Environnement et société: les TI sont des agents de changement

Les solutions logicielles de Boréalis, de Magog, visent à atténuer les impacts environnementaux et sociaux des projets d’exploitation de ressources naturelles. Selon son cofondateur Patrick Grégoire, l’ère de changement qui vise la coopération des entreprises et des communautés ne fait que commencer.

Boréalis, de Magog, a récolté récemment des prix qui soulignaient le caractère entrepreneurial de ses jeunes cofondateurs (Prix de la Banque de développement du Canada, finaliste au Grand prix de l’entrepreneur Ernst & Young), mais aussi la responsabilité sociale de l’entreprise (Prix Deloitte). Quelques jours plus tard, Boréalis obtenait un investissement de 100 000 $ du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation pour soutenir le développement d’une solution logicielle.

L’entreprise, qui compte près de 40 employés a été fondée en 2004 par Jules Paquette et Patrick Grégoire. Dès 1998, ils ont collaboré à des projets commerciaux fondés sur la géomatique d’affaires pour des clients des industries minières, pétrolières, gazières et autres. Or l’emphase commerciale de leur entreprise vise la performance environnementale et la responsabilité sociale. En clair, leurs solutions logicielles modulaires visent à réduire les impacts sur la nature et sur les populations des projets commerciaux de leurs clients.

Au niveau environnemental, les solutions ont trait à la gestion de l’empreinte environnementale et au suivi des émissions de gaz à effet de serre, à la gestion opérationnelle et au suivi de la conformité ainsi qu’à l’évaluation de cycles de vie. Au niveau social, les solutions servent à l’exploration et à la gestion du territoire, mais aussi à la gestion des relations communautaires, au développement communautaire ainsi qu’à la compensation et la réinstallation de populations.

Réglementations et pressions

Patrick Grégoire, qui est vice-président chez Boréalis, confirme que l’intérêt porté envers l’environnement et la responsabilité sociale par les entreprises est en croissance. Alors que maints d’efforts législatifs ont été réalisés au cours des dernières années en matière d’environnement, les aspects sociaux, depuis cinq ans, font l’objet d’un nombre accru d’initiatives.

M. Grégoire fait état de pressions de bailleurs de fonds qui sont signataires des Principes de l’équateur, soit un ensemble de normes de l’industrie mondiale du financement des projets qui traite des enjeux environnementaux et sociaux; des normes de la Société financière internationale de la Banque mondiale et de lois établies par les gouvernements. Il donne l’exemple du projet de loi C-300, qui permettrait au gouvernement canadien d’enquêter sur des plaintes liées à l’environnement et aux droits de la personne à l’égard d’entreprises canadiennes qui réalisent des projets dans des pays en développement. M. Grégoire évoque également un concept nommé Social licence to operate, où les croyances et les perceptions des communautés touchées jouent un rôle important dans la réussite d’un projet commercial.

« En travaillant dans un pays en développement où il y a des impacts sur une communauté, si on n’implique pas cette communauté dans le processus de façon collaborative et transparente, l’organisation est sujette à des critiques de la part de la population, des médias, des ONG… On peut en arriver à un point où les communautés se rebellent face à un projet, à des manifestations, à des grèves générales, à des arrêts des opérations qui peuvent mener à l’arrêt du projet et la perte de l’investissement », constate M. Grégoire.

Communication accélérée, perception changée

Selon M. Grégoire, le changement technologique le plus marquant depuis le début de sa carrière, à la fin des années 1990, est l’essor de la communication par le réseau Internet.

« Aujourd’hui, en Afrique, même dans les villages les plus reculés tout le monde a accès à la technologie. Beaucoup d’informations qui proviennent des projets [dans ces endroits] sont véhiculées à une vitesse extraordinaire auprès des ONG, des médias… Cet aspect a contribué beaucoup à l’évolution et à la nécessité des normes sociales.

« Les rumeurs, qui pouvaient prendre plusieurs semaines ou même des mois avant de sortir d’une zone de projet, aujourd’hui [circule] de façon rapide. Il y a des rumeurs qui sont fondées et d’autres ne ne sont pas, mais dans tous les cas il faut les gérer. L’évolution des communications a aussi permis de rendre l’information disponible aux consommateurs et aux investisseurs qui sont principalement basés dans les pays occidentaux. »

À propos de l’évolution des perceptions envers les enjeux environnementaux et sociaux, M. Grégoire souligne que des entreprises qui oeuvrent dans des secteurs plutôt conservateurs font preuve d’une plus grande conscientisation, placent la responsabilité sociale à niveau organisationnel plus stratégique et consacrent des postes de direction à cet effet. Il ajoute que les communautés font preuve d’une plus grande sensibilité, alors que les précédents créés par les premiers projets qui traitent les populations de façon convenable font croître les attentes des autres.

« En rehaussant les standards de part et d’autre, on crée une convergence où on oblige les deux parties à travailler ensemble, ce qui crée une situation gagnant-gagnant », estime-t-il.

Analyse sociale

À propos des évolutions technologiques qui intéressent son entreprise, M. Grégoire pointe vers l’analyse et la prévision de tendances par le biais de la réseautique sociale.

Il compare sa solution à un « progiciel de gestion intégré social », où une application formalise les processus dans l’activité sociale de façon modulaire. On y ajoute des outils d’intelligence d’affaires et de géomatique, mais aussi des outils de prévision et de tendances pour voir l’évolution des problématiques. Ces derniers outils permettent de faire un suivi de la communauté et de l’entreprise, pour comprendre les attentes de la première et assurer le respect des engagements de la seconde.

Cela nécessitera la découverte de mécanismes de recueillement soutenu de données provenant de la communauté et de l’entreprise. Ces données seront ensuite analysées pour en dégager des modèles de prévision, afin de mieux gérer les parties prenantes.

« Nous voulons comprendre une rumeur, quelle a été l’influence des personnes qui l’ont rapporté, où cela peut mener… Au niveau technologique, l’analyse d’information sera un de nos focus au cours des prochaines années. Nous avons accumulé beaucoup de données dans nos projets et nous commençons à comprendre des phénomènes et il nous faut intégrer des modèles prédictifs », explique M. Grégoire.

Chemin à faire

M. Grégoire s’est dit ravi que les valeurs de l’entreprise et des fondateurs puissent être concrétisées dans une offre de services qui est porteuse de succès.

« De voir qu’il y a une application directe de nos valeurs dans notre travail est valorisant et cela nous motive davantage à pousser dans cette direction […] Il y a beaucoup de drive qui est associée à l’évolution et aux changements que cela apporte.

« Nous sommes positionnés dans un changement majeur et nous ne faisons que commencer à le voir. La norme ISO 26 000 [qui sera au niveau social l’équivalent de la norme ISO 14 000 au niveau environnemental] devrait être émise en 2010, mais il n’y aura pas de certification avant plusieurs années. C’est encore récent et il y a encore beaucoup de chemin à faire… », constate-t-il.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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