Centres de données – Trois questions, Trois visions

Des responsables des technologies au sein d’organisations, des dirigeants d’entreprises de l’industrie des TIC et des observateurs répondent à trois questions liées à la thématique de notre dossier.

Bernard Lépine Président Oricom Internet Québec Marc Parizeau Professeur de génie informatique, Scientifique responsable Calcul Québec Yvan Lefebvre Directeur des technologies de l’information Gaz Métro Plus/Kolotek Boucherville

Quel avantage majeur procure l’efficacité accrue du matériel des centres de données des dernières années?

Bernard Lépine : Il y a eu des gains d’efficacité dans les serveurs avec l’augmentation de la puissance et la multiplication des cœurs des processeurs. Les serveurs sont beaucoup plus minces et rapides, ce qui favorise le déploiement de la virtualisation. Les serveurs d’aujourd’hui sont beaucoup plus exploités qu’il y a cinq ou dix ans, alors qu’on avait une application par machine.

Il y a eu un rehaussement de la fiabilité et de la continuité des affaires, avec une efficacité améliorée des équipements de connexion en réseau et d’accès à Internet. Il y a eu une optimisation et une maturité des principes de la redondance et des commutateurs et des routeurs, l’apparition de protocoles de routage plus évolués, une efficacité accrue des équipements de balance des charges, etc.

Marc Parizeau : L’avantage se trouve au niveau de la réduction des coûts d’exploitation. Pour une quantité fixe de calcul, cela nous coûte moins cher parce qu’il y a moins de perte d’énergie et moins de chaleur produite. Si on utilise les équipements à plein régime, on peut faire plus de calcul pour la même consommation énergétique.

Il y a eu beaucoup de développement au niveau des blocs d’alimentation des serveurs, mais aussi au niveau des processeurs dont les fabricants se sont préoccupés du nombre d’instructions par watt. Les gains ont été majeurs au niveau des salles, qui ont maintenant des indicateurs d’efficience énergétique réduits.

Yvan Lefebvre : Tout ce qui a trait à la haute densité du matériel informatique est pratique, car on réduit le nombre de pieds carrés nécessaires. Mais il y a tellement eu d’augmentation au niveau de la puissance de traitement et du stockage que les effets secondaires sont une plus grande consommation d’énergie et un plus grand dégagement de chaleur. Il ne faut pas perdre une unité de climatisation…

Au niveau de la gestion de l’enveloppe du centre de données, le refroidissement de précision est avancé : en hiver, je peux me servir de l’air extérieur pour le refroidissement.


Quand faut-il envisager l’exploitation d’un centre de données additionnel (au lieu de l’expansion)?

Bernard Lépine : Un nouveau centre de données devient incontournable lorsqu’on fait l’analyse de la “matière première”, soit l’électricité, le refroidissement, l’environnement et le branchement au réseau. A-t-on de la diversité et de la fiabilité? Ne pas mettre ses œufs dans le même panier s’applique également en informatique. Lorsqu’on fait la construction d’un centre de données additionnel, on en profite pour 
le faire dans une autre ville ou un autre secteur. 
Cela permet de recevoir de l’électricité sur une artère différente, préférablement en provenance d’un autre centre de distribution. On profite aussi d’un environnement différent au point de vue du climat et des catastrophes naturelles et d’une diversité des routes vers les réseaux privés ou vers Internet, ce qui contribue à la robustesse et à la continuité des affaires.

Marc Parizeau : Quand on veut accroître l’efficacité d’une salle existante, il y a plein de petites choses qu’on peut faire et qui ne coûtent pas très cher. Plusieurs documents qu’on trouve sur Internet en font la description. Mais une fois que ces choses sont faites, on frappe un mur. Pour être encore plus efficace ou ajouter de la capacité, les investissements seraient majeurs.

Aussi, la façon dont les salles ont été conçues dans le passé fait qu’il est impossible de les rendre concurrentielles avec les nouvelles salles. Il vaut mieux alors recommencer à zéro. Il faut estimer le coût total de possession et le retour sur investissement.

Yvan Lefebvre : Pour bénéficier des nouvelles technologies, il est toujours intéressant de recommencer à neuf avec un nouveau centre. Cela permet d’être plus efficient avec les nouvelles technologies, en termes d’économies, de redondance, d’exploitation, etc. D’autre part, on est dû pour aller à l’extérieur quand on a un besoin d’une redondance. Au lieu d’avoir un seul centre, j’aimerais beaucoup mieux en avoir un deuxième pour assurer une relève. Également, lorsque ça dépasse notre cœur de métier, on devrait aller vers l’hébergement en externe, pour éviter de maintenir une expertise dans ce domaine qui coûte cher.


Les disques durs électroniques ont-ils leur place dans un centre de données?

Bernard Lépine : Bien sûr. Les disques durs électroniques sont reconnus pour leur rapidité d’accès en lecture et écriture. Ils chauffent moins et n’ont pas de pièces mécaniques. Lorsqu’on parle des problèmes de chaleur et de consommation électrique dans les centres de données, c’est certain que les disques électroniques y sont les bienvenus. Mais sont-ils très fiables? C’est là où il reste un bout de chemin à faire.

Avec les disques durs traditionnels, près de 60 % des défectuosités sont dues à la mécanique, et 40 % des pannes aux composantes électroniques, ce dont les disques électroniques sont munis. Le marché étant en pleine émergence, au fil des ans il sera sûrement possible de voir les manufacturiers améliorer l’électronique dans l’ensemble, mais pour le moment ce n’est pas encore la “merveille”.

Marc Parizeau : Les disques durs électroniques remplaceront sûrement les disques durs mécaniques, mais ce ne sera pas les modèles qu’on connaît actuellement. Pour faire une transition, il faudrait qu’ils aient un coût égal ou moindre et qu’ils aient une robustesse égale ou supérieure. Leur fragilité est au niveau des limites d’écriture des cellules de mémoire et au niveau des micrologiciels qui ont des bogues. Ça s’en vient, ce n’est pas pour demain, 
mais cela ne prendra pas dix ans.

Si on veut la performance à tout prix, des disques SSD sont déjà présents dans des centres de données, mais en petites quantités, pour certains types de serveurs et pour accéder à certains types d’informations, où une performance très élevée est nécessaire pour atteindre des objectifs.

Yvan Lefebvre : À titre d’opérateur, je suis favorable à cela. Aujourd’hui les disques mécaniques sont moins chers et ont une grande capacité, mais les disques électroniques sont plus performants et ne dégagent pas de chaleur, ce qui entraîne des économies au niveau du traitement et du refroidissement. Je n’y investirais pas beaucoup d’argent aujourd’hui parce que la technologie n’est pas encore à point, mais c’est une question de temps. Aussi, le prix d’un disque dur électroniques est encore un peu plus élevé que celui d’un disque mécanique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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