Licences et fusions d’entreprises

Qu’arrive-t-il lorsqu’une société qui possède une licence d’utilisation d’un logiciel ou d’une technologie est fusionnée avec une société qui en possède aussi une? Qu’arrive-t-il si une des deux sociétés n’en possède pas?

Imaginons que la société MPIL produit des boîtes de carton empilables, et utilise un logiciel de gestion d’un fournisseur du nom de GER. Un jour, MPIL annonce sa fusion avec JOLIC, qui fabrique des boîtes de carton décoratives et colorées, et utilise aussi le logiciel de gestion de GER.

Le président de la société fusionnée MPIL-JOLIC contacte son fournisseur GER en demandant de mettre fin à un des contrats de soutien technique ou de réduire le prix du service, car MPIL-JOLIC paie deux fois ce soutien technique.

Les deux sociétés MPIL et JOLIC se servaient aussi, avant la fusion, d’un logiciel d’un fournisseur nommé VENTAFUERZA, logiciel disponible en ligne comme logiciel service (Software as a Service ou SaaS) et servant à gérer leur force de vente. Le président de la société fusionnée MPIL-JOLIC demande à VENTAFUERZA de mettre fin à un des contrats de logiciel service puisque la société fusionnée en a maintenant deux.

Pour les deux fournisseurs, GER et VENTAFUERZA, la fin d’un des deux contrats qui se retrouvent maintenant chez MPIL-JOLIC signifie un manque à gagner significatif. Il s’agissait de deux clients de bonne taille.

Qu’arrive-t-il aux contrats ?

Comment résoudre ce cas de fusions de sociétés? Il peut y avoir bon nombre de réponses.

a) Le régime juridi­que de la fusion. Mentionnons d’abord que, lors d’une fusion, la vie des deux sociétés continue dans l’entreprise fusionnée; il ne s’agit pas de la fin de deux entreprises et de la naissance d’une autre. Donc, à la base, les contrats des fournisseurs se poursuivent dans la nouvelle entreprise.

b) Le libellé des contrats. Il faut ensuite savoir ce que chacun des contrats prévoit quant à ce qui se produit en cas de fusion. Il arrive que des entreprises accordant des licences perpétuelles fassent en sorte par le libellé du contrat que celui-ci se termine en cas de fusion, dans le but de renégocier une licence plus grande incluant la compagnie jointe; le contrat de soutien technique, qui suit habituellement (et logiquement!) ce qui arrive avec la licence perpétuelle, pourrait alors prendre fin.

Cependant, si le contrat de licence perpétuelle est muet à ce sujet, cette condition (fin de contrat en cas de fusion) est plus rare dans les contrats de support ou de licence offerte comme logiciel service (SaaS). Habituellement, les fournisseurs veulent alors que les contrats se poursuivent.

c) L’article 2125 du Code civil du Québec. Le contrat de soutient technique et le contrat de logiciel service (SaaS) sont des contrats de service selon le Code civil du Québec. Or, l’article 2125 de ce Code mentionne clairement : 2125. Le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l’ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise.

Donc, à moins qu’une exclusion de l’application de l’article 2125 se trouve au contrat, la société fusionnée MPIL-JOLIC pourra mettre fin au contrat avec un avis raisonnable, qui serait probablement d’entre 30 et 90 jours.

Il faut néanmoins savoir que bien des contrats de soutien technique ou de logiciel service contiennent de telles exclusions. Il faut aussi savoir que plusieurs autres de ces contrats sont conclus en vertu d’un régime juridique autre que celui du Québec, qui ne contient pas un équivalent à l’article 2125 de notre Code civil.

Il est donc possible que la société fusionnée MPIL-JOLIC doive simplement attendre la fin du contrat, en s’assurant d’éviter un renouvellement automatique en vertu de celui-ci; il lui faudra bien le lire.

Et si seulement une des deux sociétés fusionnées avait un contrat avec le fournisseur?

Si seulement MPIL avait un contrat, par exemple, de logiciel service (SaaS) avec VENTAFUERZA, il semblerait bien avantageux pour MPIL-JOLIC de continuer ce contrat dans la société fusionnée et de bénéficier du SaaS au même prix pour une société fusionnée et donc beaucoup plus grande.

En fonction des explications données précédemment le contrat continue effectivement dans la société fusionnée, et il se pourrait que VENTAFUERZA estime qu’elle ait perdu une belle occasion de faire une vente à une entreprise de plus grande taille.

Par ailleurs, plusieurs fournisseurs de logiciels services utilisent une grille de facturation pour octroyer le droit d’utiliser leurs logiciels et leurs services. Une fusion entraîne une augmentation du nombre de postes? De transactions? D’utilisateurs? De données? Plusieurs fournisseurs ont déjà prévu le coup et ne seront que très heureux de voir leurs ventes augmenter à la suite de la fusion de l’un de leurs clients avec une entreprise qui ne l’était pas.

Et si JOLIC avait fait l’objet d’une acquisition par MPIL plutôt que d’une fusion?

Lors d’une acquisition, les deux sociétés qui étaient totalement indépendantes deviennent affiliées, puisqu’une société devient détentrice des actions de l’autre. Cependant, seul un changement de propriétaire de la société acquise survient; les deux sociétés demeurent indépendantes juridiquement et constituent toujours deux personnalités juridiques distinctes. Ceci est différent d’une situation de fusion, alors que les deux sociétés en deviennent une seule.

Donc les explications données précédemment pour la fusion ne s’appliquent pas à une situation d’acquisition; chacune des sociétés continuera son contrat.

Une exception : il se pourrait que le contrat prévoie que le logiciel service ou le soutien technique soit offert à la société cliente et à ses sociétés affiliées. Dans ce cas, l’entreprise acquise JOLIC peut effectivement bénéficier du contrat de MPIL et les raisonnements expliqués précédemment quant aux contrats, en cas de fusion, pourront s’appliquer.

En toutes circonstances, il faut bien rédiger, puis bien lire le contrat!

Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 20 ans.

Michel A. Solis
Michel A. Solis
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 25 ans.

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