pourrait coûter pour le savoir?

Ça fait beaucoup d’incertitude juridique à gérer pour une entreprise.

Pour consulter l’édition numérique du magazine de mai 2012 de Direction informatique, cliquez ici

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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