Mobile vs stationnaire ou mobile vs mobile?

Depuis que je suis journaliste techno, ce qui me ramène à septembre 1984, on me parle de l’inéluctable triomphe, pas si loin que cela, de l’informatique « mobile », un concept d’avenir, sur la « stationnaire », une vision du passé.

On me jure qu’un jour, les blocs-notes seront devenus plus puissants, plus complets et moins chers que les gros ordis de table. On me projette une tendance lourde que rien ne pourra stopper et qui bouleversera les méthodes de gestion. On me dit que la question n’est pas de savoir si les ordinateurs de table de type « client » disparaîtront (à ne pas confondre avec les serveurs), mais de savoir à quelle date sera pilonné le dernier. Hum!

Rongé par la perplexité (à ne pas confondre avec cynisme journalistique), j’ai joué à la version informatique personnelle du « Canada fort dans un Québec uni », ou vice-versa. Ainsi, dans mon petit réseau local, j’ai deux blocs-notes et quatre ordis de table, des Core 2, Quad Core, Double Quad, avec des barrettes de RAM grosses comme ma cuisse, des gigahertz sans fin (à l’image de nos chantiers routiers), des disques SATA2 qui tournent plus vite qu’un vent de pluie, bref des bêtes pantelantes auxquelles je ne saurais quoi rajouter.

Vous comprenez que mes machines « mobiles » (que j’adore) sont très puissantes et très polyvalentes, mais que mes tourelles de dessous de bureau (que je vénère) le sont autant. Ici, la tendance est donc vers la puissance, quel que soit le type de machine. C’est un beau cas d’ambivalence (pour ne pas dire de schizophrénie) qui, quel que soit le résultat du soi-disant rapport de forces en cours, me garantit un siège du côté des vainqueurs.

Mais j’ai tort. Je ne suis qu’un amateur de machines qui veut pouvoir cliquer dans Photoshop CS3 ou dans VMware à partir de son jardin dans un MacBook Pro, à partir d’un train dans un ThinkPad ou à partir de son bureau dans une tourelle qui ronronne de plaisir. Et les chantres du cybernomadisme ont tort également; jamais les blocs-notes ne pourront vraiment régner sur l’univers des postes de travail. Ce n’est pas ainsi que ça se passe dans la vraie vie. Car, encore une fois, le Web est venu tout chambouler.

Auto ou camion?

La vraie tendance ressemble à celle qui caractérise l’industrie automobile. Si on veut faire un peu de tout (route, ville, camping, épicerie, etc.), sauf trimbaler des voyages de gravier ou de bois de chauffage, on opte pour une automobile. Mais si on travaille sur un chantier où on est tenu d’apporter de lourds outils, on se procure une camionnette. Il y aura bien sûr des exceptions, pensons à ces « gars-de-trucks » du dimanche, ces amateurs de « pick-ups » dont le véhicule ne servira qu’occasionnellement à rendre service.

Le scénario est semblable en informatique. Si on doit se servir d’applications Web, entrer des données sur un serveur, communiquer avec des collègues, lire son courriel et ses flux RSS, faire de la recherche sur le Net, s’amuser dans FaceBook, YouTube ou sur ses blogues préférés, on n’a évidemment pas besoin d’un ordinateur capable de faire fondre l’asphalte du circuit Gilles-Villeneuve. On a besoin d’une machine dont la principale vertu est d’être connectée (Ethernet, WiFi, WiMax, GSM, CDMA, etc.), la seconde, de pouvoir utiliser un fureteur Web et la troisième, de pouvoir afficher l’information de façon acceptable compte tenu de sa nature (écran de 2,8 pouces du Touch Diamond de HTC, de 3,5 pouces du iPhone, de 7 ou de 9 pouces chez les ULPC, de 15 pouces de mon ThinkPad ou de 17 pouces du MacBook Pro haut de gamme).

Mais c’est une tout autre histoire si son travail consiste à créer des pages Web, dessiner des maquettes, monter et réaliser des vidéos, vérifier et produire des états financiers et ainsi de suite. On travaille alors de longues heures dans un bureau qui n’a rien de mobile. On a besoin ici d’une machine fixe, un ordi tout en muscle, facile à entretenir et bien nanti en périphériques, notamment du côté moniteur.

