Des repères, des objectifs et des buts

La cartographie en ligne, autant celle qui est destinée au grand public qu’aux ressources internes, n’a pas fini d’évoluer ni de démontrer son potentiel aux organisations. Des spécialistes suggèrent quelques pistes pour éviter les chemins tortueux ou sans issue lors d’un projet d’implantation.

L’accessibilité de la réseautique, notamment du réseau Internet, a élargi considérablement le potentiel d’exploitation d’applications cartographiques. Qu’elle soit utilisée aux fins du grand public ou bien par des ressources internes, la cartographie en ligne suscite un intérêt grandissant au sein des organisations.

Avec l’évolution des traitements informatiques et de la largeur de la bande passante, on constate une augmentation de la qualité des cartes, l’ajout du routage et de la géolocalisation et l’intégration de métadonnées provenant de sources diverses.

Aujourd’hui, des traitements complexes sont exécutés rapidement et consultés par le biais d’un simple fureteur, des applications sont fondées sur des applications composites (mashups) qui combinent diverses sources d’information et de traitement, et leur accessibilité à l’aide d’appareils mobiles fait l’objet de prédictions de croissance à moyen terme.

Évolutions

Jean-Sébastien Turcotte est vice-président exécutif de Korem, une firme de Québec qui réalise des projets de cartographie en ligne depuis 1998. Il affirme que la démocratisation de la cartographie sur l’Internet a eu un impact majeur autant auprès des utilisateurs de la technologie que des fournisseurs de solutions.

« L’arrivée de Google dans ce domaine, il y a quelques années, a eu le bienfait de faire du marketing gratuit pour toutes les firmes du domaine, estime M. Turcotte. Tout le monde est devenu conscient de l’intérêt et de l’importance de la cartographie pour faire des analyses. Cela a également mis la barre très haute au niveau de l’interactivité et de la facilité d’utilisation. »

Alain Dombrowski est directeur régional de ESRI Canada, une entreprise spécialisée en systèmes d’information géographique qui est présente au Québec depuis 1989, à l’époque où les applications de cartographie étaient exploitées sur des ordinateurs centraux. Il souligne également l’évolution de ces applications, au gré de l’augmentation de la qualité des données et de la complexité des traitements.

« Ce ne sont pas que les utilisateurs humains qui en profitent, alors que le Web sert à la communication entre différentes applications et différents systèmes, et facilite leur intégration à travers une architecture orientée services, remarque M. Dombrowski. Cela permet à l’information géographique de “participer” aux systèmes d’entreprise, pour ajouter de la valeur à la réflexion, à l’analyse et à la décision d’entreprise, de façon plus légère et flexible. La vision future est que les humains interagissent avec un réseau de sites qui interagissent entre eux. »

Marché en progression

M. Turcotte classifie les applications de cartographie en ligne en trois catégories. En premier lieu, il y a celles qui sont destinées au grand public, relativement simples et dotées de peu de fonctionnalités, qui servent à identifier l’emplacement de succursales ou à tracer des itinéraires. « Le moins de fonctionnalités on y met, le mieux on s’y retrouve », commente-t-il.

Les applications semi-professionnelles, exploitées en intranet et utilisées par un plus grand nombre de personnes, ont plus de fonctionnalités et demandent un apprentissage supplémentaire. Elles offrent toutefois plus de capacités d’analyse d’interprétation et de sélection des données. Les organisations qui y ont recours sont variées, comme les organismes de sécurité publique, les entreprises de télécommunications, les entreprises de vente au détail qui effectuent du marketing ciblé, les entreprises de distribution et les fournisseurs de services publics.

Enfin, il y a les outils très spécialisés, utilisés par un petit nombre de personnes, mais dotés d’un grand nombre de fonctionnalités, par exemple celles qui sont employées dans des centres d’opération de réseaux.

« Les domaines traditionnels vont continuer de croître, mais l’ensemble de la croissance du marché se situe dans les domaines où les entreprises ne l’utilisent pas encore de façon intense, estime M. Dombrowski. Les coûts du recours à l’information géographique diminuent et les données et les traitements sont de plus en plus disponibles et abordables, alors [la cartographie en ligne] procure un élément de raffinement au processus de décision. »

Enjeux non technologiques

Si l’utilisation d’une application de cartographie en ligne semble facilitée au gré de l’évolution des technologies, son développement peut impliquer certains enjeux. Or, ces enjeux ne sont pas nécessairement de nature technologique.

« Curieusement, l’enjeu premier n’en est pas un de programmation ou de technologie, mais de données, estime M. Turcotte. Quelle est la meilleure donnée pour un client? Dans un cas, il faut celles d’un fournisseur, car il y a un besoin pour des données de recensement, et dans un autre cas, il faut celles d’un autre fournisseur, parce que la précision des rues est plus importante. »

« Il faut aussi s’aligner avec les données utilisées à l’interne par une organisation, alors que plusieurs organisations ont des groupes de géomatique qui ont déjà fait des choix de données. Il y a des enjeux de compatibilité des sources de données, mais des standards mondiaux d’ouverture et d’interaction ont été développés et donnent certains résultats », ajoute-t-il.

