En faire plus avec moins, pour en faire plus

La virtualisation permet d’optimiser grandement des ressources informatiques, mais l’adaptation requiert certaines précautions. Vidéotron Service Affaires, un utilisateur de longue date explique le potentiel, les avantages et les enjeux qui découlent de cette abstraction technologique.

Vidéotron Services Affaires, auparavant nommée Vidéotron Télécom, est la division de Vidéotron qui offre des services de télécommunications à des entreprises, à des fournisseurs d’accès Internet, à de fournisseurs de services applicatifs et à des gouvernements. La virtualisation y est utilisée depuis 2000 pour optimiser l’exploitation de certains serveurs.

En 2004, la division commerciale de Vidéotron a utilisé cette technologie pour migrer 171 serveurs d’un client de Chicago vers Montréal. Quelque 128 serveurs de production et 43 serveurs de test et de développement ont été virtualisés et transférés vers un nombre réduit de serveurs physiques (28 serveurs lames pour les serveurs de production). Le projet a été réalisé en sept semaines, soit 87 % plus rapidement qu’à l’habitude.

Selon une étude de cas produite par le fournisseur Vmware en 2005, la virtualisation a permis à Vidéotron de réduire de 70 % ses coûts d’espace, de matériel, de licence et de services, mais aussi de consolider des serveurs à un ratio de 4,5 pour 1, d’améliorer de 50 % la disponibilité des applications et d’améliorer l’utilisation des microprocesseurs de 78 %.

Rapidité et flexibilité

Luc Duchesne, le directeur des technologies chez Vidéotron Services Affaires, explique que l’entreprise fait l’objet d’une croissance rapide, ce qui se traduit par un espace plancher réduit dans les salles de serveurs. Pour l’exploitation d’applications de facturation des clients, l’entreprise emploie environ 400 serveurs virtuels qui fonctionnent sur une douzaine de serveurs lames et une vingtaine de serveurs dédiés. Les avantages que procure la virtualisation sont diversifiés.

« La virtualisation nous permet de répondre à une demande de croissance rapide, mais aussi de gérer notre capacité résiduelle [sur nos serveurs]. Si on a une demande qu’il faut exécuter rapidement, au lieu de faire des acquisitions, on crée un serveur virtuel et on répond au besoin en une journée », explique-t-il.

« On peut aussi équilibrer les charges dans les deux sites de production et de développement que nous exploitons. Nous sommes à mettre en place un site de redondance, et au lieu de refaire des installations physiques au complet, nous pourrons procéder à des déplacements à l’aide de [l’outil de migration en continuité] VMotion de Vmware pour aller d’un site à l’autre. On gagne beaucoup en rapidité et en flexibilité », ajoute-t-il.

Multiples possibilités

M. Duchesne précise que le potentiel de la virtualisation dans l’entreprise ne se limite pas aux serveurs d’applications. « On peut l’appliquer sur les réseaux, au niveau des pare-feu et des réseaux fédérateurs, par la création de réseaux locaux virtuels qui servent à la propagation [des éléments virtualisés]. On utilise aussi la virtualisation sur des ordinateurs à technologies UNIX, pour regrouper plusieurs machines sur une seule machine physique. »

« Un de nos gros projets, alors que nous avons beaucoup d’employés et de standards, est de virtualiser les postes de travail. Une personne, nonobstant le type de matériel qui se trouve sur son bureau ou à la maison, aurait recours au même poste virtuel. C’est une grosse infrastructure à mettre en place, mais qui donnera beaucoup d’avantages, que ce soit pour faciliter le télétravail ou pour utiliser les mêmes standards avec nos impartiteurs.

« Nos partenaires d’exploitation de centres d’appels n’ont pas les mêmes technologies ou les mêmes standards que nous, et il nous faut investir beaucoup de temps [à résoudre des problèmes de compatibilité]. Éventuellement, on pourra recourir à une image virtuelle sans qu’il y ait d’incidence », précise-t-il.

