Impartition et TI: savez-vous vraiment si votre fournisseur fait le maximum?

On présente souvent l’impartition en TI comme une stratégie dont la mise en œuvre permet aux organisations d’abaisser leurs coûts, de réaliser des économies d’échelle ou d’accroître leur flexibilité.

De nombreuses organisations ont appris à leurs dépens qu’il peut être risqué de confier à une tierce partie des fonctions ou des opérations TI autrefois exécutées à l’interne. Si l’impartition des TI n’est pas une bonne ou mauvaise manœuvre en soi, il y a toutefois de bonnes ou mauvaises décisions en la matière.

Selon une théorie économique importante, trois grands dangers guettent l’organisme ou l’entreprise qui décide, par contrat, d’impartir une partie de ses opérations TI à un fournisseur externe.

D’abord, comme il est impossible à l’organisation cliente de continuellement surveiller les actions de son nouveau partenaire, il est difficile pour elle de se protéger de certains aléas moraux, de discerner, notamment, si un problème est dû au manque d’effort ou à la négligence de son fournisseur ou s’il est imputable, comme pourra le prétendre ce dernier, à un événement totalement imprévisible.

Ensuite, le client choisit parfois le mauvais fournisseur (il fait une sélection adverse), parce qu’il a de la difficulté à évaluer les points forts et faibles des entreprises candidates et à vérifier la véracité de leurs affirmations.

Enfin, il arrive que le fournisseur sélectionné s’engage imparfaitement dans la relation, par exemple, qu’il revienne sur sa promesse de livrer un service donné sous prétexte que « le contrat manquait de clarté à ce sujet ».

Heureusement, une organisation cliente peut se soustraire à ces périls en appliquant différentes tactiques.

Pour mieux se prémunir contre les aléas moraux, elle peut, entre autres, définir clairement les standards de performance que les impartiteurs devront respecter, prendre des mesures pour contrôler le niveau d’atteinte de ces standards, chercher à augmenter la quantité d’informations recueillies au sujet d’un fournisseur et relier paiements et réalisations.

Par exemple, Publix (nom fictif), une grande entreprise qui recourt fortement aux TI pour accroître sa profitabilité, a cherché à se protéger de certains risques en faisant appel à trois impartiteurs (elle n’était donc à la merci d’aucun fournisseur en particulier) et en forçant ceux-ci, par contrat, à coopérer les uns avec les autres. Ainsi, chaque fournisseur avait la responsabilité d’évaluer la qualité du travail effectué par les deux autres et de dénoncer tout manquement. En exigeant de ses impartiteurs qu’ils assurent – à prix fixe, contrairement à la tradition – la maintenance des systèmes créés sous leur gouverne, la direction de Publix les a aussi fortement incités à consentir les efforts promis au départ.

Pour éviter de devoir composer avec les impacts associés à la sélection d’un fournisseur inadéquat, une organisation doit bien sûr se renseigner sur la réputation de chaque candidat et étudier sa liste de clients, mais elle peut aussi recourir à d’autres mécanismes. Ainsi, la rédaction d’un contrat prévoyant de lourdes pénalités dans le cas de pannes majeures peut servir à éloigner les candidats moins qualifiés. De même, l’organisation d’appels d’offres hautement concurrentiels force les fournisseurs potentiels à présenter des propositions réalistes, sur le plan des coûts, s’ils veulent accroître leurs chances de gagner sans courir le risque de perdre de l’argent.

Pour sa part, la direction de Publix a su attirer des impartiteurs compétents et audacieux en faisant formellement connaître, d’entrée de jeu, son intention de transférer à ses fournisseurs une partie de ses risques en TI. De plus, elle a su rédiger ses contrats d’impartition de manière à ce qu’il soit seulement possible aux meilleurs fournisseurs de réaliser des profits. Enfin, l’entreprise a su faire en sorte que ses impartiteurs agissent davantage en tant que collaborateurs que fournisseurs en alignant ses objectifs avec les leurs, par exemple en assurant que tous profitent de la revente ailleurs dans le monde des TI développées pour Publix.

Finalement, pour augmenter la probabilité qu’un fournisseur s’engage à fond dans la relation d’impartition, le client peut notamment lui offrir un contrat à long terme ou, encore, lui demander de déposer un cautionnement pour garantir l’exécution de ses obligations (ce dépôt est perdu, par exemple, si le système livré fonctionne moins bien que prévu).

Publix a recouru à la première de ces deux approches pour encourager ses fournisseurs à investir des ressources considérables dans la connaissance des activités de l’entreprise, et pour amener ses impartiteurs à aborder avec enthousiasme certains projets moins rentables (un autre projet, demain, s’avérerait plus lucratif).

En conclusion, il paraît possible, dans le cadre de tout contrat d’impartition, de faire en sorte que les fournisseurs recherchent leur propre intérêt sans négliger celui de leur client. Il est évidemment plus exigeant – et coûteux – de mettre en place les pratiques qui permettent d’arriver à ce résultat, mais le jeu en vaut la chandelle.

Pour obtenir plus de détails sur cette recherche, consultez: Aubert, Benoît, Michel Patry et Suzanne Rivard (2003), « A tale of two outsourcing contracts. An agency-theoretical perspective », Wirtschaftsinformatik, volume 45, numéro 2, p. 181-190, téléchargé le 5 juin 2008 à cette adresse.

Benoît Aubert est professeur titulaire à HEC Montréal et PDG du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Michel Patry dirige HEC Montréal, en plus d’enseigner à Institut d’économie appliquée de cet établissement. Suzanne Rivard est professeure titulaire à HEC Montréal, où elle préside notamment la Chaire de gestion stratégique des technologies de l’information (TI).

La diffusion de ces résultats de recherche est rendue possible par une subvention octroyée par le Fonds de recherche sur la société et la culture (FQRSC) à Benoit Aubert (HEC Montréal), Bouchaib Bahli (Université Concordia), François Bergeron (Télé-Université), Anne-Marie Croteau (Université Concordia) et Suzanne Rivard (HEC Montréal) dans le cadre d’un programme de recherche sur la Gestion stratégique des technologies de l’information.

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