Après moi, le déluge !

Quand les dirigeants de grandes entreprises font de cette maxime leur credo, il y a lieu de se poser des questions sur les valeurs qui animent la société actuelle. En technologies ou ailleurs, l’éthique et la morale font face à l’appât du gain.

Cette semaine marque le début du procès des dirigeants d’Enron qu’on accuse d’avoir manipulé les résultats financiers de l’entreprise américaine spécialisée dans l’énergie pour les faire paraître mieux qu’ils ne l’étaient en réalité, ce, dans le but de berner les actionnaires et de toucher des primes de rendement intéressantes.

En recourant à diverses techniques de présentation de l’information financière, il est, en effet, possible de transformer une perte nette réelle en profit fictif, duquel n’auront pas été soustraites certaines charges. Bien que ces techniques de ventilation des résultats financiers soient légales, puisqu’on précise leurs limites dans les états financiers, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas conformes aux principes comptables généralement reconnus et, par conséquent, portent à confusion, d’où le caractère délictueux de l’acte.

Encore aujourd’hui, on voit dans les communiqués de presse annonçant les résultats financiers des entreprises de technologie des expressions comptables originales qui laissent perplexes. Des expressions comme « bénéfice net tiré des activités poursuivies avant amortissement des actifs incorporels à durée de vie limitée » et « bénéfice net avant frais de restructuration et autres éléments et gains nets sur placements » qui sèment, en bout de ligne, la confusion dans les esprits et complique substantiellement l’interprétation des résultats financiers.

Qu’il s’agisse d’Enron, de WorldCom ou, plus près de nous, de Nortel Networks qui a adopté une stratégie comptable « créative » au tournant du millénaire, la source du problème est avant tout d’ordre éthique et moral. C’est que les dirigeants de l’entreprise ont fait de l’appât du gain la seule et unique considération guidant leur manœuvre. En gonflant la performance financière de l’entreprise, on contribue à hausser la valeur des actions, ce qui a pour effet d’attirer les actionnaires et de permettre aux dirigeants de toucher de substantielles primes de rendement.

Mais quand la vérité éclate au grand jour et que les actionnaires s’aperçoivent qu’ils ont été floués, que la valeur réelle de l’action n’est qu’une fraction minime du prix qu’ils ont payé, et qu’ils mettent cela en rapport avec les millions qu’ont touchés les dirigeants et les spéculateurs, ils ne peuvent faire autrement qu’être en colère. Très en colère. Mais aussi profondément déçus des dirigeants d’entreprise et du genre humain, d’une façon plus générale.

C’est qu’on s’attend généralement à ce que les patrons d’entreprise agissent de façon responsable, en « bons pères de famille », puisqu’on les investit de pouvoirs considérables auxquels sont assujetties des responsabilités tout aussi importantes. Ces dirigeants ne sont-ils pas amenés à prendre des décisions ayant des répercussions sur des milliers d’emplois et les fonds de retraite de millions de citoyens? Ces considérations n’ont apparemment pas pesé bien lourd dans la balance… Quand le mot d’ordre est : « après moi, le déluge ! », il y a vraiment de quoi être déçu et se poser des questions sur la société dans laquelle nous vivons.

Les juristes disent que le problème est, évidemment, juridique et que la solution passe par un renforcement des lois encadrant la gouvernance des entreprises. Mais le problème ne serait-il pas tout simplement culturel? Ne vivons-nous pas dans une société qui fait l’apologie de l’individualité, du chacun-pour-soi? Sans doute faudrait-il l’avènement d’un « citoyen nouveau » qui aurait à cœur le bien-être de la collectivité pour renverser la vapeur. Ce qui, évidemment, ne se fera pas du jour au lendemain.

Mais quand les fonctions d’un individu, qui est grassement payé, ont des incidences importantes sur la collectivité, comme c’est le cas des dirigeants dont il est question ici, il me semble qu’on est en droit de s’attendre à ce que ceux-ci pensent aux intérêts de la collectivité quand ils prennent des décisions et ce, peu importe la société dans laquelle nous vivons. Mais peut-être est-ce trop demander? Peut-être que l’individualisme est ancré trop profondément dans la société actuelle pour espérer cette conscience sociale. Peut-être pas, après tout. Reste à voir…

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