Patience et prudence

Invité à formuler des recommandations à l’intention des organisations qui sont intéressées à recourir à la virtualisation, M. Duchesne déclare qu’il ne faut pas « y aller sur un coup de tête ». La définition d’un plan directeur est importante, tout comme l’établissement d’une vision à moyen et à long terme. Surtout, la compatibilité et le soutien des composantes utilisées revêtent une grande importance.

« Au niveau des technologies, on a l’habitude que ça aille très vite. On agit souvent avec ce qui s’en vient de mieux, mais ce qui est [nouveau] n’est pas nécessairement applicable à la virtualisation. Il faut être un peu patient, car la patience apporte des bénéfices », explique-t-il.

« Si on change de versions [de logiciels], il faut s’assurer qu’elles soient soutenues [par le fournisseur] en cas de virtualisation. On voit de moins en moins cette situation, mais il est arrivé qu’un fournisseur d’une application de centre d’appels, qui fonctionne avec un commutateur téléphonique, nous dise carrément ‘si vous utilisez [la virtualisation], vous ne serez pas supportés’. Ces fournisseurs, qui ont un travail d’adaptation de leurs produits à faire, ont à décider s’ils doivent y investir ou non, ce qui a un impact [dans notre entreprise]. »

Il met en garde contre des problèmes de stabilité ou de non-fonctionnement de certaines fonctions, que des essais en laboratoires permettront de déceler. « Les entreprises établissent des laboratoires avec des équipements désuets ou qui n’ont plus la capacité nécessaire pour être en production. Quand on fait de la virtualisation, on utilise le même environnement qu’en production. Cela permet de réduire énormément les problèmes et les risques d’erreur », souligne-t-il.

D’ailleurs, M. Duchesne précise que la virtualisation n’est pas adéquate pour toutes les situations. Si les applications courantes, comme celles utilisées pour la bureautique, ne causent pas de problèmes, la situation est différente pour les serveurs de bases de données, qui font une utilisation intense de requêtes et de mémoire vive.

S’il convient que la stabilité et la robustesse des réseaux informatiques prennent davantage d’importance dans le contexte de la virtualisation, M. Duchesne indique que les données sont un peu faussées dans le cas de Vidéotron. « Dans toute autre entreprise, on pourra avoir des difficultés à prioriser le trafic ou concentrer les paquets, mais je n’ai pas ce problème », dit-il évoquant la capacité de l’infrastructure du fournisseur de services de réseautique.

Rien ne se perd…

La virtualisation procure des avantages visibles au niveau de l’exploitation des serveurs. Mais du côté des utilisateurs finaux, les effets sont invisibles, ce qui constitue une bonne chose.

« Mais au niveau du client, l’utilisation de la virtualisation est transparente. Nous sommes capables d’obtenir une stabilité si l’infrastructure matérielle est récente et si on a les bonnes versions des logiciels requis. C’est à nous de nous assurer que l’infrastructure où l’on exploite est à jour », remarque M. Duchesne.

Quant aux économies de consommation de l’énergie qui sert à alimenter les équipements et à climatiser les salles, M. Duchesne ne peut fournir de précisions puisque c’est du ressort du département d’ingénierie de l’entreprise. Toutefois, le directeur des technologies affirme que les ingénieurs doivent adapter les infrastructures en fonction de la virtualisation.

« Si on ne faisait pas d’installations pendant trois ou quatre mois, on pourrait voir des variations de consommation. Mais nous sommes toujours en période d’installation… Le département d’ingénierie dit toujours ‘arrêtez d’en installer!’ Parce qu’on a beau installer des boîtiers de serveurs lames et utiliser la virtualisation, il n’en reste pas moins que les salles informatiques se remplissent… »

« On concentre beaucoup plus de matériel, ce qui amène de très gros défis au niveau de l’infrastructure mécanique des salles de serveurs. C’est plus compliqué qu’il y a trois ou quatre ans, car l’équipement est très dense et très demandant. La disponibilité du matériel devient plus importante, comme d’avoir une salle qui répond aux besoins et qui peut prendre de l’expansion. »

« Si vous avez une capacité d’infrastructure mécanique qui est disponible, ne vous inquiétez pas, elle sera bouffée dans un délai très réduit… », ajoute-t-il en riant.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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