L’Internet libre ?

DROIT ET TI – Un Internet libre de toute règlementation est-il un Internet libre ?

La Commission fédérale des communications des États-Unis d’Amérique (Federal Communication Commission ou FCC) a édicté depuis quelque temps des règles touchant la neutralité d’Internet. Selon l’Associated Press, ces règles avaient pour but d’empêcher les compagnies de téléphone ou de télévision par câble ou par satellite qui sont aussi des fournisseurs d’accès Internet (FSI) de favoriser ou encore diminuer l’accès à certains contenus sur Internet, ces contenus incluant des services téléphoniques comme Skype ou des services vidéo comme YouTube ou Netflix. Ces règles permettaient néanmoins aux FSI de gérer le trafic sur leur réseau, en autant que les règles de gestion soient publiques et qu’elles n’entraînent pas une discrimination déraisonnable entre les contenus sur le réseau. Toujours selon l’Associated Press, ces règles avaient au fond pour but de maintenir le statu quo d’un système qui fonctionnait bien.

Au début d’avril dernier, la Chambre des représentants de nos voisins du Sud, contrôlée par les républicains, a révoqué ces règles, affirmant vouloir faire en sorte que le gouvernement américain n’ait pas la main sur Internet. Un représentant démocrate, Jared Polis, du Colorado, s’opposant à la mesure, a alors argumenté que la révocation des ces règles entraînerait un changement important dans l’équilibre entre les fournisseurs de contenu sur Internet et les FSI.

Le débat canadien

Au cours des derniers mois, un débat pour le moins animé s’est produit au Canada quant à la possibilité pour un FSI en particulier de limiter la quantité de données téléchargée non seulement par ses abonnés, mais aussi de ses clients revendeurs de bande passante, et de charger des frais supplémentaires pour tout téléchargement supplémentaire. Le FSI en question est aussi un fournisseur de services téléphoniques et de télévision par satellite. L’accès illimité est l’un des chevaux de bataille de marketing des plus petits FSI, qui sont des clients des gros FSI propriétaires d’infrastructures et qui revendent leur bande passante.

Le CRTC examine la question. Plusieurs organisations, dont celle du site OpenMedia.ca, voient dans cette volonté de limiter la quantité de données téléchargées une entrave à l’expansion d’Internet, puisque des internautes utilisant de façon intensive des sites comme Netflix ou Skype pourraient devoir payer des frais supplémentaires. Certains autres commentateurs croient qu’il n’appartient pas à l’ensemble des utilisateurs faisant un usage modéré d’Internet de subventionner ceux qui en font un usage plus intense, surtout si cet usage plus intense est pour copier des œuvres protégées.

Intérêts divergents

Vous êtes l’heureux propriétaire d’un chalet ou condominium de villégiature, dont vous vous servez comme résidence secondaire. Vous voulez avoir la possibilité, lorsque vous êtes à la campagne, de regarder occasionnellement un film, de téléphoner en ville, d’écouter la radio de votre choix et de naviguer sur Internet. Le service 911 étant accessible par votre cellulaire, mis-à-part une qualité d’image et de son télé et radio peut-être inférieure (dépendant des cas), une connexion Internet répondrait à tous vos besoins.

Cependant, votre FSI pourrait, dans le contexte d’une simple bonne gestion d’entreprise, limiter l’accès Internet de façon à faire en sorte que vous vous abonniez aussi à ses services de télévision par câble ou par satellite, et à son service téléphonique. C’est ce que la règlementation dont il est fait état plus haut cherche à éviter. Si votre FSI évite que vous n’achetiez qu’un seul abonnement, il peut alors faire davantage de profits et, comme le mentionnait un représentant républicain aux É-U, le tout favorisera le développement d’infrastructures et le développement d’Internet.

Cependant, lors d’un récent voyage en Europe où j’ai loué un appartement plutôt qu’une chambre d’hôtel, le propriétaire de l’appartement (pourtant pas des plus chers) avait installé un service Internet illimité, permettant d’appeler sans frais, au moyen d’un appareil téléphonique en apparence « normal », au Canada ou dans plusieurs autres pays, et permettant avec un ordinateur de visionner ou d’écouter n’importe quel site, film, vidéo ou poste de radio qui était accessible gratuitement et légalement sur Internet. Au niveau du téléphone filaire, historiquement, les appels locaux ont toujours été illimités au Canada et aux États-Unis, alors qu’ils étaient comptés en Europe. Au niveau d’Internet, il est tout de même un peu surprenant de constater la tendance contraire.

Une chose apparaît claire: un Internet complètement laissé à lui-même n’apparaît pas être un Internet plus libre. La présence et la nature de la règlementation des FSI pourrait affecter grandement l’Internet que nous connaîtrons dans quelques années.

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Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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