Commerce électronique et envois postaux : Postes Canada abandonne une hausse tarifaire controversée

La société de la Couronne n’applique pas la hausse tarifaire de 100 % et le test de la « flexibilité » qui était prévus pour les articles de poste-lettre surdimensionnés irréguliers. Ce changement aurait affecté certains types d’expéditions de commandes d’achats en ligne.

Depuis le lundi 12 janvier 2009, plusieurs des tarifs applicables par Postes Canada pour l’expédition d’articles ont été majorés, dont celui de l’envoi d’une lettre normale, alors que le prix du timbre passe de 52 cents à 54 cents. Or, l’entité responsable de la gestion de la poste au Canada a décidé de ne pas appliquer une nouvelle structure tarifaire pour certaines lettres qu’elle aimerait traiter au même titre que des colis.

Postes Canada s’apprêtait à créer une nouvelle catégorie d’article, soit les « articles postes-lettres surdimensionnés irréguliers » qui aurait inclus les articles (principalement des enveloppes) qui sont « épais et rigides » ou « épais avec des bords semblables à ceux d’une boîte » dont l’épaisseur aurait été entre 10 mm et 20 mm. Cette hausse aurait notamment affecté l’expédition de disques envoyés dans des étuis à CD ou à DVD ainsi que les livres à reliure rigide.

L’information relative à la nouvelle catégorie a été retirée du site de Postes Canada, mais la page conservée dans la mémoire cache des serveurs de Google démontre que les tarifs applicables à ces articles irréguliers seraient passés du simple au double en comparaison avec les tarifs applicables aux postes-lettres surdimensionnées courantes.

Les tarifs applicables à la nouvelle catégorie auraient été de 2,36 $ pour une enveloppe de moins de 100 grammes, 3,92 $ pour une enveloppe pesant entre 100 et 200 grammes et 5,50 $ pour une enveloppe pesant entre 200 et 500 grammes.

Ces augmentations de tarif auraient eu un impact sur les ventes en ligne réalisées par les consommateurs, notamment par le biais de sites d’enchères comme eBay.ca, mais aussi ceux de petits commerçants et d’entrepreneurs qui ne génèrent pas un volume assez important pour se qualifier pour un tarif préférentiel auprès de Postes Canada.

Coûts croissants

Postes Canada, lors de l’annonce initiale des nouveaux tarifs, avait justifié cette modification en raison de l’impact des enveloppes surdimensionnées sur le processus de traitement mécanique des lettres.

« Cette catégorie a été créée pour tenir compte des problèmes de traitement que posent ces articles encombrants : ils arrêtent ou obstruent souvent les machines et doivent donc être traités dans le flot de traitement des colis, ce qui coûte plus cher, plutôt qu’avec les lettres ou le courrier traité à la main », indiquait Postes Canada en juin 2008. La société annonçait du même souffle qu’elle comptait entamer une période de transition de trois ans pour appliquer le tarif des colis aux articles qui ne peuvent être traités comme des lettres.

« La montée fulgurante des prix du carburant, en plus de la hausse des coûts de la main-d’oeuvre et de livraison, font en sorte que les marges de profit sont infimes pour Postes Canada – des marges qui risquent d’être négatives », avait indiqué Moya Greene, la présidente-directrice générale de Postes Canada, lors de l’annonce du projet de hausse tarifaire.

Postes Canada avait fait état des augmentations des prix du carburant et de l’énergie et de l’exploitation d’un parc de plus de 12 000 véhicules. Elle avait évoqué l’ajout de 200 000 adresses supplémentaires, mais aussi la baisse de la moyenne de courrier reçu par chaque ménage, alors que les coûts de la livraison par le facteur restaient identiques « quel que soit le nombre d’articles de courrier livrés. »

Test de flexibilité

De plus, Postes Canada comptait appliquer la réalisation d’un test de flexibilité pour établir si un article surdimensionné était régulier ou irrégulier. La procédure, qui aurait été réalisée à l’aide d’outils dans les bureaux de poste, avait fait l’objet d’une description de procédure afin que les expéditeurs vérifient la conformité d’un article.

Postes Canada avait même produit un gabarit, sous la forme d’un fichier en format PDF, à l’aide duquel l’expéditeur aurait dû s’assurer que l’article, dans le sens de la largeur, touche entièrement à une courbe afin qu’il ne soit pas classifié dans la nouvelle catégorie.

