Bien décider, pour bien informatiser, pour bien décider

L’informatique décisionnelle déborde le cadre traditionnel de l’analyse des données d’affaires. Selon Bill Gassman, analyste à la firme Gartner, les impacts de l’application du concept sont nombreux et divers au sein d’une organisation. En soulignant que les TIC constituent le moyen, et non la finalité en soi, il prône une pensée centrée vers l’organisation plutôt que ses constituantes.

De passage à Montréal à titre de conférencier au 2e Salon de la Business Intelligence, présenté par la Fédération de l’informatique du Québec la semaine dernière, Bill Gassman relate que les organisations ont vécu moult changements au cours des dernières années. Du côté des modèles d’affaires et des façons de travailler, la mondialisation et la délocalisation, la complexification et l’automatisation des processus ainsi que l’accent sur la conformité des résultats et de la gouvernance ont changé la donne. Du côté des employés, il y a une transition de l’approche hiérarchique, où les tâches sont dictées par l’organisation, à des agents libres qui s’appuient sur des connaissances pour prendre des décisions, alors que les accès à l’information se diversifient et se multiplient.

En conséquence, les approches en informatique décisionnelle évoluent selon deux axes. À l’horizontale, les approches varient entre les décisions structurées et définies et les décisions autonomes. À la verticale, les types de données varient entre les données contrôlées et qualifiées et les données ouvertes et non qualifiées.

La définition même de l’informatique décisionnelle s’est considérablement élargie, pour refléter les impacts de cette approche dans la gestion de la performance d’une organisation. En clair, l’insistance doit être mise sur l’adjectif « décisionnelle » plutôt que sur le mot « informatique ».

« En 2004, l’informatique décisionnelle était vue en deux couches, soit un entrepôt de données et des outils de mesure. Mais l’informatique décisionnelle nécessite un meilleur cadre de travail où il faut prendre en considération la stratégie visée, les gens et les compétences, les processus et les plates-formes d’informatique décisionnelle », constate l’analyste.

Virage stratégique

Selon M. Gassman, le recours à l’informatique décisionnelle nécessite la connaissance des mesures sur lesquelles est fondée la stratégie d’une organisation pour en mesurer la performance. « Le chef de la direction doit indiquer quels sont les indicateurs-clés de performance, qui seront ensuite appliqués dans les fonctions d’affaires, puis dans les processus, afin de voir quelles sont les failles et quels en sont les impacts sur ces mesures stratégiques », explique-t-il.

À propos des personnes qui constituent les ressources humaines d’une organisation, M. Gassman met en garde contre celles qui ‘suroptimisent’ les processus « pour conserver leur empire », mais qui ainsi en ‘sousoptimisent’ des portions. « Il faut regarder l’entreprise à un niveau holistique, recommande-t-il. Il faut aussi définir des standards, des méthodes et des politiques, pour avoir une façon commune de faire les choses d’un bout à l’autre de l’organisation, pour parler un langage commun. »

M. Gassman recommande le recours à un gestionnaire de programme d’informatique décisionnelle, qui jouera le rôle de meneur dans un tel projet. Il suggère aussi l’implantation d’un centre de compétence des affaires, soit un comité multipartite qui réunit des personnes des champs des affaires, de l’analyse des données et des technologies pour définir les politiques et la culture de l’informatique décisionnelle dans un département donné.

Le but, ici encore, est de garder l’attention sur la finalité plutôt que sur les moyens. « Ce n’est pas la technologie qui constitue la portion importante, c’est le changement de culture de l’entreprise, pour prendre des décisions basées sur les faits au lieu des tripes », remarque-t-il.

Une décision à la fois

L’analyste n’est pas à court de suggestions qui peuvent augmenter la réussite d’un projet d’informatique décisionnelle : définition de méthodologies réutilisables pour accélérer les implantations et mieux utiliser les ressources rares et coûteuses, liaison des applications d’affaires avec les paliers de stratégie, liaison des applications d’informatique décisionnelle et des outils de présentation des analyses et des rapports, constance et collaboration dans le processus d’analyse, etc.

Toutefois, au sujet des plates-formes, qui couvrent la livraison, l’analyse et le forage des données, il suggère aux organisations de commencer par la base. « Il faut mettre l’emphase sur l’intégration, établir des standards et réduire la redondance, indique-t-il. Il faut voir comment les outils d’informatique décisionnelle peuvent fonctionner ensemble pour améliorer l’efficacité d’une organisation. »

M. Gassman croit aussi que l’information, sur laquelle repose l’informatique décisionnelle, doit être gérée comme un actif stratégique. Il avance que l’intégration de données pourrait prendre d’ici cinq ans la forme d’un service, de la même façon que les applications transitent vers l’architecture orientée service.

« Les entreprises d’avant-garde n’auront pas une application qui sera seulement fondée sur ses seules données. Il sera possible de définir la latence, le format, la qualité et la façon d’acheminer les données, mais leur propriété se situera au niveau corporatif plutôt qu’au niveau applicatif », avance-t-il.

Maturité décisionnelle

En rappelant qu’il faut penser à la stratégie d’une organisation, M. Gassman recommande également de procéder à une forme de socialisation, au sein du cadre de travail élargi en fonction de l’informatique décisionnelle, pour savoir comment se prend une décision, où s’utilise l’informatique décisionnelle et pourquoi ce concept est utilisé.

« Il faut penser à la maturité. Il faut voir où l’organisation se trouve, ce qu’elle doit faire pour atteindre le niveau suivant et quelle est la valeur de l’atteinte de ce niveau. Il faut construire une structure organisationnelle appropriée et définir comment on peut atteindre plus rapidement une approche de mesure de la performance », explique-t-il.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

Articles connexes

Adoption du projet de loi no 38 sur la cybersécurité et la transformation numérique de l’administration publique

Le projet de loi no 38, connu sous le nom de Loi modifiant la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement et d'autres dispositions législatives, a été adopté plus tôt cette semaine par l'Assemblée nationale.

Investissements majeurs de 500 M$US de Microsoft au Québec

Au cours des deux prochaines années, Microsoft investira 500 millions de dollars américains dans l'expansion de son infrastructure infonuagique et d'intelligence artificielle à grande échelle au Québec.

Balado Hashtag Tendances, 23 novembre 2023 — Crise chez OpenAI, des puces Microsoft et investissements majeurs au Québec pour Microsoft

Cette semaine : Grave crise à la tête d’OpenAI, Microsoft conçoit ses propres processeurs et investissements de 500 M$ de Microsoft au Québec.

Consultation publique sur la cybersécurité

Le ministère de la Cybersécurité et du Numérique lance cette semaine une consultation publique sur la cybersécurité. Celle-ci permettra au gouvernement du Québec de solliciter un grand nombre d'intervenants ainsi que la population générale sur les enjeux et les besoins en cybersécurité.

Plus de six PME québécoises sur dix touchées par la cybercriminalité au cours de la dernière année

Un nouveau sondage mené par KPMG au Canada le mois dernier révèle que plus de six PME sur dix au Québec ont été attaquées par des cybercriminels au cours de la dernière année, et près des trois quarts d'entre elles affirment que leurs anciens systèmes d'information et de technologie opérationnelle les rendent vulnérables aux attaques.

Emplois en vedette

Les offres d'emplois proviennent directement des employeurs actifs. Les détails de certaines offres peuvent être soit en français, en anglais ou bilinguqes.