Budget fédéral : des centaines de millions de dollars pour les TIC

La déduction pour amortissement liée aux ordinateurs serait applicable en entier et en une seule année, mais on en appréhende les impacts environnementaux. Inforoute Santé du Canada et d’autres projets recevraient le soutien d’Ottawa, qui voudrait aussi inciter les organisations à transmettre de façon électronique leurs déclarations.

Le budget de l’année 2009 du gouvernement conservateur – nommé Le plan d’action économique du Canada – a été présenté au parlement canadien qui doit l’entériner ou le rejeter lors d’un vote qui est prévu sous peu. Ce nouvel exercice financier comporte quelques mesures de soutien à l’utilisation des technologies de l’information et des communications, qui pourraient se concrétiser advenant l’adoption du budget par la Chambre des communes, ce qui devrait se faire sans trop de difficultés désormais.

La mesure qui intéressera probablement les organisations a trait à l’accélération de la déduction pour amortissement qui s’applique pour les ordinateurs et les logiciels qui seront acquis après le 27 janvier 2009 et avant février 2011. Alors que le Règlement de l’impôt sur le revenu donne droit habituellement à une telle déduction à un taux de 55 %, le budget 2009 propose une mesure temporaire qui permettrait de déduire la totalité du coût des composantes acquises lors de la première année.

D’ailleurs, le gouvernement compte ne pas appliquer la règle voulant que la déduction soit limitée à la moitié du montant amortissable lors de la première année.

Les composantes admissibles à cette déduction, définies dans la « catégorie 50 » du Règlement de l’impôt sur le revenu, seraient le matériel « universel » de traitement de l’information, le matériel auxiliaire et les logiciels de systèmes connexes. Toutefois, la mesure ne s’appliquerait pas aux biens qui composent ou servent d’équipement de contrôle ou de surveillance du processus électronique ou d’équipement de contrôle des communications électroniques, ni aux logiciels pour ces équipements, ni au matériel de traitement de l’information qui ne peut être ajouté à l’équipement admissible.

De plus, le matériel et les logiciels admissibles à la déduction devraient être situés au Canada. Ces composantes devraient être acquises par un contribuable aux fins d’une utilisation ou d’une location à une entreprise en exploitation au Canada ou pour tirer un revenu de biens situés au Canada. Enfin, ces équipements devraient ne pas avoir été utilisés ou achetés pour servir à d’autres fins avant leur acquisition par le contribuable.

Cette mesure, qualifiée de temporaire, serait en place pour deux ans. D’après les documents budgétaires, à elle seule, cette mesure privera le gouvernement de près de 700 millions de dollars en revenus fiscaux.

Impact fiscal

Martin Vézina, directeur principal de la fiscalité chez Samson, Bélair, Deloitte et Touche, indique que la mesure s’appliquerait principalement aux ordinateurs personnels, alors que les serveurs seraient considérés comme étant des équipements d’infrastructure de réseau de données. M. Vézina concède que les définitions édictées dans la catégorie 50 ne sont pas toujours évidentes à comprendre, alors que les catégories de matériel ont beaucoup évolué au fil des années…

Toutefois, il explique que l’accélération de la déduction pour amortissement aurait des impacts concrets dans la fiscalité des organisations.

« Avant, on pouvait seulement déduire la moitié du taux normal lors de la première année. Depuis 2007, si on achetait un équipement de 100 $, on pouvait amortir la moitié de 55 %, soit 27,50 $ et l’année suivante on pouvait amortir 55 % du solde dégressif, donc 55 % de 72,5 $. Le budget [2009] fait en sorte qu’à l’achat de l’équipement qu’on peut le déduire immédiatement à des fins fiscales, plutôt que de l’amortir avec les taux ou un certain nombre d’années comme auparavant », explique M. Vézina.

M. Vézina ajoute que cette catégorie 50, qui a été introduite au Règlement sur l’impôt sur le revenu dans le budget 2007, n’a pas encore obtenu la sanction royale qui officialise son application, en raison de la longueur du processus d’approbation. Néanmoins, les organisations peuvent appliquer dès maintenant la mesure administrative.

Impact environnemental?

Toutefois, le budget fédéral exprime une certaine crainte quant à l’impact de l’application de cette mesure accélérée d’amortissement sur l’environnement.

Cette mesure temporaire pourrait entraîner des effets négatifs limités sur l’environnement dans la mesure où le matériel informatique qui est remplacé n’est pas entreposé, réutilisé, recyclé ou éliminé d’une manière écologique. Cependant, il existe un certain nombre de programmes gouvernementaux et industriels qui encouragent la réutilisation et l’élimination appropriée du matériel électronique, peut-on lire à la page 357 du document du gouvernement fédéral.

En clair, il semble que le gouvernement fédéral appréhende que les organisations qui tireraient profit de cette disposition fiscale se débarrassent de leur vieux matériel informatique, ce qui contribuerait à hausser la quantité de déchets technologiques. Une exploration sommaire du document fiscal n’a pas permis de trouver de mesure de soutien à la réutilisation ou l’élimination du matériel électronique.

Dave Martin, coordonnateur du dossier du climat et de l’énergie chez Greenpeace Canada, voit dans ce paragraphe du budget une forme de mascarade écologique, puisque le gouvernement ne garantit pas de niveau significatif de réemploi et de récupération des produits qui ont un impact réel sur l’environnement.

« Manifestement, c’est comme un bureaucrate qui regarde par-dessus son épaule et y voit un impact politique au niveau des coûts environnementaux. Cette mesure ne fait pas qu’accélérer la déduction pour amortissement, mais aussi la quantité de déchets électroniques qui est déjà effarante », considère-t-il.

