Retour aux pupitres…et au clavier?

Depuis quelques semaines, des milliers d’écoliers et d’étudiants ont pris le chemin des classes. Si l’accès à l’instruction pour tous de façon démocratique et sur une base égalitaire, comme le voulait (ce sacré) Charlemagne est considéré comme étant primordial et prioritaire, peut-on en dire autant de l’intégration de l’ordinateur en classe?

L’informatique a fait son apparition dans le contexte scolaire quelques années après son émergence sur le marché grand public. Dans quelques écoles secondaires privées, puis dans les institutions publiques, des petits laboratoires composés d’ordinateurs à écran ambre ont fait leur apparition et ont permis aux élèves de se familiariser avec le traitement de texte, le chiffrier et quelques autres applications.

Au niveau collégial et à l’université, des laboratoires de la sorte ont accueilli des ordinateurs de la famille x86 puis Pentium ainsi que de la famille Mac, pour permettre aux étudiants de produire leurs rédactions et leurs travaux de recherche, puis dans une seconde vague pour explorer les contenus de l’Internet. Des ordinateurs plus puissants étaient également utilisés dans des laboratoires spécialisés pour effectuer des calculs plus poussés.

Et en parallèle, au gré des capacités financières, des familles se sont dotées d’ordinateurs personnels, ce qui a permis aux enfants les plus âgés de réaliser des travaux en alternative à la machine à écrire.

Au primaire, toutefois, la situation était différente parce qu’on ne voyait pas l’utilité à recourir à l’informatique dans le contexte de l’apprentissage des matières dites « de base ». Mais avec l’essor du multimédia, l’explosion des contenus sur disque optique et en ligne et un souci d’initiation hâtive des enfants aux technologies, plusieurs ont estimé que l’ordinateur serait d’une grande utilité dans le processus d’apprentissage, pour ainsi faciliter le partage des connaissances et stimuler le développement des « compétences transversales ». Maintes personnes imaginaient alors un ordinateur à chacun des pupitres.

Mais dans la vie quotidienne, force est de constater que l’informatisation des classes est loin d’être une chose accomplie. D’un côté, des institutions privées (et de rares écoles publiques) ont recours à des programmes où chaque enfant est doté d’un ordinateur portable. De l’autre, des écoles dans les quartiers pauvres n’ont qu’un seul ordinateur, désuet, qui est utilisé à tour de rôle par deux ou trois élèves à la fois. Entre les deux, il y a des institutions qui vivent diverses situations où les contraintes budgétaires et les enjeux de désuétude rapide du matériel jouent des rôles importants dans la progression de l’informatisation.

À l’avant de la classe, il y a également tout un éventail d’attitudes envers les technologies de l’information. Des professeurs expérimentés ne veulent rien savoir des « maudites machines » alors que d’autres en début de carrière en perçoivent les bénéfices académiques potentiels. Nous pouvons être un peu compréhensif envers les vétérans, alors que plusieurs ont dû suivre des cours de programmation inutiles au début des années 1980 – qui se souvient du LOGO? – et ont été échaudé(e)s pour la vie, bien que certains aient totalement embrassé l’informatique sans réserve. Mais les enseignants de nouvelle génération, eux, sont à la merci des capacités des écoles et des commissions scolaires à doter les classes des précieux appareils.

La notion de fossé numérique en classe, donc, n’est pas prête de disparaître. Mais voulons-nous vraiment de l’informatique en classe?

Si nous souhaitons faire des écoliers des technophiles dès leur jeune âge et que cette aptitude diagonale est une priorité aussi importante que le bilinguisme, alors leurs futurs employeurs, soit le secteur privé, ou leurs futurs bénéficiaires, soit les entreprises du secteur des TIC, devraient contribuer massivement à l’informatisation des classes. Si de grandes multinationales paient pour l’aménagement de parcs et de cours d’école, il faudrait en faire autant pour doter les classes d’ordinateurs. Allons, comme la loi du 1 % pour les éléments artistiques et culturels dans les édifices neufs, pourquoi ne versons-nous pas 1 % des profits pour l’acquisition d’ordinateurs dans les quartiers défavorisés?

Toutefois, plusieurs doutent de la pertinence de l’informatisation des classes au primaire. Pourquoi asseoir les enfants devant un clavier, une souris et un moniteur à un âge où la compréhension des notions élémentaires devrait être priorisée, plutôt que le mécanisme d’acquisition de ces notions. D’ailleurs, plusieurs ont appris en lisant des lettres en craie blanche sur fond noir ou vert et ont très bien réussi dans la vie, non? L’ordinateur au troisième cycle du primaire et au secondaire ferait du sens, mais est-il si important pour l’apprentissage en bas âge?

Ce débat ne sera pas conclu de sitôt. Entre-temps, dans les chaumières, le fossé numérique persiste. Alors que les enfants de familles aisées ont chacun leur ordinateur, dans les familles pauvres on se rabat sur un ordinateur désuet, sur l’ordinateur à la bibliothèque, ou celui… de l’école.

Nous souhaitons une bonne rentrée aux parents, car avec ou sans ordinateur, les devoirs et les leçons, eux, demeurent une réalité nécessaire…

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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