Au-delà de la présence, l’authenticité

Les réseaux sociaux, qui prônent l’interaction, nécessitent une adaptation et une implication active de la part des organisations qui s’y aventurent. Selon deux observateurs, l’honnêteté et la transparence y sont de mise.

Les réseaux sociaux et les autres médias sociaux sur Internet créent de l’engouement auprès des internautes et d’un nombre croissant d’organisations. Deux observateurs de la scène sociale numérique estiment que les organisations québécoises peuvent y trouver une pertinence, pourvu qu’elles connaissent leurs fins et s’en donnent les moyens.

Nicolas Cossette est conseiller Internet à la firme de stratégie interactive NVI de Montréal. Cette firme a créé, il y a deux ans, un réseau social privé pour une communauté de pêcheurs en Amérique du Nord (Bounty Fishing). Depuis, la firme conseille des organisations intéressées par une présence sur les réseaux sociaux.

« On remarque cette tendance où, alors que tout le monde en parle, des entreprises vont [dans les réseaux sociaux] sans se demander ce qu’elles y feront ou ce qu’elles y rechercheront », observe-t-il.

L’entité qui désire s’aventurer sur les réseaux sociaux a l’embarras du choix : réseaux à fonction unique ou multifonction, réseaux voués aux interactions personnelles ou professionnelles, réseau existant ou infrastructure privée… Déjà, des dizaines de réseaux de tout genre sont exploités sur la Toile. Selon M. Cossette, l’organisation devra miser sur ceux où socialisent les internautes visés.

« Le fait qu’il y ait un réseau social ne change pas l’industrie ni la clientèle. Il faut identifier quels sont les prospects d’affaires, qui forme la clientèle et où elle est présente sur Internet, affirme-t-il. De grandes marques bâtissent leurs propres réseaux sociaux, mais peu d’entreprises ont assez de traction pour attirer des personnes [sur des réseaux dédiés]. Une compagnie industrielle ou manufacturière n’aura aucun avantage à se présenter sur Facebook, mais en faisant des recherches elle pourra trouver des plates-formes d’interrelation de personnes dans leur industrie. »

« Il faut avoir quelqu’un à l’interne, aux communications, au marketing ou aux ressources humaines, qui prenne le temps de s’impliquer et de commencer à tisser des liens avec une communauté d’intérêts, avec des personnes dans une industrie ou un marché semblable qui recherchent une clientèle similaire », suggère-t-il.

Liens et hyperliens

Avoir une présence sur un réseau social signifie qu’une organisation doit s’impliquer de façon active pour y publier des contenus, constater la perception des participants et interagir avec ces personnes.

La conseillère en marketing Internet Michelle Blanc est présente dans une constellation de médias sociaux – Facebook, Myspace, Twitter, LinkedIn, Flicker, YouTube, Dailymotion, etc. – dont le point central est un blogue professionnel. Sans détour, elle explique que les entreprises trouveraient de la valeur à participer aux réseaux sociaux, mais que les organisations démontrent des réticences envers la communication.

« Les entreprises ont peur de se faire critiquer, mais si elles n’y sont pas elles seront critiquées de toute façon. Une critique dans le dos fait plus de mal parce qu’on peut difficilement y répondre, alors qu’une critique en face peut être répondue avec des argumentaires. En plus, cela permet d’apprendre des lacunes sur les produits ou les services. Au lieu de payer pour un « focus group », on peut en avoir un en temps réel et savoir les vraies affaires. Beaucoup de gens croient que la politique de l’autruche est une bonne politique… »

La conseillère acquiesce que l’intérêt de la présence sur les médias sociaux émane davantage d’employés qui y travaillent que des membres de la direction d’une organisation. Toutefois, elle donne l’exemple du concepteur de plans architecturaux Dessins Drummond, qui exploite un blogue consacré aux domaines d’activité de l’entreprise, alors que le patron Yves Carignan traite des réalités du travail de président sur son propre blogue. Ces médias sociaux, souligne-t-elle, contribuent à l’essor du site transactionnel en termes de référencement et de crédibilité.

« Les réseaux sociaux contribuent au positionnement dans les résultats des moteurs de recherche en agissant comme des concentrateurs qui permettent de créer soi-même des hyperliens externes [vers son site] et d’inciter les autres à en créer davantage. Ils offrent d’autres retombées possible, dont celles d’humaniser l’entreprise, d’avoir une communication authentique et d’avoir un discours beaucoup plus direct et franc que celui, empoté, des relationnistes habituels. »

Mme Blanc souligne qu’il y a encore beaucoup d’expérimentation en cours avec les réseaux sociaux, alors que les retombées d’affaires de certains réseaux, comme Facebook, sont peu évidentes en raison de leurs particularités fonctionnelles ou sociodémographiques. Certains réseaux sociaux, néanmoins, répondent à des besoins internes. Elle donne l’exemple d’entreprises qui recrutent du personnel à l’aide du réseau LinkedIn au lieu d’appeler un réseau de connaissances.

