Je ne suis pas un PC, je ne suis pas un Mac. Je suis un humain. Point.

Alors que sa patience commence à en avoir ras le bol des guéguerres stériles, notre chroniqueur aimerait qu’on lui parle intelligemment. Il aimerait que sa machine soit un outil pouvant, tout au plus, améliorer sa qualité de vie. Y a-t-il un marketeur dans la salle?

Il y a douze ans, la chanteuse américaine Meredith Brook se faisait connaître partout au monde avec « I’m a bitch, I’m a lover, I’m a child, I’m a mother, I’m a sinner, I’m a saint. »

En 2006, c’était au tour d’Apple de provoquer la planète avec « Hello, I’m a Mac… And I’m a PC », une campagne reprise en réaction, deux ans plus tard, par Microsoft avec son leitmotiv « I’m a PC ».

Tout un revirement. Tandis que le message de Mme Brooks référait à son être qui, dans différents pans de la vie, pouvait osciller entre deux extrêmes, le message des deux Steve, Jobs et Ballmer, identifiait l’humain à un bien de consommation, l’un faisant paraître son propriétaire plus déluré ou moins arrogant que le tenant de l’autre (ce qui mériterait d’être nuancé avec le tube des Beatles « I’m a looser » où, il y a plus de 40 ans, on pouvait entendre « I’m a loser and I’m not what I appear to be »…).

Vu de Meredith Brook, un être humain normal est un tissu d’émotions fluctuantes parfois imprévisible, un individu pouvant aimer et souffrir, mais qui n’est pas nécessairement ce qu’il semble être, ajoutent Lennon et McCartney (Beatles). Pourtant, vu de Jobs, c’est quelqu’un de cool qui tente de ne pas trop vexer la masse dominante des conformistes qui s’identifient à la marque de commerce de Microsoft. Et vu de Ballmer, c’est une personne sortie du placard – il était temps – pour témoigner de sa fierté à se servir d’un PC sous l’oriflamme Windows. En gros. Encore une fois, c’est « je suis ce que je consomme ».

Ces valeurs étant établies, les Steve (ou leurs adjoints) se font la guerre au plus fort d’une des pires crises économiques de l’histoire. Au lieu de réfléchir sur le phénomène de consommation effrénée qui a un peu, beaucoup, amené l’état actuel des choses, ce qui fait, notamment, que Dell, Lenovo et consorts en arrachent, on s’escrime avec de fers à marquer les vaches : ici, la marque de pomme, là, celle du papillon.

La pomme

Vu d’Apple, le principe est simple. Microsoft qui contrôle, grosso modo neuf ordis sur dix, peut se permettre de perdre un ou deux points, ce qui garnira, on ne peut mieux, les coffres d’Apple-l’Underdog. Personne à Cupertino ne croit vraiment que sa boîte prendra le contrôle de la micro-informatique mondiale. On se positionne non pas comme un challenger, mais comme une écurie un peu haut de gamme où on refuse de sombrer dans les abysses du « jetable ». Un Mac, c’est un PC Intel bien construit et chez Apple, on ne dispose pas de la technologie pour fabriquer du « El Cheapo ». Dans les dents, Ballmer!

Le papillon

Pourtant, vue de Microsoft, la pommette de la baie de San Francisco avec son 10 % du marché est une menace à éradiquer. Aussi pire que Linux, Google, Adobe ou Oracle. Steve Ballmer et sa suite ne croient vraiment pas qu’il faille pactiser avec Apple; c’est un ennemi de plus à affronter. C’est qu’ils se définissent comme en état de guerre puisqu’ils sont les protagonistes d’une plate-forme de moins en moins chère où la masse hétéroclite d’appareils a une durée de vie limitée. Un PC Intel est un PC Intel (ou AMD), quelle que soit sa marque. Du coup, Apple est http://blogs.zdnet.com/Apple/?p=3432 accusée de charger une surprime pour une soi-disant qualité qui n’est qu’apparence. Dans les dents, Jobs!

Le PDG de Microsoft semble agacé par le fait que l’on perçoive Apple comme étant cette fabricante qui met des produits cultes en marché et qui les vend avec succès, une fabricante qui a de la vision et qui innove, elle. À l’inverse, Microsoft semble perçue comme étant l’animatrice interventionniste d’un écosystème manufacturier complexe où le dénominateur commun serait la réduction constante des coûts de production, ce qui ferait d’elle une fabricante constamment en mode rattrapage, côté vision et innovation. Ainsi, dans la guéguerre Mac-PC que cette perception entretient, on s’injurie sur l’entendement que les produits Apple sont mieux conçus et durent plus longtemps, ce qui ne n’est pas toujours le cas de ceux que Microsoft articule.

