Watson: quand la machine défie l’homme

Est-ce que l’intelligence artificielle est à ce point perfectionnée qu’elle peut rivaliser avec celle de la race humaine? C’est le pari que fait IBM avec son superordinateur Watson, qui se mesurera aux deux plus grands champions américains du jeu-questionnaire Jeopardy entre le 14 et le 16 février.

En 1997, IBM avait fait une percée avec Deep Blue, qui était parvenu à vaincre le champion mondial d’échecs Garry Kasparov. En 2011, la société revient à la charge avec un autre ordinateur, Watson, nommé en l’honneur du fondateur d’IBM, Thomas J. Watson.

Cette fois-ci, l’ordinateur se mesurera aux deux plus grands gagnants de l’histoire de Jeopardy, soit Ken Jennings et Brad Rutter. Ken Jennings détient le record du plus grand nombre de parties consécutives gagnées à Jeopardy, soit 74. Ses gains à vie se chiffrent à 2,5 millions de dollars. Brad Rutter détient quant à lui le record des gains à l’émission, soit 3,2 millions de dollars.

Autopsie d’un superordinateur

La machine qu’est Watson est impressionnante. L’ordinateur est composé de 10 racks contenant chacun 9 serveurs Power 750 montés en réseau. Chaque serveur, dont la valeur se chiffre à environ 300 000 dollars, possède 32 cœurs qui peuvent gérer un total de 128 tâches en parallèle.

L’ordinateur dans son ensemble compte 2 880 cœurs, peut effectuer 11 520 tâches en parallèle, possède une mémoire vive de 15 000 gigaoctets (Go) et une puissance totale de 80 téraflops. Selon les dirigeants d’IBM, ces performances placent Watson dans le Top 100 des ordinateurs les plus puissants au monde en ce moment.

À titre comparatif, Deep-Blue avait une puissance totale de 1 téraflop et celle de la salle des serveurs de l’usine d’IBM Canada à Bromont frôle les 4 téraflops.

Pour chaque téraflop de puissance, un ordinateur peut effectuer mille milliards d’opérations à la seconde.

L’intelligence artificielle de plus en plus perfectionnée

Si le matériel qui compose Watson est imposant, le vrai défi pour l’équipe d’IBM fut tout autre qu’avec Deep Blue, selon Éric Paradis, spécialiste consultant en technologies de l’information chez IBM Canada à l’usine de Bromont.

« En matière de logiciel, les échecs, c’est relativement simple. Avec Deep Blue, en 1997, il s’agissait surtout d’un exploit matériel. Il s’agit d’une planche de 64 cases avec des règles et des pièces qui ont toutes un rôle limité. L’algorithme était assez simple: à chaque coup, il fallait prévoir le prochain mouvement de l’adversaire et ensuite établir quel serait le meilleur mouvement à partir de toutes les combinaisons possibles », dit-il.

Dans le cas de Watson, le défi est de traiter le langage naturel. L’ordinateur est équipé d’une série d’algorithmes qui ont nécessité plusieurs années de recherche et même certains partenariats avec des universités.

M. Paradis précise que contrairement à la croyance populaire, Watson n’entend pas et ne peut donc reconnaître la voix. Il reçoit les questions en texte, de même que les réponses de ses concurrents. À défaut d’entendre, il doit donc comprendre les questions : « Les questions de Jeopardy peuvent contenir des jeux de mots, des farces, des doubles sens… Par exemple, si vous cherchez Mercury dans un moteur de recherche Internet, vous pouvez obtenir des résultats sur un métal, sur une planète, sur une vieille marque de voitures et même sur le chanteur Freddy Mercury. Un seul mot peut donc avoir différents sens, ce qui rend le défi de la compréhension très complexe », dit-il.

De plus, Watson n’a pas accès à Internet. Il contient l’équivalent de 200 millions de pages de contenus, structurés (anatomie, atlas géographiques…) et non structurés (tels que journaux, documents historiques, scénarios de films…). Il est également doté de connaissances élémentaires logiques, par exemple que la pluie est mouillée, qu’un père est toujours plus vieux que son fils et que quelqu’un qui est décédé ne peut revenir à la vie.

Les questions à Jeopardy peuvent toucher à une multitude de catégories, allant du sport à l’histoire et à la littérature, en passant par la géographie, ce qui nécessite des connaissances générales très poussées.

« Un algorithme très important est aussi celui de l’acquisition et de l’indexation dynamique de connaissances. Cela signifie que Watson s’améliore avec l’usage », affirme M. Paradis, rencontré à Bromont quelques jours avant l’affrontement entre la machine et l’homme.

L’ordinateur possède également la capacité de s’adapter à une catégorie. Si, à un moment durant l’émission, on recherche uniquement des noms de joueurs de hockey et que Watson ne l’a pas réalisé au début, il peut faire l’ajustement pour répondre aux questions restantes dans cette catégorie précise.

Comme les mauvaises réponses à Jeopardy font perdre des points, Watson doit également autoévaluer le degré de confiance en ses réponses.

Préparer l’après-Jeopardy

Évidemment, l’objectif ultime derrière la conception de Watson est de réaliser une percée au niveau de l’intelligence artificielle qui permettrait à IBM de vendre des clones de son superordinateur pour divers types d’applications commerciales, industrielles ou publiques.

Éric Paradis explique que Watson pourrait par exemple servir de référence au niveau médical. « L’ordinateur, avec ses algorithmes et son architecture, pourrait contenir l’ensemble de la littérature médicale et tirer des conclusions à partir de symptômes, de résultats et de tous les outils à la disposition des médecins. Ces derniers ont accès à des connaissances phénoménales, mais qui ne sont pas toujours organisées. Le système pourrait alors intervenir », dit-il.

C’est pourquoi IBM tient à ce que Watson soit capable d’évaluer lui-même sa capacité à donner de bonnes réponses. Dans le cas d’un diagnostic médical, la marge d’erreur est nulle.

Première manche: match nul

Après la première manche, Watson et Brad Rutter ont terminé à égalité avec 5 000 dollars chacun, comparativement à 2 000 dollars pour Ken Jennings.

Denis Lalonde
Denis Lalondehttp://www.directioninformatique.com
Denis Lalonde est rédacteur en chef chez Direction informatique, développant des contenus et services uniques pour les spécialistes des technologies de l’information en entreprise à travers la province de Québec, tant à l’imprimé que sur le Web. Il s’est joint à IT World Canada, l’éditeur de Direction informatique, après avoir travaillé plus de cinq ans chez Médias Transcontinental pour les publications LesAffaires.com et le Journal Les Affaires. Journaliste accompli à l’aise sur toutes les plateformes médiatiques, Denis a également travaillé au Journal de Montréal, au portail Internet Canoë et au Réseau de l’information (RDI). Twitter: DenisLalonde

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