M. Dombrowski souligne que les outils servant à l’intégration des données sont disponibles, mais il met l’emphase sur la modélisation de données, cette étape où l’on pense à ce que l’on veut faire avec l’application de cartographie. « Il faut structurer notre base de données en conséquence, ce qui constitue toujours un enjeu, mais maintenant la pratique est plus répandue et les outils offerts, autant les outils génériques que les extensions d’interopérabilité, facilitent les choses. Il faut aussi effectuer un contrôle de la qualité des données », précise-t-il.

D’autre part, dans le cas de l’intégration de services pour l’ajout de valeur au sein d’une application de cartographie en ligne, M. Dombrowski mentionne que des embûches peuvent se présenter au niveau administratif d’une organisation.

« Il faut établir des accords de services entre les différentes parties d’une organisation, recommande-t-il. Il y a toujours des mandataires qui ont la responsabilité de créer certaines données et certains services, qui veulent s’assurer qu’ils livrent une donnée de qualité qui restera inchangée, qui n’y aura pas de doublons, et qu’ils pourront en répondre en raison de cette responsabilité. »

Faire un plan

En matière de stratégie, les spécialistes suggèrent d’effectuer un bon travail de préparation pour éviter les mauvaises surprises.

L’entreprise qui souhaite déployer une application de cartographie en ligne doit définir les objectifs du recours à un tel système, tout comme elle doit comprendre les utilisateurs qui emploieront l’application, connaître leurs profils, et définir les actions qu’ils devront ou souhaiteront effectuer. Le partenaire externe devra également avoir de bonnes discussions avec les personnes à l’interne pour bien comprendre les données et les besoins. Toutefois, ils suggèrent d’apporter une attention particulière à certains éléments dont l’importance peut être sous-estimée à certaines étapes d’un tel projet.

« Une des erreurs courantes est d’impliquer la cartographie en milieu et en fin de projet, indique M. Turcotte. On se ramasse alors dans des situations plus compliquées pour l’ajout de composantes cartographiques aux outils qui sont développés. Si on avait pu intervenir en début de projet, on aurait pu faire économiser du temps et de l’argent pour augmenter les capacités d’analyse et bien structurer les données afin qu’elles puissent bien se prêter à une application spatiale. »

« La majorité des organisations ont au moins un ou deux géomaticiens qui, par exemple, vont faire des analyses de marché ou des trajets de camions. La mise en place d’une application de cartographie en ligne ne peut pas se faire sans tenir compte du travail au quotidien de ces personnes, parce qu’il faut que les travaux faits sur les données aillent dans la même direction », ajoute-t-il.

« Il faut bien comprendre la charge qui peut s’appliquer sur un serveur, suggère M. Dombrowski. Il faut savoir combien de personnes accèderont en même temps à ce site pour être sûr qu’on conçoit le système avec une puissance suffisante pour que l’utilisateur soit à l’aise avec l’expérience d’interaction.

« La connaissance des objectifs des utilisateurs est primordiale. À l’interne, il y aura beaucoup moins d’utilisateurs qui auront des besoins plus sophistiqués, alors qu’une application grand public sera plus simple, mais aura un très grand nombre d’utilisateurs », ajoute-t-il.

Rendement sur l’investissement

Un projet d’implantation d’une application de cartographie en ligne pourra avoir divers impacts auprès de l’organisation qui y a recours. Dans le cas des applications destinées au grand public, les revenus pourront augmenter et le service pourra être amélioré. Les applications déployées à l’interne pourront également servir à réduire les coûts, à réduire les délais, à mieux gérer des actifs ou à déceler plus facilement des tendances.

Or, la constatation d’un lien entre l’application et les résultats nécessite un exercice de mesure, soit au gré de l’utilisation, soit à l’aide d’une comparaison planifiée à l’avance.

« Pour les applications grand public, on met en place des mécanismes de suivi des journaux (de connexion), pour savoir ce qui a été recommandé [par l’application] et si cela a permis d’aller au magasin. Des entreprises vont même jusqu’à offrir au client d’imprimer un coupon-rabais lorsqu’un magasin est trouvé, ce qui permet de savoir si le client se sera rendu jusqu’au magasin », explique M. Turcotte.

« Pour une application [interne], il faut avoir une ligne de base des processus avant l’utilisation. Mettre en place un tel système pour aider une organisation à réaliser son mandat est un projet de changement technologique d’envergure », déclare M. Dombrowski.

« À la base, les pratiques exemplaires sont de comprendre les coûts et les revenus associés aux processus avant la mise en place des nouvelles technologies, pour ensuite faire un étalonnage et voir où se trouve le meilleur rendement sur l’investissement. »

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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