Spécial 20 ans : Les TIC, d’un centre de coûts à un argument concurrentiel

Aidées par le développement d’Internet, les TIC sont passées en vingt ans d’une charge obligée sans valeur ajoutée à un investissement stratégique permettant aux organisations d’accroître leurs revenus, en se démarquant de leurs compétiteurs.

La perception qu’ont les organisations du rôle que doivent jouer les technologies de l’information et des communications (TIC) dans leur stratégie de développement a beaucoup évolué en vingt ans. D’une charge obligatoire qu’on aimerait ne pas avoir à payer, les TIC sont devenues un outil stratégique, un levier permettant à l’entreprise de se différencier de ses compétiteurs. Mais cela ne s’est pas fait du jour au lendemain; la prise de conscience a été longue et pas toujours facile.

C’est que le changement d’attitude que cela supposait était important : il s’agissait de passer d’une conception de centre de coûts sans valeur ajoutée à celui d’un investissement stratégique ayant des retombées sur les revenus de l’entreprise. Le développement fulgurant qu’a connu Internet durant les années 1990 a facilité cette prise de conscience, puisque dorénavant la clientèle et les partenaires commerciaux de l’entreprise pouvaient interfacer avec elle par l’entremise des TIC, contribuant ainsi à générer des revenus, mais aussi parce qu’elle est dorénavant en concurrence avec un nombre grandissant de compétiteurs.

« Tout au long des années 1980, il y a eu un gros changement au niveau de ce que l’informatique pouvait amener aux entreprises autrement que les applications de base, comme les systèmes de paie, rappelle Denis Desbiens, vice-président pour le Québec chez IBM Canada. On a commencé à entrer dans le coeur des activités commerciales des différentes entreprises, que ce soit au niveau des transactions bancaires, des activités de ventes, etc. […] Aujourd’hui plusieurs entreprises considèrent l’informatique comme un avantage compétitif et perçoivent ça comme un outil permettant de se démarquer de leurs concurrents. »

« Mais il y a encore beaucoup de travail à faire en ce qui a trait à l’utilisation des TI en tant qu’outil de productivité par les entreprises canadiennes, enchaîne Claude Lemay, vice-président pour la région du Québec à l’Association canadienne de la technologie de l’information (ACTI). Malgré toutes les difficultés qu’elles ont actuellement, les entreprises américaines sont beaucoup plus productives que les entreprises canadiennes, parce qu’elles investissement beaucoup plus en TI, que ce soit dans les secteurs traditionnels que non traditionnels. Les TI sont le facteur le plus important dans l’augmentation de la productivité d’une économie moderne. »

Les investissements massifs faits par les organisations durant la période précédant l’an 2000 ont aussi contribué à accroître le poids stratégique des TIC dans les organisations.

« À partir de 2003, le rôle des responsables de l’informatique a changé dans les organisations, et ça, c’est le résultat du passage à l’an 2000, affirme Nicole Martel, présidente de l’Association québécoise des technologies (AQT). On les a accusés en 2002 et 2003 d’avoir dépensé un peu à tort et à travers; ils avaient un rôle ingrat dans ces années-là. Maintenant, leur rôle est de voir comment les technologies peuvent appuyer les stratégies de l’organisation. »

Plus haut dans l’échelle

Une preuve de l’augmentation du rôle stratégique des TI dans les organisations est le fait que les responsables de l’informatique (CIO) ont grimpé dans la hiérarchie des organisations, jusqu’à la haute direction, et sont de plus en plus impliqués dans l’établissement des stratégies de développement de leur organisation.

« L’informatique relevait auparavant des gens de la comptabilité dans les grandes entreprises, aujourd’hui la fonction TI est située au niveau de la vice-présidence, parce que les TI sont devenues des éléments distinctifs dans tous les milieux », souligne Gilles Létourneau, président de Groupe GFI Solutions.

« Au début, l’interlocuteur chez nos clients relevait du directeur financier, ajoute Denis Desbiens. Plusieurs vice-présidents participent maintenant à la prise des décisions, car la mise en place d’un système informatique affecte plusieurs fonctions dans l’entreprise. » « Et les décisions d’achat vont souvent remonter jusqu’au conseil d’administration, ce qui prouve que les TIC sont devenues stratégiques aux organisations », renchérit Nicole Martel.

Au niveau plus particulier des PME, les chefs d’entreprise cherchent maintenant à savoir comment ils peuvent tirer parti des TI pour accélérer la croissance de leur entreprise, ce qui était moins le cas auparavant.

« C’est très stimulant de voir les dirigeants de PME se préoccuper de ce qu’ils peuvent faire avec les TI, se réjouit Josée Beaudoin, vice-présidente, innovation et transfert, région de Montréal, au Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO). Je sens un regard très positif sur des stratégies liées à l’usage des TI. Je sens une ouverture beaucoup plus grande qu’il y a dix ans. On voit un changement dans le regard que les entreprises portent sur les TI. C’est peut-être parce que les coûts de la technologie ont diminué. Mettre sur pied un portail, ça coûtait beaucoup plus cher il y a dix ans. »

Le potentiel commercial qu’offrent les PME qui, bien que surreprésentées dans l’économie, ont moins investi en technologies que leur contrepartie de plus grande envergure est d’ailleurs important. « À mon avis, il va y avoir de plus en plus d’opportunités du côté des PME, parce qu’il va y avoir un choc du côté de la Chine ou d’autres environnements, et les gens vont préférer développer localement, plus près des clients, et faire du sur-mesure », prédit Ronald Brisebois, président du conseil et président et chef de la direction d’Isacsoft.

Si le poids stratégique des TIC a crû dans les organisations, ces dernières, échaudées par l’éclatement de la bulle en 2001, sont devenues beaucoup plus critiques dans le choix des technologies et des projets qu’elles comptent mettre en oeuvre. Il est donc important, pour le fournisseur, de pouvoir leur proposer des technologies qui répondent à des besoins réels.

« Aujourd’hui, les entreprises sont plus critiques face aux technologies : il faut que l’investissement ait des retombées, qu’il rapporte. Elles veulent avoir la meilleure solution et vont baser leur décision sur des références, pas sur le nom du fournisseur », de conclure Ronald Brisebois.

Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.


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