Du pratique au superflu

Les TIC, en théorie, doivent être adoptées par nécessité et avec pragmatisme. Gare à la «technosurconsommation»…

Il est indéniable que les technologies de l’information et des communications (TIC) ont un impact profond sur la vie des individus et sur le fonctionnement des organisations. La téléphonie, la transmission du son et de l’image, l’informatique, la réseautique et les technologies portatives ont changé de façon déterminante le quotidien de millions de personnes physiques et morales.

Les éloges envers les TIC sont nombreux et variés. Que de gains de performance elles apportent! Quelle valeur ajoutée! Les possibilités sont illimitées! On ne peut s’en passer! Elles sont révolutionnaires! Comment a-t-on pu vivre sans cela? Ainsi, ces technologies sont perçues comme un outil, un élément essentiel ou une nécessité vitale, selon l’engouement ou la dépendance de chacun…

À chaque année, et même à chaque mois, arrive sur le marché un nouveau produit ou un nouveau service qui est destiné soit au grand public, soit à des clientèles précises. Ces composantes des TIC font l’objet de lancements lors d’une conférence de presse, ou bien d’une annonce lors d’une conférence du manufacturier. Elles sont présentées dans des foires commerciales, par des représentants qui approchent des distributeurs et des détaillants, ainsi qu’à divers médias spécialisés.

Peu après, les premiers exemplaires font leur apparition sur le marché entre les mains d’utilisateurs de la première heure, ce qui suscite l’intérêt d’amis, de collègues ou de purs inconnus. Ces personnes se diront  : « Mmh, cela pourrait m’être utile… » et iront s’en procurer un ou bien le mettront sur leur liste de présents désirés, dans l’espérance que leurs parents/conjoints/patrons/responsables des achats exauceront leurs voeux et leur en remettront un exemplaire. Enfin, à leur tour, ces personnes pourront bénéficier des avantages de ces TIC pour obtenir un gain de productivité ou pour améliorer leur vie au quotidien.

Du travailleur au consommateur

Les TIC, à l’origine, étaient surtout destinées à des fins commerciales, académiques ou entrepreneuriales. Les ordinateurs centraux, bien sûr, étaient destinés aux organisations qui avaient les moyens de les acquérir. Les premiers ordinateurs personnels étaient utilisés par les gens d’affaires. Les premiers ordinateurs portatifs étaient réservés aux représentants sur la route et aux employés qui voyageaient fréquemment souvent (ou qui ramenaient souvent du travail à la maison). Les premiers téléphones cellulaires et les premiers téléavertisseurs étaient utilisés par des entrepreneurs ou par des commis. Enfin, les assistants numériques personnels étaient réservés aux gens d’affaires qui avaient des horaires fort chargés.

Aujourd’hui, la situation est tout autre : c’est le marché des particuliers qui connaît une expansion constante en matière de nouveaux produits et services. Alors qu’au début ces technologies étaient surtout utilisées en famille, maintenant c’est l’individu qui se dote de ses propres composantes technologiques. Les TIC servent au travail, au repos et dans les loisirs, pour s’instruire, s’amuser, se divertir ou bien faire des affaires.

Or, il semble que le rapport avec les produits et les services technologiques glisse de plus en plus de l’utilisation vers la consommation, voire la surconsommation.

Des individus se dotent d’un nombre croissant de composantes matérielles fixes et portatives, tout comme de dizaines de logiciels, pour lesquels on se demande où ils trouvent le temps nécessaire pour les utiliser. Plus encore, comme plusieurs faisaient de même avec l’automobile il y a quelques décennies, certains remplacent leurs composantes par le modèle dernier cri aussi souvent que possible, même si les produits précédents fonctionnent encore bien.

Jouets numériques?

D’autre part, des individus ont une préférence pour des appareils ou des logiciels dotés d’un maximum de fonctions, dont certaines ne sont pas essentielles. Ces fonctions seront à portée de main « au cas où », mais dans la plupart des cas elles seront peu ou jamais utilisées. Mais encore faut-il que ces composantes soient acquises à des fins pratiques et concrètes, car certains se dotent de technologies parce qu’elles se créent un besoin, pour être à la mode ou pour « être comme les autres. » Dire que des « starlettes » sont engagées pour promouvoir des « accessoires technologiques » parce qu’elles inciteront des amateurs de potins à se le les procurer!

L’Internet, ce véhicule de transmission de l’information, contribue à créer ces besoins d’acquisition de produits et de services, quand il n’incite pas des individus à s’abonner à des dizaines de sites et de réseaux sociaux qui seront utilisés de façon épisodique. Enfin, certains accumulent les technologies, tout comme les contenus multimédias et numériques, comme d’autres font des provisions « pour plus tard. »

Certains détenteurs de TIC font penser aux enfants dont les coffres débordent des jouets qui ne servent que quelques minutes à la fois, s’ils sont utilisés ne serait-ce que plus d’une fois. Il est possible que la diminution des prix des produits technologiques, en raison de leur fabrication à bon marché, ait contribué à mousser le volet quantitatif plutôt que le volet qualitatif de l’utilisation des produits en question.

Il n’y a pas si longtemps les enfants n’avaient que deux ou trois jouets, mais ces jouets étaient utilisés constamment jusqu’à ce qu’ils tombent en morceaux ou en lambeaux. Les heures de plaisir passées avec ces jouets resteront gravées longtemps dans leur mémoire. Pour les technologies, on peut faire la même analogie, alors que certaines personnes utilisent au maximum des ordinateurs qui ont sept ans d’âge, sans se plaindre de leur relative lenteur, pour accomplir des choses merveilleuses. Plus encore, d’autres tirent encore du plaisir à écouter de disques sur un gramophone vieux de cent ans (il est fort à parier qu’il n’y aura pas beaucoup de gramophones à port USB ou à liaison Wi-Fi en magasin cet été…)

Soyons réalistes : ce n’est pas demain la veille que les pratiques de surconsommation des TIC s’estomperont. Au contraire, les enfants naissants vivront dans un univers où ils seront fortement sollicités à adopter telle ou telle technologie « pour leur plus grand bien. » Plus que jamais, il faudra leur inculquer la sagesse nécessaire pour une utilisation pratique et rationnelle des TIC…

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.


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Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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