Encore ici, il y aura exception. Par exemple, un agent d’immeuble pourra préférer s’en tenir à un seul ordinateur (ce qui est deux fois moins problématique que d’en entretenir deux, si on n’est ni informaticien, ni technicien), un puissant bloc-notes où il mettra toutes ses affaires, une « grosse machine » qu’il pourra utiliser chez lui, à son chalet ou sur la route et qui, en prime, lui permettra de présenter à ses clients, chez eux sur le coin de la table, des maisons à partir du mégasite de la Chambre d’immeuble. Parfois, il aura installé un socle de synchronisation (docking station) dans son bureau d’affaires où seront branchés quelques périphériques essentiels, tels une imprimante, un moniteur grand format, un jeu de clavier-souris sans fil, un scanneur photo, un disque d’archivage, etc.

Il y a donc place pour les deux grandes catégories de machines. En ce sens, le Web se trouve à éliminer le rapport de force entre « mobile » et « stationnaire » et à en créer un nouveau à l’intérieur même du « mobile ». Voire avec plus de créneaux à l’intérieur du segment « mobile ».

Prenez le iPhone. Le mois dernier, le Journal du Net rapportait que la firme de recherche Médiamétrie-eStat démontrait que le mirifique téléphone 3G d’Apple était devenu en France, avec 28,5 % des incidences, le principal dispositif mobile permettant d’accéder au Web, coiffant ainsi les populaires combinés Nokia (23,5 %) et les 3G équipés de Windows Mobile (13,4 %). Ici, l’onde de choc du iPhone est terrible : le petit dernier vient dépasser et déloger tout le monde. Que va faire Monsieur Nokia ou Monsieur HTC? Comment va répliquer Steve Ballmer? Va-t-il se concentrer dans le rayon effervescent des très petits blocs-notes, ceux que Microsoft appelle les Ultralight PC? Qui sait!

En attendant, Intel présentait lundi dernier, au Intel Developer Forum de San Francisco, des processeurs Atom à double cœur spécifiques aux ULPC. Rien de moins! En même temps, la géante fournissait les grandes lignes de Calpella, une nouvelle plate-forme de blocs-notes où seront conjuguées grande vitesse, faible consommation et haute sécurité. On y retrouvera notamment le dispositif « WiMAX/WiFi Link 5050 ». Quand on sait que certaines villes américaines sont en train de déployer de vastes réseaux WiMax, pensons à Baltimore qui inaugurera le sien d’ici quelques semaines, on peut comprendre l’intérêt d’une telle technologie.

Un marché fort intéressant

On comprend que le marché est fabuleux. Ainsi, dans un sondage réalisé en décembre dernier, la firme de recherche Pew Internet soutenait que 62 % des Américains, surtout des jeunes entre 18 et 29 ans, avaient déjà utilisé un dispositif mobile sans fil pour accéder à des données. Plus précisément, 58 % avaient utilisé un téléphone cellulaire ou un PDA pour s’échanger des messages texto – SMS (de loin l’activité principale), pour s’occuper de leur courriel, pour prendre des photos, pour consulter des cartes routières ou pour enregistrer de la vidéo. En outre, 41 % avaient surfé sur le Web avec un PDA ou un bloc-notes sans fil.

Autre donnée intéressante, les dépenses en publicité spécifique à cette clientèle pourraient plus que doubler d’ici un an. C’est du moins ce que soutient la firme de recherche Strategy Analytics, citée par eMarketer qui évalue à 2,4 G$US le montant que dépenseront les annonceurs en 2009, comparativement à 1 G$US cette année.

Bref, c’est sur le front de la « mobilité », du « sans fil », des « bidules-gadgets-gizmos-gugusses » intelligents que la bataille va vraiment faire rage, cela principalement en Asie et en Europe. Et, d’ici un an, les forces qui s’affronteront se nommeront Google Android, LiMo (Open Source), iPhone, sans parler de la myriade d’entreprises chinoises (et autres) qui voudront s’y tailler une place. Beaucoup d’action dans l’air!

Pendant ce temps-là, moi, je vais continuer à vénérer ma machine Vista 64 avec 4 Go de RAM dont le moniteur HP est de 24 pouces. Rien de tel pour apprécier une partie de Mahjong!

Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.


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