Les défis technologiques de la santé

La Conférence annuelle sur les technologies de la santé 2008 a fourni l’occasion de discuter des importants défis auxquels est confronté le secteur de la santé, des défis que les TIC peuvent aider à relever.

Montréal évoluait au rythme des technologies de la santé cette semaine, alors qu’avait lieu la troisième édition de la Conférence annuelle sur les technologies de la santé. Organisée par l’Association de l’industrie des technologies de la santé (AITS), la conférence a réuni plus de 300 acteurs du secteur de la santé venus des quatre coins de la planète (directeurs d’entreprise en technologies de la santé, acheteurs et directeurs de centres hospitaliers, représentants du gouvernement, chercheurs, etc.) pour discuter des enjeux qui guettent le secteur, à l’échelle mondiale et québécoise, et proposer des pistes de solution pour l’avenir.

Alimentés par divers facteurs sociodémographiques, ces défis sont d’envergure, et leur résolution passe par un emploi judicieux des technologies de l’information et des communications (TIC), la transformation des processus en place et l’adoption de nouveaux comportements, autant de la part des praticiens et des gestionnaires d’établissements que des responsables gouvernementaux et des bénéficiaires. La survie même des systèmes de santé actuels dépend de l’efficacité avec laquelle ces défis seront relevés.

Tous les conférenciers s’entendaient sur ce point, incluant Elizabeth Boehms, analyste principale chez Forrester Research, et Barbara Pitts, directrice, services de santé, Institut de recherche sur la santé, à PriceWaterhouseCoopers (PWC) Canada.

Au centre des facteurs sociodémographiques, soulignés par Mme Boehms, figure le vieillissement de la population et la généralisation des mauvaises habitudes de vie, à savoir une sédentarisation accrue et une mauvaise alimentation. Favorisant le développement des maladies chroniques, telles que les troubles cardiaques, l’asthme et le diabète, ces facteurs accroissent la demande de soins et conséquemment les coûts de santé.

En fait, Mme Pitts, dont la firme vient de publier une étude internationale intitulée « HealthCast 2020 », prévoit une hausse vertigineuse des coûts de santé d’ici 2020, alors que 10 trillions $ seront dépensés de la sorte mondialement, une diminution des fonds disponibles et une raréfaction croissante du personnel de santé. À cela, ajoutons une augmentation des attentes des citoyens à l’égard des soins qui leur sont fournis et on saisit toute l’ampleur du défi à venir. « Le système actuel n’a pas été créé pour répondre à ce défi, soutient-elle. Cela nécessitera inévitablement d’en accroître l’efficience. »

Et c’est à ce niveau qu’entrent en scène les TIC, qui composent un élément de la solution globale, dont l’objectif sera de favoriser la collaboration des divers acteurs impliqués dans le processus. Du médecin au patient, en passant par le gestionnaire et le personnel infirmier, tous devront pouvoir accéder aux mêmes informations et échanger entre eux de façon conviviale et performante, ce qui implique que l’information doit pouvoir circuler librement. Cela implique la standardisation, l’intégration et l’interconnexion des systèmes d’information et, conséquemment, une grande coopération de la part des acteurs. « Il faut que ce soit l’information qui circule dans le système, pas les patients », résume l’experte de PWC.

Au niveau des changements d’attitude soulignés par Barbara Pitts, figure la nécessité de prendre conscience des coûts qu’engendrent les services de santé, autant de la part du bénéficiaire que du praticien. Cette prise de conscience, qui sera favorisée par l’éducation et la sensibilisation, encouragera clients et fournisseurs à faire une utilisation plus rationnelle et parcimonieuse des soins de santé. Étant plus près des bénéficiaires, le personnel infirmier aura un rôle crucial à jouer à ce niveau, croit Mme Pitts.

Évidemment, l’éducation doit aussi porter sur les habitudes de vie, car comme l’a souligné Mme Boehms, il importe d’agir à la source du problème qui en est souvent un d’ignorance quant aux impacts de certains comportements sur la santé, mais aussi de démotivation. « C’est très difficile de changer des habitudes de vie, surtout quand les résultats ne sont pas immédiats, dit-elle. Il faut beaucoup de motivation. Et quand ils se décident, ils se découragent facilement, surtout quand les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils attendaient. Il faut donc que les objectifs soient réalistes, d’une part, et qu’il y ait des moyens technologiques de mesurer l’atteinte des objectifs, d’autre part. On peut imaginer un système de suivi en ligne doté d’un avatar auquel peut s’identifier l’individu, dans lequel il saisit diverses données reliées à son programme de santé. »

Retard québécois

La mise en place du dossier de santé électronique, allié à l’interconnexion de l’ensemble des systèmes d’information des établissements de soins de santé, est au coeur de la solution technologique aux défis qui guettent le secteur de la santé. Marcel Boudreault, directeur des ressources informatiques au Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), a fait le bilan de l’état d’avancement de son organisation à ce chapitre. Un bilan plutôt sombre.

« On a sept à huit ans de retard d’un point de vue informatique sur les autres organismes du gouvernement du Québec, a-t-il lancé. Le concept de réseau est très peu développé dans le secteur, alors on fonctionne surtout en silo. La clé des développements futurs est l’interopérabilité. »

Par conséquent, on peut s’attendre à des investissements très importants de la part du gouvernement en technologies de la santé au cours des prochaines années. Il faudra premièrement optimiser et consolider les nombreux centres de traitement du réseau de la santé, étape préalable à leur interconnexion et la mise en oeuvre du Dossier de Santé Québec (DSQ). Cela nécessitera le respect des standards d’interopérabilité de l’industrie, dont HL7 v.3 pour les communications, auxquels devront se soumettre les fournisseurs.

« On part de loin; on a un travail immense à faire. Par exemple, l’actuel Réseau de télécommunications sociosanitaire (RTSS) n’est pas assez fiable pour le DSQ et il faudra en accroître la fiabilité », de reconnaître le fonctionnaire qui n’a pas indiqué d’objectifs précis à cet égard.

Jean Huot, directeur des ressources technologiques du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et directeur des services informatiques du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), a pour sa part fait le point sur l’état d’avancement du projet d’intégration et de rehaussement des systèmes d’information et de communications des nouveaux centres hospitaliers, dont l’objectif est la mise en place d’un environnement entièrement numérique. « Mais le papier ne va pas complètement disparaître, il y a certaines choses qui vont continuer à se faire sur papier, reconnaît-il. Mais on va l’éliminer le plus possible. »

Les systèmes du CHUM et du CUSM seront intégrés au niveau d’un système commun, appelé Système d’information clinique (SIC), lequel sera relié au DSQ. Le budget total du projet est de 169 millions $.

L’emménagement dans les nouveaux locaux étant prévu pour 2014, cela donne du temps pour bien faire les choses. « On a une fenêtre d’opportunité là dont il faut profiter, estime-t-il. Mais il va falloir faire preuve de beaucoup de planification et de vision, afin de mettre en place les dernières technologies au dernier moment, pour être le plus à jour possible. Cela est plus particulièrement le cas au niveau des technologies de communications sans fil. Cela permettra aussi de bien roder l’environnement avant de le mettre en opération. »

Créée en 1987, l’AITS a pour mission de stimuler le développement de l’industrie destinée au marché de la santé et de promouvoir sa valeur économique et sociale. Regroupant une centaine d’entreprises desservant ce marché, elle sert de carrefour à l’établissement de liens d’affaires sur les marchés local, national et international.

Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.


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