Ingénieur en génie-logiciel : le débat reprend

Le fantôme de l’accréditation à l’Ordre des ingénieurs du Québec vient une fois de plus hanter l’industrie du logiciel, dont les artisans ne pourraient plus se dire impunément « ingénieurs en logiciel ».

L’Office des professions du Québec (OPQ) a mis sur pied un groupe de travail dont le mandat sera de faire des recommandations sur la modification de la Loi sur les ingénieurs. La loi ayant plus de 40 ans, l’OPQ croit qu’il est temps de la réviser et de la moderniser pour refléter les nouveaux champs d’expertise des ingénieurs et ainsi clarifier leur rôle et leurs responsabilités actuels.

Pour se faire, le groupe de travail consultera plusieurs organisations, dont l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) qui appuie la démarche entreprise par l’OPQ, afin de l’éclairer. Selon nos sources, les recommandations du groupe de travail porteront sur divers champs d’activités qui sont apparus depuis 40 ans, tels que le génie génétique et le génie biomédical, mais aussi le génie logiciel.

On se rappellera qu’en 1999, le Conseil canadien des ingénieurs a adopté une politique sur les technologies nouvelles, afin de réglementer de nouveaux secteurs, dont celui du génie logiciel. À la suite des réactions défavorables de divers organismes canadiens, le gouvernement a suspendu les procédures. Le moratoire ayant pris fin, l’OPQ a décidé de relancer le dossier.

Le Réseau inter logiq, qui représente les intérêts de 300 entreprises en technologies de l’information du Québec, craint que les travaux de l’OPQ n’aient pour effet de restreindre l’exercice du génie logiciel aux seuls membres de l’OIQ, c’est-à-dire aux diplômés des écoles de génie. On entend par génie logiciel, la conception, la création et la modification de logiciels. Le génie logiciel faisant partie du domaine de l’informatique depuis 1968, cette activité peut aujourd’hui être exercée par des informaticiens ayant complété un baccalauréat en génie logiciel, pas seulement par des ingénieurs, d’où la confusion.

Le Réseau inter logiq affirme que si les recommandations du groupe de travail sont acceptées par le gouvernement du Québec et que la loi est modifiée conformément à ses recommandations, les informaticiens exerçants des activités de génie logiciel seront contraints de retourner sur les bancs d’école pour obtenir le titre d’ingénieur et faire partie de l’OIQ pour continuer d’exercer leur fonction. On parle d’une année d’étude universitaire, correspondant aux cours du tronc commun du programme de formation des ingénieurs.

Coûts additionnels

À leur retour, ces ingénieurs généreront une charge additionnelle pour leur employeur, puisque leur salaire devra être majoré conformément aux directives de l’OIQ, estime le Réseau inter logiq. Les entreprises ne disposant pas d’ingénieurs à l’interne devront, quant à elles, obtenir l’approbation d’un ingénieur externe, d’où, encore une fois, des coûts additionnels.

Les informaticiens qui refuseront de faire cette formation additionnelle seront, eux, contraints de se réorienter vers d’autres fonctions en TI ne nécessitant pas l’accréditation de l’OIQ, engendrant ainsi un effet de pénurie, argument partagé par la Fédération de l’informatique du Québec et l’Association canadienne des technologies de l’information.

En outre, le Réseau inter logiq ne croit pas qu’une telle modification de la Loi sur les ingénieurs contribuerait à protéger davantage les intérêts du public, qui est le but avoué de l’exercice. « Il est de notre avis que la pratique du ‘génie logiciel’, telle qu’elle existe depuis 1968, est offerte dans un contexte qui protège déjà de façon très efficace les intérêts du public, affirme Richard Broissoit, président du conseil d’administration du Réseau inter logiq et président d’Accovia, une firme spécialisée dans les systèmes de gestion pour l’industrie du voyage. Cette pratique est actuellement encadrée par de multiples certifications informatiques et elle est déjà offerte dans un contexte des plus professionnels. »

En conséquence, le Réseau inter logiq veut le statu quo dans ce dossier et que l’exigence du titre d’ingénieur soit laissée à la discrétion de l’employeur et, évidemment, désire être consulté par le groupe de travail de l’OPQ.

Bien qu’il ne soit pas d’avis que les activités de conception et de modification de logiciels devraient être restreintes aux seuls ingénieurs, l’OIQ croit, en revanche, que le titre d’ingénieur en logiciel ne devrait pas être utilisé à tort et à travers, mais seulement par ses membres.

Il y avait au Canada, en 2003, selon les données du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 60 000 informaticiens qui pratiquaient des activités de génie logiciel sans être membre d’un ordre d’ingénieurs et 2 000 ingénieurs en génie logiciel, membres d’un tel ordre.

Le dépôt des recommandations du groupe de travail de l’OPQ est prévu pour l’automne 2006.

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