Faire sien le logiciel libre

DROIT ET TI La question de la propriété d’un logiciel dépasse le concept de son droit de propriété au sens juridique strict. L’appropriation nécessite une perspective à long terme.

Il y a de ces occasions où l’on peut voir plus loin. Plus loin que là où l’on regarde habituellement. C’était en février 2006. À l’activité que le CRIM nomme « La Boule de cristal ».

Un scientifique du ministère de la Défense est venu expliquer comment son ministère et, en fait, plusieurs ministères du Gouvernement du Canada, ont intégré certains logiciels libres à leurs processus d’affaires.

Il a parlé de qualité des produits. Il a dit que plusieurs logiciels libres étaient d’excellente qualité. Il a parlé de budget : les logiciels libres sont gratuits!

Et il a dit que des membres du personnel technique de son ministère ainsi que de la division où il travaille à l’intérieur du ministère en question s’étaient familiarisés avec le logiciel et l’avaient analysé en profondeur avant de décider de l’utilisation du logiciel en question. Ces membres du personnel travaillaient ensuite, avec d’autres développeurs de logiciels libres, en ligne, sur le développement et la mise à jour des logiciels choisis.

Voilà la clé.

Le contrat de support

Qu’est-ce qu’un contrat de support? Vous savez déjà que le contrat de support est une entente par laquelle un fournisseur offre, notamment, des services :

a) de soutien téléphonique au client-utilisateur qui éprouve des difficultés à comprendre comment se servir d’un produit logiciel;

b) de mise à jour de ce produit logiciel;

c) de correction d’erreurs qui pourraient être incluses au produit-logiciel.

Vu autrement, un contrat de support permet d’engager à temps partiel les services de quelqu’un qui connaît le produit logiciel à fond. En fait, on espère en signant une telle entente que cet expert sera présent à peu près exactement au moment où on aura besoin de lui.

On pourra ainsi compter sur les services de quelqu’un qui s’est approprié le logiciel. Pas dans le sens juridique, car cette personne n’en est habituellement pas propriétaire, mais plutôt dans le sens de le connaître tout comme son auteur le connaîtrait.

À partir du moment où l’on peut compter sur ces services, l’on peut davantage compter sur le produit logiciel en question. Cette application peut devenir un élément technique important à l’intérieur de l’organisation, voire même une application d’une importance critique (ce que les adeptes de Shakespeare nomment « mission critical »).

Il ne s’agit pas de propriété

Le support, le service d’une personne qui maîtrise un logiciel, n’est-il pas un enjeu des plus importants lors du choix d’un logiciel?

Dans l’historique de la production de logiciel au Québec, l’une des objections les mieux connues dans le cadre d’un processus de vente est le bien connu : « mais où allez-vous être dans trois ans si j’ai besoin de vous? ».

C’est pour des raisons similaires que l’utilisation de bon nombre de logiciels libres est souvent restreinte aux fins personnelles, ou encore aux fins de certaines organisations, souvent petites, et comportant un fort pourcentage de personnel technique.

Même une organisation de taille moyenne qui veut réduire ses coûts hésitera à utiliser un logiciel libre qui, rappelons-le, est un logiciel gratuit, jugeant qu’il sera moins cher, en bout de piste, de payer pour un logiciel offert par une organisation qui pourra offrir le service d’une personne qui le maîtrise techniquement.

Le ministère dont nous avons traité plus tôt a déployé des ressources pour analyser et prendre une connaissance approfondie du logiciel. Il a au fond formé une ressource à l’interne dans le but de s’approprier (tou-jours au sens technique et non au sens juridique) le logiciel. Il se retrouve alors encore plus indépendant que l’organisation qui a signé un contrat de support pour un logiciel commercial. Il faut évidemment que les connaissances touchant les logiciels libres ne soient pas l’affaire d’un seul individu qui pourrait quitter son emploi sans les transmettre…

Matière à réflexion

La décision, ou le simple le fait de considérer sérieusement l’utilisation des logiciels libres à l’intérieur d’une entreprise, ne se fait pas en 10 minutes en allant chercher un café. Comme dans le cadre d’autres décisions stratégiques, une période de réflexion est nécessaire, que la réponse subséquente soit positive ou négative, notamment pour être en mesure de justifier cette décision.

Et il faudra tout d’abord se rendre disponible, physiquement et surtout mentalement, pour ne pas juger de telles idées de façon prématurée, lorsque l’on entend leur description pour la première fois.

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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