Macworld 2009 : Steve Jobs boucle la boucle

San Francisco – Ce qu’on retiendra surtout du 24e Macworld qui vient de se tenir à San Francisco, c’est le fait qu’il s’agissait de la dernière participation d’Apple à ce salon.

Et s’il est une déception qui prime sur les autres, c’est bien le fait que le gourou, Steve Jobs, n’ait pas daigné s’y pointer le bout du nez par vidéoconférence pour livrer le message que les circonstances commandaient. Non sans soulever à nouveau de l’inquiétude sur son état de santé, il avait en effet annoncé à la mi-décembre qu’il ne viendrait pas officier la Grand-messe. La communauté de fidèles a dû se satisfaire du VP principal Phil Schiller qui, durant l’allocution d’ouverture (le keynote) s’est bien gardé d’aborder le sujet.

En fait, le pauvre diable s’est retrouvé dans une bien difficile situation. Malgré sa personnalité amène et joviale, Schiller n’a pas le charisme de Jobs. De plus, il n’avait que relativement peu d’annonces à faire : un nouveau MacBook Pro 17 pouces avec autonomie énergétique de 8 heures, de nouvelles moutures à iLife et à iWork, incluant un ajout majeur à GarageBand où il devient possible d’apprendre à jouer, pour l’instant, de la guitare et du piano, le lancement de iWork.com, un outil de collaboration en ligne, ainsi que l’abandon définitif, d’ici le printemps, de la protection DRM sur les 10 millions de pièces vendues sur le iTunes Music Store.

En fait, le salon au complet avait relativement peu de nouveautés à lancer dans les gibecières de journalistes spécialisés. Si plusieurs miniapplications iPhone ont tenté, en vain d’attirer vraiment l’attention, si des améliorations côté collaboration et communication, notamment avec Exchange et SharePoint, à Office:mac 2008 ont été accueillies avec un silence poli, j’ai quand même remarqué le très beau MediaSmart Server de Hewlett-Packard, un système de stockage (750 Go ou 1,5 To) multimédia pour la maison, ainsi que la version 10 de FileMaker Pro, un très beau produit revu de fond en comble.

Pour rendre la salle heureuse, il eut fallu que Steve Jobs apparaisse, au moins dans un clip vidéo, pour remercier ceux qui avaient fait du Macworld cette institution unique dans les salons informatiques et pour les convier à autre chose, ne serait-ce qu’à l’un des quelque 250 Apple Store qu’il a ouverts, à partir de 2001, ici et là dans les centres commercialement intéressants de la planète. C’est à peine si Schiller a abordé cette question. Il s’est contenté de souligner que ces boutiques recevaient, dans l’ensemble, dix fois plus de visiteurs par semaine qu’un Macworld par année.

L’attitude est peut-être déplaisante, dépourvue de tact et rugueuse, mais elle est honnête. Un Macworld, ce n’est qu’un salon. Les salons sont des outils marketing destinés à vendre, vendre et vendre. Or, les salons grand public (le CES de Las Vegas n’en est pas un) sont en perte continue de popularité (tagline officiel chez Apple que l’on m’a répété cent fois) et ce sera pire en raison de l’extrême morosité économique. Enfin, les Apple Store vendent infiniment mieux. À des années lumières mieux! Donc, bye bye Macworld, bonjour Apple Stores!

Pourquoi est-ce si payant un Apple Store ? Tandis qu’avant, il fallait s’en tenir aux grandes chaînes panaméricaines, pancanadiennes ou panquébécoises, des Sears, CompuUSA et autres Best Buy qui disposaient d’un coin Mac avec quelques produits généralement mal présentés et, surtout, avec des représentants incompétents par rapport à cette plate-forme un peu spéciale, il en est tout autrement aujourd’hui. Les Apple Stores SONT Apple. Tous les produits s’y trouvent, tous les représentants sont des employés d’Apple spécifiquement formés, toutes les solutions sont présentées et tous les services sont offerts. Quant à ces vieux partenaires de toujours, p. ex. cette institution montréalaise qu’est Micro-Boutique, ils n’auront qu’à s’ajuster. De toute façon, la publicité bien nourrie qu’Apple fait autour de ses produits pour mieux aider ses Apple Stores, ne peut que leur bénéficier. Inutile de dire que ce point de vue n’est pas toujours partagé. Mais cela est une autre histoire.

