Le marché micro-informatique en voie d’être refaçonné?

L’arrivée du iPad, le recul de Microsoft, Sony et HP, ainsi que les projets de tablettes en cours – incluant celui de la québécoise ExoPC – redessinent la mappemonde commerciale. Apple marque des points, Microsoft est sur la défensive, les tripeux d’ordi ont des réserves, mais la blonde du soussigné est ravie.

Mardi, le Wall Street Journal (WSJ) ajoutait le poids de sa crédibilité à une rumeur concernant Research In Motion (RIM) dont les BlackBerry sont à la techno canadienne ce que les Tim Horton’s sont à sa gastronomie. La géante ontarienne serait en train de concocter une tablette basée sur le BlackBerry OS 6.0, un système d’exploitation qui sera normalement lancé vers la fin de l’été. À l’instar de l’iOS d’Apple ou l’Android de Google, ce SE sera, comme il se doit, ravissant, pinçonnant, écartillant et tapotant. Mais son intérêt, c’est qu’il rendra possible, spécule-t-on au WSJ, le lancement d’un « dispositif compagnon » de type tablette. En gros, pour aller sur Internet ou communiquer, le nouveau produit aura besoin de se connecter à un BlackBerry, seul bidule disposant de la félicité cellulaire, d’où le mot « compagnon ».

Loin de moi l’idée de faire porter le débat sur l’aspect idiot ou visionnaire de ce concept de produit « compagnon ». L’avenir nous dira si le WSJ a bénéficié de révélations émanant de sources généralement bien informées ou s’il n’a fait que reprendre la rumeur qui se clabaude sur le Net depuis quelque temps. De même, on saura si RIM se jette dans la fosse aux lions ou si elle demeure sage et prudente dans son pays à la culture plus conservatrice que celle de la Silicon Valley.

Pas plus que je n’ai le goût de parler de la part de marché en régression du BlackBerry aux É.U. pour cause de popularité croissante du iPhone et des bidules sous Android; lisez plutôt les stats du WSJ; elles sauront vous éclairer. Et je ne vous entretiendrai pas non plus de l’effet « deux pour le prix d’un » qui semblerait caractériser assez souvent les appareils de RIM chez nos voisins du sud, ainsi que celui du monopole de facto de la détestée AT&T qui handicaperait les ventes du iPhone. Enfin, je ne glisserai mot sur l’effet lemming qui semble caractériser l’industrie : Apple fait un tabac d’enfer avec son iPad; tout le monde veut en faire autant, encore faut-il le pouvoir! Mais la direction a été montrée : une « terra incognita » ouverte aux audacieux.

Parlons plutôt entre nous, nous ces rudes et impavides utilisateurs d’ordis depuis les aurores néandertaliennes, de la métaphore du Bureau, ce « changement de paradigme » lancé par Xerox à la fin des années 70, qui, jusqu’à preuve du contraire, requiert une souris. Windows 7 a beau disposer de fonctions tactiles brillantes, le geste de positionner à l’écran son curseur, de sélectionner un mot, un objet, un paragraphe, un champ, semble aller de soi avec une souris. On tape, on bouge la main vers la droite, on attrape la souris et on complète son opération. On n’y pense même plus. Cela va de soi. Tout est conçu pour fonctionner ainsi, des menus déroulants aux tics de fenêtres.

Or, le travail en mode tactile oblige la main à abandonner le confort de l’appui-bras ou du rebord de la table, pour se lever à bout de bras en direction du moniteur afin d’appuyer-pousser-taper sur quelque chose. Plus le moniteur est gros, plus le geste est important. Tapoter sur un écran de 24 pouces entraîne, à la longue, plus de fatigue physique que de le faire sur celui d’un PC tablette. Sans compter les distractions et la perte de productivité que cela peut entraîner. Tellement qu’une des raisons qui m’ont amené à aimer ce genre d’ordis est le fait que l’on peut en tout temps, utiliser la souris. Les modes tactile et stylet viennent en sus.

Ce qui signifie que si on n’a pas vraiment besoin d’une application de cette nature, on finit par ne plus trouver son profit dans l’univers des ordis tablette et on revient dare-dare au confort du bon vieux bloc-notes (laptop). D’où la part de marché décevante des PC tablette au bout de huit années de mises en marché.

