Dossier R-D et brevets : Trois questions, trois visions

Des responsables des technologies, des dirigeants d’entreprises de l’industrie des TIC
et des observateurs répondent à trois questions liées à notre dossier sur la recherche et le développement.

Patrick d’Astous
Président
d’Astous Groupe Conseil
Jean-Louis Legault
Président directeur général
ADRIQ
Montréal
François Meunier
Professeur, Département de mathématiques et d’informatique
Université du Québec à Trois-Rivières

1 – Comment se porte la scène de la R-D en TIC au Québec?

Patrick d’Astous : Dans le cas d’entreprises établies, la R-D permet de maintenir un avantage concurrentiel. Pour les entreprises en démarrage, la R-D vise à mettre en marché des technologies plus simples, moins chères et plus fiables que les technologies établies, afin de changer les règles du jeu dans les marchés ciblés. Au Québec, l’aide gouvernementale permet de réduire les risques liés à l’innovation.

Ces efforts culminent rarement par l’obtention de brevets. On met plutôt l’emphase sur un positionnement de marché rapide parce que la commercialisation efficace d’une innovation est le nerf de la guerre.

Jean-Louis Legault : Au niveau des PME, l’obtention d’un financement stable pour la R-D est encore difficile et pénible. Aussi, le recrutement de personnel qualifié continue de préoccuper ces organisations qui ont de la difficulté à pourvoir des postes.

Les grandes entreprises semblent avoir une stabilité des ressources humaines et ne pas avoir de problème de financement. Elles conviennent que le Québec est bien situé au niveau des incitatifs – les crédits d’impôt et les programmes ciblés – pour aider les entreprises à s’établir ici et à demeurer compétitives en faisant de la R-D.

François Meunier : Sur les sommets du triangle Montréal-Québec-Sherbrooke, la R-D se porte assez bien. On y trouve plusieurs créneaux très prospères, beaucoup d’entreprises et de bons appuis de la part des universités. La masse critique y est importante. Hors de ces pôles, c’est peu développé en région, vu l’importance, la grosseur et les pôles directeurs des universités. Le pôle des TI y est un peu moins important que dans les grands axes, mais on y retrouve néanmoins de bonnes expériences en R-D.


2 – Quelle étape est sous-estimée dans le processus de R-D?

Patrick d’Astous : La phase d’exploration et de validation des concepts est souvent sous-estimée. Cette étape peut faire toute la différence sur le potentiel de succès commercial du projet. Il faut tester rapidement notre concept et culminer à une solution innovante en allant chercher les commentaires des utilisateurs. Les méthodes agiles permettent de rapidement arriver à des prototypes ou des maquettes.
Pourtant, cette étape est souvent escamotée.

Est-ce parce qu’elle requiert de l’intuition et de l’humilité pour remodeler les concepts initiaux selon les informations obtenues? Ou est-ce parce qu’elle peut obliger à décider de mettre fin au projet et passer à autre chose?

Jean-Louis Legault : La PME innovante a de la difficulté à trouver un premier client sérieux pour confirmer qu’un produit est valable. Elle est démunie quand vient le temps de tester les premières versions potables d’un produit, alors que la grande entreprise le fait à même ses organisations et écosystèmes en interne.

La grande entreprise, malgré sa taille, sous-estime l’aspect de la commercialisation. Les choses avançant vite de nos jours, il faut bien concevoir le plan de commercialisation afin de voir le rendement de l’investissement au niveau de la R-D. En parallèle, on sous-estime les ententes de propriété intellectuelle qui seront nécessaires à l’effort commercial à grande échelle.

François Meunier : Les entreprises ont une idée et imaginent la vente du produit fini, mais l’étape intermédiaire de la recherche peut être un long processus. Alors qu’en production on fonctionne avec des échéanciers précis, en R-D on peut rencontrer des délais et avancer en étapes plus ou moins rapides. On peut ne pas obtenir les résultats escomptés lorsqu’on expérimente une idée, ce qui oblige à trouver une avenue de recherche différente.

D’autre part, en recherche on utilise le prototypage ou la preuve de concept, mais le développement de cet élément vers l’étape de la commercialisation peut être long, ce qui est parfois sous-estimé. Un produit doit être éprouvé et passer une série de tests afin d’éviter qu’il revienne à tout bout de champ parce qu’il a été mal développé.


3 – Quels sont les avantages du développement coopératif? 

Patrick d’Astous : La force d’une telle collaboration réside dans l’amalgame de la connaissance des besoins et réalités du marché cible, qui est apportée par l’entreprise privée et des connaissances théoriques et appliquées, qui sont apportées par l’organisme de recherche.

Lorsque les chercheurs universitaires ont le désir de circonscrire la portée de leur collaboration aux besoins de l’entreprise privée et d’appliquer leurs connaissances théoriques à résoudre les problématiques rencontrées, les résultats sont bénéfiques aux deux parties. Il y a cependant un risque de dérapage lorsqu’on tente de faire d’un projet d’entreprise un projet de recherche universitaire, car les échéanciers des deux parties coïncident rarement.

Jean-Louis Legault : Ce genre d’effort est bénéfique pour la PME qui n’a pas des chercheurs de renom qui peuvent donner un avantage technologique au produit. Cela lui donne la capacité d’aller sur un terrain où la valeur des chercheurs procure un avantage concurrentiel. Le succès de l’opération reposera sur sa concentration dans son corps de métier et sur son leadership au niveau du partenariat.
Pour la grande entreprise, le mode de l’innovation ouverte permet un partage d’idées nouvelles qui proviennent de l’extérieur, mais aussi de réduire les coûts par une mise en commun de la R-D.

François Meunier : Cela permet aux entreprises d’accéder à une source de connaissances très fertile à moindre coût. Pour les universités, cela permet d’accéder à de nouvelles sources de financement, alors que les programmes gouvernementaux se tarissent. Aussi, cela leur permet de participer au développement de projets novateurs qui ont un impact sociétal. C’est valorisant pour les chercheurs et les étudiants gradués d’œuvrer au niveau de dynamiques de société qui sont plus actuelles et utiles.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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