Pour en revenir au Macworld, Apple en fait un élément non rentable dont elle se débarrasse. Tant pis pour les fidèles qui en ont vu d’autres; ils s’en remettront. Ils aiment leurs Mac et ils en rachèteront. Ils influenceront même leur prochain (prosélytisme bénévole) pour qu’il en fasse autant. Il en a toujours été ainsi et rien n’indique que cette attitude cessera. Idem pour Jobs. L’homme, un monolithe dur comme l’acier, est connu pour ne jamais s’embarrasser dans les considérations humaines. Bang, tu es congédié! Bang, ton idée est idiote! Bang, je ne vends plus rien à CompuUSA! Bang, je quitte le Macworld!

En méditant sur ces réalités de la vie, je me suis présenté aux bureaux d’IDG World Expo*, la firme qui organise les Macworld depuis des lustres, où j’ai rencontré la responsable des relations publiques, Mme Charlotte McCormack. Comme il se doit, cette dame au nom prédestiné pour s’occuper d’un événement Mac, m’a servi un tout autre discours. Primo, il y aura bel et bien un Macworld l’an prochain (du 4 au 8 janvier 2010) et il sera probablement plus spectaculaire qu’à son habitude (fini les contraintes imposées par Apple). Pourquoi une telle certitude? Parce qu’on assiste à « une augmentation constante du nombre des visiteurs et des exposants depuis 2004 » :

2004 : 32 409 2005 : 35 989 2006 : 38 441 2007 : 45 572 2008 : 47 908

Quant aux chiffres de 2009, des chiffres dont elle ne disposait pas encore au moment de l’entrevue, Mme McCormack s’attend à quelque chose de semblable à 2008. « C’est du moins ce que les préinscriptions semblent indiquer. On pense que c’est à cause de notre situation économique qu’il n’y aura pas d’augmentation. » D’accord. Mais supposons que ce chiffre soit d’environ 48 000, est-ce important? Pas vraiment. Si je compare avec le Salon international de l’auto de Montréal (il doit bien y avoir autant d’autos par ménage québécois qu’il y a d’ordinateurs), je constate que ce salon reçoit habituellement autour de 200 000 visiteurs. Pourtant, il n’est que régional; il ne s’intéresse qu’au marché du Québec.  

En ce qui a trait au nombre d’exposants au Macworld, il est passé de 400 en 2008, à 500 en 2009, « une progression spectaculaire », insiste Mme McCormack, même si de gros noms (p. ex. Adobe, Belkin, Seagate et Creative Lab) se sont désistés. Le problème, c’est que plusieurs autres pourraient emboîter le pas à l’oncle Steve. Pourquoi, en effet, devraient-ils continuer à faire travailler leurs employés tout le long des fêtes, pendant des heures et des heures, cela pour être prêts pour le Macworld du début janvier (et souvent, pour le CES qui se tient en même temps), si Apple ne le fait même plus? Et, sans vouloir ajouter au pessimisme, on a tous en mémoire la déconvenue du Macworld de Boston, lequel ne survécut pas deux ans au retrait d’Apple (jusqu’à 2005, il y avait deux salons : San Francisco pour la côte ouest en janvier et Boston/New York pour la côte est à l’été).  

Évidemment, ce n’est qu’une histoire de produits électroniques ou informatiques fabriqués, mis en marché, achetés, utilisés et envoyés à la casse. Que certains aient changé le monde, cette question n’est plus pertinente quand les actionnaires sont plus ou moins contents. De toute façon, ce n’est pas le premier Macworld auquel Steve Jobs fait faux bond. Son premier, il ne l’a connu que le 6 août 1996, à Boston, alors qu’il venait de reprendre la barre d’Apple et qu’il annonçait son « New Deal », dont l’entente avec Microsoft. Il faut savoir que le premier Macworld, celui de San Francisco en janvier 1985, Jobs l’avait évité, préférant le repos du guerrier dans un hôtel en charmante compagnie. Quant à celui de 1986, il n’était plus employé par Apple, ayant perdu sa bataille contre le nouveau PDG de l’entreprise, John Sculley, alias monsieur Pepsico.  

Autrement dit, le célébrissime Steve Jobs aura manqué le premier et le dernier Macworld impliquant son entreprise, bouclant ainsi la boucle.

NDLR: IDG World Expo, qui organise le salon informatique annuel Macworld, est une filiale de la société International Data Group (IDG). Direction informatique est un média d’ITWorld Canada, le partenaire canadien d’IDG.

Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.

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