Pourtant, voilà que ce concept vient de revenir à la mode. Quant Microsoft, HP, Sony et des Asiatiques, p. ex. Acer, (idem pour d’autres produits dont notre ExoPC national) ont annoncé leur projet de tablette en décembre et janvier dernier, des PC sous Windows avec une surcouche ergonomique à la sauce iPhone, un secret de polichinelle caractérisait le lancement imminent de celle d’Apple.

Mais quand Steve Jobs a brandi finalement son iPad, les Microsoft-Sony-HP jetèrent la serviette. Pourquoi? Parce que le bidule d’Apple n’était pas un ordi en bonne et due forme, mais un hybride nouveau genre qui allait plaire à beaucoup de monde, tout en déplaisant à la clientèle heureuse dans le traditionnel « PC Ecosystem ». La très médiatisée ardoise proposait avec brio une nouvelle façon très conviviale de fonctionner sans souris, sans menus déroulants ni menus contextuels, sans corbeille, sans gravure de CD/DVD, sans structure de fichiers apparente. Tout un imprévu! Toute une remise en question! Le pire, c’est qu’à l’automne, Jobs recommencera avec une version rehaussée, revue et corrigée du iPad. Hum!

Prenez ma blonde, une utilisatrice de BlackBerry qui n’a jamais vraiment tripé ordi. La semaine dernière, je lui ai confié, juste pour voir, le iPad 3G qu’Apple Canada m’avait prêté. Comme par le passé, il lui était déjà arrivé de s’amuser avec un iPod touch, elle a tout fait ce qu’elle avait envie de faire avec le iPad, y compris se télécharger des livrels et lire La Presse. Jamais elle n’a lu d’instructions ni m’a demandé de l’aider. Moi, pour réaliser ce que je souhaitais faire, j’ai dû ajouter un clavier, acheter des applications et bricoler en mode FTP. Au terme, j’ai admis m’ennuyer de mon bloc-notes.

La différence? Si tous les deux nous sommes hautement tributaires du Net pour nous informer et communiquer, moi je tripe ordi et ma blonde non. J’adore ouvrir le capot, m’amuser avec des systèmes d’exploitation, bidouiller des applications, etc. Elle n’y voit qu’un appareil électronique dont la marque ou la mouture lui importe peu. Plus c’est simple, plus elle aime. Des mots aussi « populaires » que regedit, resmon ou msconfig lui seront à jamais inconnus. J’ai, à mon actif, 25 ans de Mac, 5 d’OS/2, 20 de Windows et je clique dans Gnome depuis quelques années; imaginez mon conditionnement par rapport à la souris. Ma blonde? Elle n’en a rien à cirer. Alors, qui, d’elle ou de moi, est représentatif de la masse de consommateurs pouvant acheter une tablette? Pas moi en tout cas.

C’est ce qu’ont compris HP, Sony et Microsoft (trop tard pour Acer qui a livré un mauvais produit) pour s’en retourner à leurs tables à dessin. Ils voient les dispositifs intelligents se multiplier, se complémenter. Ils remarquent que des appareils inconnus l’an dernier sont maintenant en voie d’être incontournables. Ils observent les manœuvres de fabricantes de téléphones, de cadres vidéo ou de lectels venir jouer dans le parc des tablettes (p. ex. Pandigital, RIM, et d’autres projets sous Android ou Chrome OS).  Ils flairent un très lucratif marché n’ayant que peu à voir avec celui où ils sont présentement en force, le corporatif. Le problème, c’est qu’ils n’ont d’autres choix que Windows sous une surcouche affriolante (celle du Win Phone 7, une de celles de Palm – avalée récemment par HP – une flambant neuve que personne n’a vu venir comme celle de l’ExoPC?). Quant à Windows Mobile, ne tournons pas le fer dans la plaie!

Le iPad démontre qu’il y a un marché, un gros créneau très fricogène qui n’a que fort peu à voir avec les souks lucratifs qu’ont fréquenté jusqu’ici les Microsoft et autres Sony. Mais comme il n’y a pas plus de consommateurs que l’an dernier et que ces gens n’ont guère plus d’argent qu’ils n’en avaient, ce nouveau marché devra conséquemment son opulence aux parts qu’il arrachera aux autres. Car, Lavoisier l’a dit, « rien ne se perd, rien ne se crée ».

Bref, les douze prochains mois pourront être intéressants à cette enseigne.

P.S. – Ma blonde est en train d’apprendre à se passer d’une imprimante grâce au iPad. Tout un exploit!

Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.

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