Je ne ferai pas la liste des innovations Apple ayant été saluées depuis la fin des années 1970. Je me contenterai de dire qu’aucun observateur neutre ou sérieux ne croira qu’un MacBook Pro est un PC Intel comme les autres vendus 500 $ trop cher. Seul Ballmer osera tonitruer de telles affirmations en public. Ce faisant, il se laisse, encore une fois, peinturer dans le coin par Apple.

Retour d’ascenseur… contre soi-même

L’an passé, en scandant « I’m a PC », on référait de façon subliminale à la cellule souche : « Hello, I’m a Mac … And I’m a PC ». Donc, on parlait du Mac! Frisant le populisme, on faisait alors plaisir à tous ceux qui haïssaient la tronche branchée, cool, jeune, intello et un tantinet soit peu arrogante du personnage Mac. On valorisait le fait d’utiliser une machine populaire, l’ordi de Jos le plombier, de Fred le comptable et de Mémé Hortense, tout comme celui de Bill Gates, de Léon le chef cuisinier ou de Howard le hockeyeur. En un mot, on avalisait le positionnement (idéologique?) haut de gamme d’Apple et, avec ostentation, on se campait dans le vaste espace résiduel, celui du « one size fits all ». Résultat, Apple 1 et Microsoft 0, puisqu’on ne parle ici que de la qualité Apple.

Fallait-il en remettre?

Cette fois, Ballmer récidive. Comme s’il était une victime inconsciente de la publicité d’Apple, il insiste sur le fait que le PC soit devenu une sorte de « commodité » et que, toutes marques confondues, on y retrouve essentiellement les mêmes pièces. En conséquence, il ne devrait pas être vendu plus cher qu’il n’en faut. De cela, il se dégage, du moins dans ma caboche tortueuse, l’idée que le PC est une réponse abordable, ordinaire, acceptable, honnête, une réponse démocratique à l’élitisme d’Apple dont les ordis soi-disant haut de gamme coûtent trop cher! Encore ici, Apple 1, Microsoft 0, puisqu’on ne fait qu’attirer l’attention sur la qualité Apple.

Bref, au lieu de laisser la bande à Jobs bien tranquille dans leur créneau de 10 %, peut-être de 11 % « si la tendance se maintient », le successeur de Bill Gates tombe systématiquement dans le piège à ours. Faut-il être aveugle!

Le plus incroyable, c’est qu’il dirige l’entreprise sur le point de lancer Windows 7, un système d’exploitation qui m’apparaît très bien ficelé et avec lequel j’ai plaisir à travailler depuis quelque temps (ce qui ne signifie pas que je n’aime pas le Mac, bien au contraire). Win 7 est une sorte de Vista débarrassé de sa graisse de binne qui file pour le moins aussi vite que XP avec son Service Pack 3. Je l’ai même installé dans un « vieux » Celeron de 2,3 GHz et ça a fonctionné… quand même. C’est du solide qui sera très bien reçu.

Être Ballmer, je cesserais de jouer le jeu d’Apple. Je me contenterais de saluer cette plate-forme un peu spéciale, quand la bienséance me l’indique, tout en me disant fier de pouvoir lui fabriquer un de ses logiciels les plus populaires, Office:mac (un produit qui représente un peu plus de 1/172e des revenus annuels de Microsoft…). Lorsqu’on jouit de 90 %, est-il raisonnable de craindre à ce point ceux qui disposent du 10 % résiduel?

Je me concentrerais plutôt sur mon produit principal, Windows 7, un excellent système d’exploitation 32 ou 64 bits capable d’articuler de façon satisfaisante, aussi bien des netbooks à 300 $ que des Léviathans à 3 000 $. Je cesserais d’identifier les êtres humains aux machines, lesquelles je ramènerais à leur vocation première d’outils pouvant, tout au plus, améliorer une qualité de vie.

Surtout qu’on est dans une période économiquement pénible. « Les consommateurs ne dépensent plus et les entreprises remettent à plus tard le renouvellement de leur parc informatique? Qu’à cela ne tienne. Windows 7 fonctionne très bien avec les vieux P4 et en voici tous les avantages par rapport à Win XP! » Avec une telle approche, qui sait. Microsoft pourrait reprendre une partie de ce qu’elle va perdre en raison de la performance anticipée de ses partenaires OEM (Dell, HP, Acer, Lenovo, etc.). Mais ce n’est sûrement pas en pointant sur Apple, une manufacturière moins affectée par la crise, qu’elle y arrivera.

En un mot, je ne suis ni un PC, ni un Mac, mais un humain qui en a ras le bol des guéguerres stériles et qui apprécie qu’on lui parle intelligemment. Merci.

Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.

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