« Les profils y sont parfois mis à jour plus souvent qu’un répertoire d’employés. Vous pouvez trouver, dans un tel réseau, quelqu’un qui a déjà travaillé avec un candidat qui postule un emploi ou qui est dans la même entreprise que lui, afin d’avoir des références. Aux États-Unis des recruteurs demandent aux candidats sur quels réseaux sociaux ils sont et s’ils n’y sont pas, ce qu’ils ont à cacher. À l’inverse, des candidats vont googler le nom de l’entreprise pour savoir ce qu’on en dit… », relate-t-elle.

Modération et constatation

Autant les organisations qui sont présentes dans les réseaux sociaux doivent s’impliquer activement pour maintenir l’intérêt des participants, autant elles doivent surveiller ce qui s’y dit.

Nicolas Cossette relate que des entreprises qui ont entamé une présence sur des médias sociaux, sans penser aux ressources requises ni modérer des contenus publiés dans leurs espaces, ont vécu des histoires d’horreur. D’autres sont confrontées à l’expression de mécontentements dans des espaces sociaux où elle n’a aucune influence

« Dans le modèle traditionnel de communication, on contrôlait le message qui provenait de la compagnie ou de l’agence de relations publiques. Présentement, n’importe qui peut lancer une page Web, un blogue ou une page sur un réseau social et dire qu’il n’est pas satisfait de quelque chose. Avec des sites où les gens votent pour la meilleure nouvelle, une histoire peut faire la manchette en moins de 24 heures… Il y a une traction encore plus grande qu’auparavant grâce à l’information, à la technologie et à la rapidité de circulation de l’information », explique-t-il.

M. Cossette explique que des services d’alerte d’entrée de mots-clés dans des moteurs de recherche, des outils d’exploration des blogues et des réseaux sociaux ainsi que des logiciels de gestion de la réputation servent à une organisation à constater ce qu’on dit à son sujet.

Michelle Blanc, pour sa part, illustre par un cas personnel les conséquences d’un manque d’attention. Le mauvais service obtenu dans un magasin l’a incitée à écrire un billet qui, depuis deux ans, apparaît dans les premiers résultats de recherche du nom du détaillant sur Google.ca .

« Le propriétaire du magasin m’a appelé, parce qu’il savait que je n’étais pas contente […] Mais le siège social ne m’a jamais appelé… En plus de ne pas être ouverte à la communication avec ses clients [la chaîne] ne fait pas de surveillance de marque. S’il y avait un endroit sur son site pour formuler des plaintes, le commentaire aurait été dilué dans l’ensemble des contenus de ce site, au lieu d’être [visible] comme une balle à côté… »

Authenticité

M. Cossette et Mme Blanc ont souligné l’importance de l’authenticité sur les réseaux sociaux. En clair, il faut reconnaître les fautes et les objections et miser sur la conciliation plutôt que la négation.

« L’authenticité devient un outil de communication efficace. Les gens préfèrent quelqu’un qui admet ses erreurs et qui s’améliore que quelqu’un qui se dit parfait, car personne ne l’est, indique Mme Blanc. Curieusement, les entreprises ont peur des commentaires, mais il faut commencer par en avoir, des commentaires. Une fois qu’on en reçoit, on peut être surpris », indique-t-elle en expliquant que la critique d’un client a incité Dessins Drummond à adapter ses plans d’escalier intérieur pour permettre le passage de meubles encombrants.

D’autre part, selon Nicolas Cossette, une organisation doit éviter l’usurpation d’identité sur les médias sociaux. « Il y a deux ou trois ans, des compagnies ont tenté d’infiltrer les réseaux sociaux en se faisant passer pour des fans d’une marque. On s’est rendu compte rapidement que c’étaient des relationnistes et non un mouvement organique ou naturel », explique-t-il.

Il ajoute que l’organisation qui est confrontée à des présences sociales d’admirateurs qui pourraient confondre les internautes devra faire preuve d’ouverture et d’inclusion. Lors de la campagne d’une marque de bière, quelques groupes avaient été créés sur Facebook sans l’intervention du brasseur. Curieuse de savoir ce qu’on y disait, l’agence est entrée en contact avec les internautes.

« On aurait pu dire d’enlever cette page, mais comme ce sont des ‘brand evangelists‘, des personnes influentes qui prennent le temps de faire de quoi pour la campagne parce qu’ils aiment ça, nous leur avons dit ‘Nous sommes au courant de ce que vous faites, nous regardons comment nous pourrions collaborer avec vous et nous apprécions ce que vous faites pour nous’. Parallèlement, nous avons créé un groupe officiel de partisans où l’on disait que l’on trouvait ces initiatives extraordinaires », explique-t-il.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.


À lire aussi cette semaine: Savoir exploiter les réseaux sociaux Perspectives : les réseaux sociaux Repères : les réseaux sociaux

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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