Interface qui rit ou interface qui pleure ?

En 2006, bien des systèmes informatiques emploient encore des interfaces à caractères ASCII dignes des années 1980. « Si ce n’est pas brisé, pourquoi le réparer ? », diront certains. « Pourquoi rester à l’ère des brontosaures ? », rétorqueront les autres…

En ouvrant l’oeil (et le bon), il est surprenant de remarquer la présence persistante des interfaces utilisateur de première génération. Dans un magasin de produits technologiques grand public du centre-ville de Montréal, les caisses enregistreuses et les postes reliés aux catalogues de l’inventaire utilisent des écrans « ambre et noir » où les employés piochent ardemment sur la touche de tabulation pour passer d’un champ de données à l’autre.

Dans un hôtel, le système de réservations et le système de gestion des voituriers semblent employer la même interface qu’au premier jour de l’implantation d’une application de gestion informatisée dans l’établissement. Des restaurants, des stations-service et des usines sont également dans la même situation. Les interfaces graphiques des ordinateurs semblent en apparence être figées dans un passé technologique pourtant pas si lointain, mais qui semble être à des années-« rétro »-lumières pour ceux ayant goûté aux interfaces graphiques évoluées et aux contrôles par la souris.

Quels facteurs peuvent expliquer cette situation ? Coûts de remplacement élevés ? Budgets d’adaptation limités ? Priorités autres ? Comportement réfractaire des utilisateurs au long cours ? D’un côté, les promoteurs de l’évolution technologique clameront qu’il est grand temps de passer aux « temps modernes ». De l’autre, les protagonistes du statu quo diront que l’interface, bien que rustique, fait très bien l’affaire, et ce, depuis longtemps. Et entre les deux, on retrouve des utilisateurs technophiles qui n’ont pas l’expérience ou l’influence nécessaires pour inciter au changement, tout comme des utilisateurs technophobes qui, s’ils avaient le choix, fuiraient les systèmes informatiques comme la peste.

Pourtant, il existe une alternative mitoyenne qui permettrait d’offrir aux utilisateurs le meilleur des deux mondes. Il pourrait être relativement facile de créer une interface qui, comme la coquille d’un mollusque enferme une perle, serait ajoutée par-dessus l’interface client originale. Également, l’implantation d’une couche intergicielle de type Web pourrait permettre d’avoir recours à un fureteur pour entrer ou consulter les données contenues dans un système. L’une ou l’autre des approches pourrait être rapidement concrétisée et ainsi permettre à une application encore efficace d’obtenir un rehaussement du visage qui refléterait les tendances actuelles en termes d’interaction avec les ordinateurs.

Mais que faire des complaintes des utilisateurs d’héritage ? Et pourquoi pas leur donner le choix, lors de l’entrée de l’identifiant et du mot de passe (qui est, n’est-ce pas, requis et utilisé pour tous les systèmes existants), de choisir entre l’interface « classique » et l’interface « évoluée », tout comme les utilisateurs de Windows peuvent ouvrir une session en mode DOS vingt ans après l’apparition de la première interface graphique pour les PC ?

Malheureusement, l’adaptation des interfaces utilisateur ne semble pas être une priorité pour plusieurs organisations. Alors, que faire de la main-d’oeuvre qui est née et qui a grandi avec la suce aux lèvres et la souris à la main ? Que doit-on dire aux garçons et aux filles qui, au domicile comme à l’école, ont été familiarisés aux interfaces de deuxième génération ? Il faut espérer que ces systèmes soient encore performants, sinon certains travailleurs pourraient choisir d’aller mettre leurs compétences transversales au profit d’une autre organisation qui leur offrira des outils « de leur temps ».

Un jour, on ne sait quand, une personne fermera pour de bon le dernier des ordinateurs dotés d’une interface orientée texte encore exploité sur cette planète. Mais d’ici là, plusieurs employés devront prendre leur mal en patience… Entre-temps, ces employés pourraient se consoler en se disant qu’il y a sûrement une autre organisation où sévit une pareille situation.

Et pourquoi pas, question de s’amuser, tenter de deviner quelle est la plus vieille interface utilisateur des systèmes informatiques au Québec ? SVP, transmettre vos pedigrees de systèmes et vos relevés au carbone 14 à l’adresse habituelle

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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