«  Si le gouvernement était vraiment sérieux à vouloir tirer un avantage d’un problème, il aurait pu réguler et financer des programmes obligatoires de récupération et de réutilisation. Il existe une initiative industrielle (EPSC), mais c’est un programme à participation volontaire. Honnêtement, l’enjeu est que l’industrie de l’électronique devrait être forcée à payer et garantir la récupération et le réemploi des produits qu’ils vendent et desquels ils tirent des profits. »

500 M$ à pour l’inforoute santé

Le gouvernement fédéral a intensifié au cours des dernières années son soutien au projet d’Inforoute Santé du Canada, qui consiste à établir des systèmes d’information sur la santé par le biais de dossiers de santé électroniques. Ottawa considère que les dossiers électroniques réduiront les pertes et les chevauchements dans le système de santé et amélioreront la productivité, l’accès aux soins et la gestion des maladies chroniques, en plus de prévenir des combinaisons de soins ou de médicaments qui seraient dommageables pour la santé du patient.

Dans son budget 2009, le gouvernement de Steven Harper prévoit l’allocation de 500 millions de dollars pour aider l’atteinte d’un objectif de création de dossiers de santé électronique pour 50 % de la population du Canada d’ici 2010. Ce montant serait également alloué à la production de systèmes de dossiers de santé électronique pour les médecins, tout comme pour la mise en place de points de service intégrés pour les patients, les établissements communautaires de soins, les hôpitaux et les pharmacies.

225 M$ pour la réseautique rurale

Alors que le fossé numérique persiste entre les agglomérations urbaines et les communautés rurales, le gouvernement Harper souhaite encourager le développement « par le secteur privé » d’une infrastructure à large bande dans les régions rurales.

Ainsi, dans le contexte d’investissements massifs dans les infrastructures, Ottawa allouerait à Industrie Canada 225 millions de dollars sur trois ans qui seraient destinés à la conception et à la réalisation d’une stratégie d’accès aux services à large bande dans les régions non desservies, dès la période 2009-2010. Le blogueur Michael Geist souligne qu’en campagne électorale les Conservateurs avaient promis 100M$ par an sur 5 ans…

Autres mesures technologiques

Le budget 2009 présenté par le gouvernement canadien contient quelques autres mesures qui ont trait au soutien du développement ou de l’implantation des technologies de l’information.

Ainsi, Ottawa souhaite octroyer 50 millions $ à l’Institute of Quantum Computing de Waterloo, en Ontario, pour établir une nouvelle installation de recherche sur l’information et l’informatique quantique de calibre mondial. Ce centre de recherche serait utilisé par des informaticiens, des physiciens, des ingénieurs et des mathématiciens.

Dans le cadre de l’amélioration de la sécurité aérienne, le budget 2009 allouerait 282 millions sur deux ans pour le soutien de l’élaboration de plans de sûreté et pour l’optimisation des activités de l’Agence canadienne de sécurité du transport aérien, mais aussi pour l’instauration d’un nouveau « système d’évaluation des voyageurs » qui nécessitera du matériel d’inspection moderne et de nouvelles technologies.

Le transport ferroviaire ne sera pas en reste, puisque Transports Canada pourrait recevoir 44 millions de dollars en cinq ans pour renforcer ses mécanismes de surveillance, mais aussi pour procéder à des activités de R&D qui mèneraient à la création de nouvelles technologies de sécurité. Enfin, l’Agence spatiale canadienne pourrait recevoir 110 millions $ sur trois ans pour procéder au développement de technologies spatiales et d’applications avancées en robotique.

Emphase sur les déclarations électroniques

Enfin, le gouvernement du Canada souhaite que les organisations adoptent la transmission électronique des déclarations, afin que l’Agence de revenu du Canada puisse générer des économies liées à un gain d’efficacité. Une série de mesures annoncées dans le budget s’appliqueraient dans l’ensemble après l’année 2009, donc à partir de l’année d’imposition 2010.

En premier lieu, les organisations dont le revenu annuel brut dépasse le million de dollars devront transmettre leur déclaration de revenus de façon électronique. Toutefois, l’Agence de revenus du Canada pourrait accorder des exemptions à des organisations dont le recours à la voie électronique ne procurerait pas d’efficacité, comme les sociétés d’assurance.

Également, le seuil établi pour l’utilisation de la transmission électronique pour l’envoi des déclarations de renseignements liées à l’impôt sur le revenu – par exemple les formulaires T4 pour le revenu d’emploi – serait réduit de 90 %, soit de 500 à 50 déclarations. En clair, les moyennes entreprises devraient délaisser le papier et opter pour la transmission binaire.

Afin d’inciter les organisations à emboîter le bas, une nouvelle pénalité serait établie pour celles qui n’auraient pas eu recours au format approprié pour la transmission de leurs déclarations au gouvernement. La première pénalité, de 250 $, s’appliquerait pour l’année d’imposition 2011. Le montant de pénalité serait porté à 500 $ pour 2012, puis à 1 000 $ pour les années suivantes.

De plus, des pénalités seraient imposées aux organisations qui transmettraient leurs déclarations de renseignements en retard ou dans un format inapproprié. Pour les retards, l’amende serait de 100 $ et de 10 $ à 75 $ par jour selon le nombre de déclarations à produire. Quant au format incorrect, qui faisait déjà l’objet d’une pénalité, les amendes seraient réduites en vertu du recours à des amendes variant entre 250 $ et 2 500 $, selon le nombre de déclarations à produire.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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