Sur le site de Ebay Canada, le 26 juin 2008, les administrateurs avaient publié une lettre de Postes Canada traitant du projet de changement tarifaire. La lettre signée par Mike Badour, le directeur général au développement et gestion des produits pour le courrier transactionnel, expliquait les changements apportés aux catégories et aux tarifs. On y reconnaissait que ces changements auraient eu un impact dans les cas d’expédition, notamment, de disques envoyés dans des étuis à CD, à DVD ou à disque Blu-ray ordinaires, de livres à reliure rigide et de cartes de collection envoyées dans des enveloppes de plastique protectrices.

Réactions mixtes

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, vouée à la représentation des entreprises, avait fait parvenir en novembre 2008 une lettre à John Baird, le ministre des Transports de l’Infrastructure et des Collectivités au gouvernement fédéral, pour commenter les augmentations tarifaires prévues par Postes Canada.

L’association avait alors affirmé que la nouvelle tarification allait « [alourdir] considérablement les coûts imposés aux entreprises canadiennes qui expédient leurs produits, les forçant à répercuter cette différence de prix sur les consommateurs qui paient déjà beaucoup, soit entailler d’autant plus leurs résultats ». La FCEI avait également déploré la perception de Postes Canada à propos des impacts de ces changements tarifaires.

« Dire que ces modifications n’auront pas d’incidence sur la compétitivité – alors que nombre de PME basées sur Internet expédient leurs produits à leurs clients américains par le biais de Postes Canada ou livrent concurrence localement aux importations américaines – exprime un manque total de compréhension quant à la place que les coûts d’expédition tiennent au sein de la plupart des PME », avait alors exprimé Corinne Pohlmann, vice-présidente des affaires nationale à la FCEI.

« Ce qu’ils appellent des enveloppes rigides sont surtout utilisées pour les envois d’achats en ligne, Il n’y a aucun doute que lorsque les frais d’envoi doublent subitement, cela a un impact sur les affaires », a souligné Mme Pohlmann, en réaction à l’abandon du projet de Postes Canada.

« Nous avions combattu ce projet depuis novembre 2008, lorsqu’il en a été fait mention dans la Gazette du Canada, car on n’illustrait pas exactement l’ampleur de l’impact. Si on est une entreprise Internet, on est déjà frappé par les conditions économiques actuelles et par la compétition des États-Unis », a-t-elle ajouté, en précisant que la FCEI contestait l’augmentation des coûts que dit subir Postes Canada.

Michelle Blanc, analyste et consultante en marketing Internet, estime pour sa part que l’augmentation des tarifs pour les enveloppes surdimensionnées n’aurait pas eu un impact si important sur le commerce électronique en général.

« On y achète beaucoup de voyages en ligne, pour lesquels on n’a pas nécessairement à recevoir des colis par la poste, relativise-t-elle. Cela dépend de ce qu’on achèterait en ligne. Évidemment, les coûts d’envoi sont reliés surtout à ce qui est acheté en ligne. Pour la vente de bijoux ou d’électronique, si on compare avec la proportion du coût [du produit], la proportion du coût d’envoi est assez minime. Cela aurait peut-être eu un impact pour les livres, qui est une catégorie beaucoup plus vendue en ligne et donc le ratio du prix et du poids n’est pas très favorable. »

Dans Internet, l’annonce des changements tarifaires en juin 2008 avait suscité une réaction auprès des utilisateurs du site d’enchère Ebay Canada et du site Cheap A** Gamer, qui est consacré à l’achat et la vente de jeux vidéo en ligne. La nouvelle avait été aussi mentionnée sur Power Sellers Unite, un site consacré sur vendeurs en ligne.

Toutefois, si on retrouve dans la version anglaise d’Ebay Canada, en date du 5 janvier, un mémo avisant les internautes que la hausse tarifaire ne serait pas appliquée, aucune annonce formelle de l’abandon du nouveau tarif n’est affichée dans la section médias de Postes Canada – qui ne contient aucun communiqué pour l’année 2009.

Dans un fil de presse commercial qu’utilise la société de la Couronne, seul un communiqué publié le dimanche 11 janvier « pour dissiper tout malentendu » confirme l’abandon du projet, en réaction à la mention de l’augmentation des tarifs dans les médias au cours de derniers jours.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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